Cela pourrait être une question de philo au bac mais il s’agit, tout simplement, d’une annonce du ministre de l’économie qui fait des remous. Il envisage la réouverture des librairies, considérant que le livre est essentiel à la vie.
Natacha Siloume, libraire, ne décolère pas depuis qu’elle a appris que Bruno Le Maire, Ministre de l’économie, envisage de rouvrir les librairies. Elle travaille aux Sandales d’Empedocle à Besançon : « Je suis furieuse. C’est une hérésie. On mettrait nos vies et celles de nos clients en danger. J’étais ce matin chez le médecin. Il m’a dit que tout le monde devrait porter des masques. Les mesures ne sont pas assez strictes, j’ai vu des gens, plusieurs personnes, manger des chips sur un banc ! » Et elle poursuit : « Il nous faudra toucher les cartons d’emballage, parler aux gens. Est-ce que dans la fiche des autorisations il y aura une case « aller chez mon libraire? Un livre ne sauvera jamais une vie. »
Sa collègue, Véronique Paris, de l’Intranquille, autre librairie à Besançon, réagit de la même façon : « Cela n’a pas de sens. On a déjà été très exposé jusqu’à samedi. L’urgence, c’est la sécurité sanitaire. Un sondage du magazine « livres hebdo » circule sur les réseaux sociaux. 87 % des gens sont contre la réouverture des librairies. De toute façon, ce serait difficile, la chaîne du livre en France est totalement fermée. Plus d’éditeur, plus de livraison de livres. Cela n’a pas de sens, vraiment ! »
Jean-François Tehran trouve lui aussi que c’est une très mauvaise idée. Il a repris la librairie « Les sandales d’Empédocle » il y a 18 mois seulement. Il trouve l’action du gouvernement incohérente : « C’est plus facile de lancer une idée comme la réouverture des librairies que de s’attaquer à Amazon. Les politiques nous disent que cette épidémie est révélatrice des dangers de la mondialisation, mais ils laissent le chantre de la mondialisation, Amazon, en profiter. »
Tout se plaignent en effet de cette concurrence jugée déloyale d’Amazon et des grandes surfaces, qui mettent en péril les librairies indépendantes.
Le patron des Sandales avoue qu’il passe son temps à la librairie, il habite juste à côté, même en cette période de confinement. Il téléphone tous azimuts pour repousser les échéances. Et il espère des mesures gouvernementales qui pourront aider financièrement les librairies et les commerces comme le sien. Quand le confinement aura cessé.
Mais il dit, dans un souffle : « J’essaie de sauver les meubles. Je fais ce que je peux faire et après, je rentre chez moi pour me confiner comme tout le monde.»
Bruno Bachelier a ouvert sa librairie « Réservoir Books » le 9 novembre dernier. Pour lui non plus, pas question d’ouvrir en cette période de confinement : « C’est non d’un point de vue éthique car c’est la sécurité sanitaire qui prime. C’est non aussi techniquement. Nous ne sommes pas équipés, nous n’avons ni masque ni gants. Et même si c’était ouvert, nous n’aurions pas une influence majeure, n’est-ce pas ? »
Il est donc confiné, chez lui, avec sa famille : « J’ai gardé mes habitudes, je suis levé à 4h tous les matins pour lire. Depuis dimanche j’ai déjà lu cinq livres ou bandes dessinées. Au moins je prends le temps de lire, j’en profite ! J’espère que les gens en font autant ! »