"C'était le meilleur choix possible" : 10 ans après une IVG traumatique, elle raconte

Il y a 10 ans, Cécile* a fait le choix d'interrompre une grossesse. Une IVG médicamenteuse dont elle garde un souvenir douloureux, mais qu'elle ne regrette pas. Un choix qui résonne en ce 8 mars, journée internationale du droit des femmes.

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C'est un souvenir qui l'a longtemps hantée. Un choix quasi impossible, qu'elle a pourtant dû faire. "C'était une décision de la raison, mais pas une décision du cœur" résume Cécile. Il y a 10 ans, en 2014, cette Franc-Comtoise a vécu une interruption médicale de grossesse (IVG) particulièrement difficile. 

C'était une autre vie, dans une autre région, avec un autre compagnon. Elle avait 28 ans et un emploi stable lorsqu'elle tombe accidentellement enceinte : "si j'avais écouté mon cœur, je l'aurais gardé cet enfant" soupire-t-elle. Mais voilà, "C'était compliqué avec mon compagnon, explique-t-elle, on était ensemble depuis trois mois, on était très différents".

Il souffre d'un problème avec l'alcool, elle ne se voit pas devenir mère dans ce contexte : "Ce n'était pas ce que j'avais envie d'offrir" déclare Cécile, "mon souhait, c'était de construire une famille, pas juste d'avoir un enfant". C'est seule qu'elle doit traverser cette épreuve.

"Comme si j'étais la paria"

 Accompagnée par son gynécologue, elle choisit une IVG médicamenteuse, moins contraignante. "Il y avait un premier médicament à prendre, qui m'était donné par le gynécologue et le deuxième 24 heures après, à l’hôpital" se souvient-elle. "C'est là que ça s'est mal passé".

Là-bas, elle doit se rendre à l'étage des suites de couches de la maternité : "il y avait plein de mamans, pleins de bébés, décrit-elle, moi, j'étais dans une salle, au fond, isolée comme si j'étais une paria". On lui donne un médicament qui doit lancer des contractions fortes de son utérus, et on la laisse. 

"On est revenu deux heures après en me demandant 'vous saignez ?', non." rapporte Cécile. "On m'a dit 'on n'a pas le temps, on va vous redonner des médicaments". Malgré des contractions très fortes, l'IVG ne se lance toujours pas. "Deux heures après, ils sont revenus, je ne saignais pas, on m'a dit 'on ne peut pas vous garder', et je suis rentrée chez moi".

Chez elle, sans anti-douleurs, elle vit deux journées d'enfer : "j'ai fait l'expulsion toute seule chez moi, j'ai eu extrêmement mal" rapporte-t-elle. "Pendant 48 heures, j'ai vomi toutes les demi-heures". Comme on lui avait conseillé de le faire en cas d'anomalie, elle appelle les urgences obstétricales : on lui conseille de prendre du spasfon, un médicament dont l'efficacité est débattue. Sa mère arrive en catastrophe pour la soutenir.

"J'ai beaucoup culpabilisé"

Il a fallu plusieurs années à Cécile pour surmonter ce traumatisme. Le souvenir de la douleur, et surtout, une question plus intime : "j'ai beaucoup culpabilisé", confie-t-elle. "Pendant les deux ou trois semaines où j'ai su que j'étais enceinte et avant l'IVG, c'était difficile de savoir que j'avais en moi un être en développement auquel je mettais fin", rapporte-t-elle. "Je commençais à me projeter, c'était déjà presque une personne pour moi".

Aujourd'hui, je sais que c'était le meilleur des choix pour moi, ça ne fait pas de doute

Cécile

Dix ans plus tard, Cécile a déménagé, changé de métier, et rencontré quelqu'un d'autre. Après plusieurs années de relations, ils ont eu un enfant : "on a construit un couple solide et stable, on s'est projeté en amont sur ce qu'on souhaitait, on était raccord" raconte-t-elle. "On a un petit bébé qui a 16 mois, et ça se passe très bien, on a construit une famille stable". 

Cette parentalité épanouie a renforcé sa conviction qu'elle a fait le bon choix : "Quand je vois maintenant ce que c'est que d'être maman, je me dis 'heureusement que j'ai fait ce choix-là' parce que j'aurais vraiment galéré".

Alors, pour Cécile, la nouvelle de l'inscription dans la constitution française de la garantie de la liberté de recourir à une IVG est un soulagement : "quand on voit ce qui peut se passer dans d'autre pays... C'est rassurant de se dire que c'est un droit sur lequel on pourra compter de manière durable".

Le prénom a été modifié*

 

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