Patrick Forsans, photographe et gérant d’un bar bisontin, réalise des portraits de propriétaires de cafés et de restaurants. Un moyen de montrer les personnes passionnées qui se cachent derrière les établissements.
Sur la page de Resto Bar Besac, des portraits en noir et blanc défilent. Des hommes et des femmes, des regards et des sourires. Avec un point commun : être propriétaire d’un bar ou d’un restaurant. Ce projet nommé « Salut à toi », c’est celui de Patrice Forsans, propriétaire du bar Le Marulaz et photographe. Il parle de cette série de portraits avec passion : « Avec le même cadrage et la même lumière, tout le monde est différent. »
Chacun apprécie un lieu pour ses plats ; d’autres pour ses boissons, ou son ambiance. Peu connaissent, cependant, les hommes et les femmes qui sévissent derrière le comptoir, celles et ceux qui travaillent chaque jour pour faire tourner leur affaire. C’est toute l’ambition de Patrice Forsans : « Je voulais mettre un visage sur un lieu. »
Une photographie sur le vif
En deux-trois minutes, la photographie est prise, sur le vif. « Les gens n’ont pas le temps de poser, ils s’installent à peine », souligne Patrice. Tous les portraits sont réalisés au même endroit, dans son bar, en respectant bien sûr, la distanciation sociale et autres gestes barrière. Les textes de présentation sont écrits par les gérants eux-mêmes. Pour l’instant, il y en a huit, sur la page Resto Bar Besac.
Au début du projet, seules les connaissances de Patrice Forsans allaient derrière l’objectif. C’est le cas de Sandrine Ott, la responsable du Moule Frites à Besançon. De cette série de portraits, la propriétaire du restaurant ne tarit pas d’éloges ; du « baume au cœur ». Elle ajoute : « Patrice a su montrer le côté humain, ça remonte le moral. »
Portraits et solidarité
« Je me suis dit que j’étais moins moche que ce que je pensais : c’est bien Photoshop ! », blague David Petit, du Bar de l’Université. Le patron souligne « la solidarité » qui ressort de cette initiative, comme de BBRBU (Bars Boites Restos de Besac Unis), un moyen de se regrouper et de s’entraider, au-delà de la concurrence. Une association, sur laquelle se reposer aussi, car David Petit est inquiet pour la profession. Si les bars réouvrent, leur essence même pourrait heurtée pour David : « Les bars sont des endroits de convivialité, s’il faut 4m² pour chaque personne, on est morts ».
Cette fermeture n’arrange pas non plus Sandrine, elle qui est « au taquet » pour reprendre, « reprendre un semblant de vie ». Non sans perdre sa vivacité, elle confie : « On est stand-by. Peut-être qu’on manque aux gens, on ne veut pas qu’ils nous oublient. » La restauratrice voit donc dans les portraits de Patrice Forsans, un moyen de ne pas rompre le lien avec ses clients : « C’est important de voir du monde qui réagit à cette publication, chaque personne est mise sur le même piédestal. »
Un acte vivant plus qu’un arrêt sur image
Patrice Forsans explique : « On se prend cinq minutes, un café et on discute, et ça libère. » Pour les gérants des bars et des restaurants, c’est donc une petite respiration pendant le confinement. Le photographe le répète : « J’ai envie de leur donner envie de continuer, de se battre ; ce portrait, c’est un acte vivant, pas qu’un arrêt sur image. »
Cette fermeture forcée donne aussi l’occasion d’une réflexion sur son bar ou son restaurant. Pour Patrice Forsans, c’est une prise de recul : « Quand vous bossez 70 heures par semaine, pour toucher à peine le SMIC, et que vous vous rendez compte qu’avec la pandémie, votre établissement ne vaut presque rien, ça vous fait vous remettre en question. » Son bar, après la crise sanitaire ? Il espère pouvoir en faire un lieu culturel, un atelier de photographies, ouverts à tous, un endroit d’échanges et de rencontres. Le photographe le résume : « Un mal pour un bien ».