En Bourgogne-Franche-Comté, le Rassemblement national a réalisé une véritable percée lors de ces élections européennes 2024 en récoltant 37,09 % des suffrages. Un chiffre supérieur au score national du RN (31,4 %) et qui, département par département, a sensiblement augmenté depuis 20 ans et les élections européennes de 2004.
37,09 %. Voici, dans la région Bourgogne-Franche-Comté, le pourcentage des votes recueilli par le Rassemblement national, grand vainqueur de ces élections européennes 2024. Un chiffre régional supérieur au score du RN en France, qui lui est de 31,4 %.
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Dans le détail, cette domination du parti d'extrême-droite est à retrouver dans les huit départements de la région. Côte-d'Or, Doubs, Haute-Saône, Jura, Nièvre, Saône-et-Loire, Territoire de Belfort et Yonne. Dans tous ces territoires, c'est ainsi le Rassemblement national qui arrive en tête des scrutins.
La barre des 30 % franchie partout par le RN en BFC
Et le parti emmené par Jordan Bardella lors de ces élections européennes a constamment franchi la barre symbolique des 30 % ce dimanche. Une première historique en BFC, qui vient illustrer la progression historique du Rassemblement national depuis 20 ans et le scrutin européen de 2004.
Ainsi, dans la région, le score moyen du Rassemblement national (ex Front national) a augmenté de 26 points entre 2004 et 2024. La progression est la plus importante en Haute-Saône, où le RN passe de 14,02 % en 2004 contre 45,8 % en 2024, soit une hausse de 31,78 points. Suivent la Nièvre, de 9,86 % à 38,89 % (augmentation de 29,03 points) et l'Yonne, de 13,45 % à 41,44 % (augmentation de 27,99 points).
"Ce sont des départements ruraux qui, depuis plusieurs scrutins, se mobilisent pour le Rassemblement national. On est donc dans une certaine continuité" explique Dominique Andolfatto, professeur en sciences politique à l'université de Bourgogne. "La surprise, qui explique en partie ce gros score, c'est dans les territoires plus urbanisés. Même si les villes ont moins voté RN que dans les campagnes, il y a une bascule. Dans le Doubs, avec Besançon, et la Côte-d'Or, avec Dijon, le vote RN a lui aussi pour la première fois dépassé les 30 %".
Hausse historique du RN dans les agglomérations
Ainsi, en Franche-Comté, les dix villes les plus peuplées ont vu le Rassemblement national arriver en tête des suffrages. "C'est un contraste important avec 2019, où la répartition des scores était beaucoup plus équilibrée" juge Vincent Lebrou, maître de conférences en science politique à l'université de Franche-Comté.
Beaucoup de villes avaient été gagnées par le parti présidentiel, certaines autres par les Verts ou Les Républicains. Le RN était déjà très présent, mais pas au point atteint en 2024.
Vincent Lebrou,maître de conférences en science politique à l'université de Franche-Comté
Qu'est-ce-qui explique donc ce revirement. "Il y a plusieurs facteurs" reprend Dominique Andolfatto. "Premièrement, le RN s'est institutionnalisé. Il y a une nouvelle vague de leaders, les générations d'électeurs ont changé et les nouveaux votants banalisent moins ce vote. De plus, le parti s'est notabilisé en envoyant un nombre important de députés ou de conseillers régionaux et départementaux. Les classes plus aisées des villes, désormais "habituées" à des membres du RN aux postes de responsabilité, ne les voient plus comme des "intouchables" ".
Au niveau local "un trou béant pour le RN"
La recomposition du champ électoral, entamée lors de la victoire d'Emmanuel Macron aux présidentielles de 2017 avec la création de son parti En Marche (désormais Renaissance), a aussi joué son rôle. "Le parti présidentiel a fait exploser le clivage gauche-droite, très important au niveau local" analyse Dominique Andolfatto. "Mais le problème, c'est que les élus Renaissance n'ont jamais réussi à s'implanter dans les territoires après les législatives de 2017. Ils ont laissé un trou béant dans lequel s'est engouffré le RN".
Chose qu'a parfaitement réussi à faire le Rassemblement national. "Face au délitement du système partisan, il suffit au RN de continuer à se présenter comme un parti anti-système quelle que soit l’élection pour faire des scores" résume Vincent Lebrou. "Délitement", le même terme est utilisé par Dominique Andolfatto pour avancer une autre explication à l'augmentation du score RN.
Même si l'augmentation du Rassemblement national ne date pas de 2024, on conservait une sorte de plafond de verre. Dans les milieux ouvriers, grâce au syndicalisme, ou encore chez les ruraux, grâce à la religion. Mais ce plafond a explosé.
Dominique Andolfatto,professeur en sciences politique à l'université de Bourgogne
"En campagne, la culture et l'identité locale ont souvent freiné la montée des extrêmes" précise Dominique Andolfatto. "Idem pour la forte présence syndicale dans les entreprises. Mais ces deux "barrières" se sont délitées dans notre société. Là aussi, un vide a été créé et là aussi, le RN en a profité. Résultat, aujourd'hui, ouvriers et ruraux représentent deux pourvoyeurs de votes pour le Rassemblement national".
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Cet élan restera-t-il en place le 30 juin prochain, lors du 1ᵉʳ tour des élections législatives anticipées organisées suite à la dissolution de l'Assemblée nationale, le 9 juin ? Le Rassemblement national arrivera-t-il à s'imposer sur un scrutin à deux tours au suffrage universel direct ? Réponse dans un peu plus de trois semaines.