À Besançon (Doubs), un duo de chercheurs développe un traitement prometteur contre la leucémie aiguë myéloïde. Après 10 années d'expérimentation, l'agence européenne des médicaments a donné son feu vert pour un essai clinique. Éclairage.
C’est une équipe bisontine qui pourrait bien ouvrir une nouvelle page du traitement contre la leucémie. Les docteurs Christophe Ferrand et Marina Deschamps, directeurs de recherche à l'Établissement Français du Sang (EFS), expérimentent une méthode de traitement inédite. Appelé traitement par cellules CAR-T (ou CAR-T cells), il cible les patients atteints de leucémie aigüe myéloïde (ou LAM), aussi appelé cancer du sang. La moelle osseuse qui produit les globules dysfonctionne, elle produit en quantité des cellules immatures qui ne remplissent pas leurs fonctions.
Super-globules
Le traitement par CART-cells consiste à "rajouter aux globules blancs la possibilité d’à nouveau reconnaître les cellules tumorales", précise Docteur Marina Deschamps. Pour expliquer simplement, les globules blancs sont prélevés sur le patient, modifiés en laboratoire, avant de lui réinjecter.
Comme il s'agit de globules blancs du patient, "il n'y a pas de rejets et comme c'est du vivant, une fois réinjecté, ils vont se multiplier", ajoute Docteur Christophe Ferrand. Ces 'nouveaux globules' (CART-cells) peuvent à nouveau combattre la maladie. Ils conservent ces 'compétences' dans la durée grâce à leur mémoire immunitaire et permettent d'éviter les rechutes en cas de résurgence de la maladie.
Traitement prometteur
Cette recherche est une alternative aux traitements existants. La maladie touche 5.000 personnes en France, principalement des personnes de plus de 60 ans, même si certains cas chez les enfants existent. Communément, les patients sont soignés par de la chimiothérapie, qui peut être agressive pour le corps. Ce dispositif peut entraîner des rechutes dans certains cas, quelques années après une rémission.
La greffe de moelle osseuse est aussi utilisée chez certains patients pour combattre la leucémie. Mais cette dernière est limitée aux cas éligibles, et peut parfois entraîner des rejets.
"Il y a des patients auxquels on ne peut plus rien proposer, ils sont dans une impasse thérapeutique et il y a un besoin d'avoir de nouvelles thérapies ou immunothérapies"
Christophe Ferrand, directeur de recherche à l'EFS Bourgogne-Franche-Comté
Une décennie de recherche
Un développement de plusieurs années a été nécessaire pour réussir à mettre au point cette avancée médicale. L'idée a germé dans la tête des chercheurs en 2014 en discutant avec des confrères. Si de la documentation existait sur les CART-cells, le duo de chercheurs, pionnier dans ce domaine, à l'époque, a dû tout créer. Il a développé leur propre anticorps. Un travail rendu possible avec l'entreprise bisontine Diaclone, à l'aide de souris.
"Tout au long de ces 10 ans, on a tenu à réunir au maximum des conditions pour permettre une application chez le patient. L'idée ce n'est pas que le médicament reste dans le laboratoire, c'est qu'il puisse changer d'échelle et aller chez le patient", explique Docteur Marina Deschamps.
Cellules made in Besançon
Après des essais, des expérimentations, des démonstrations, cet été, le médicament a été approuvé en essai clinique en phase I par l'agence européenne des médicaments. Une première. L'essai est porté la start-up Advesya (ex- CanCell Therapeutics) fondée par le duo de chercheurs.
C'est bien à Besançon que seront produites les CART-cells utilisées lors de l'essai clinique, dans un laboratoire de l'EFS. Il fait partie des quatre établissements en France capables de réaliser cette prouesse scientifique. C'est la première fois que des CART-cells issus de la recherche française seront produits dans l'Hexagone.
Les dates du début de l'essai et les patients qui entreront dans le programme sont encore confidentiels pour le moment. Si les résultats sont satisfaisants, l'essai pourra passer au stade II. Quatre stades au total sont nécessaires, pour rendre disponible un médicament sur le marché. Un processus qui prend généralement plusieurs années.