Les députés devaient reprendre l’examen du projet de loi ouvrant sur l’aide à mourir ce lundi 11 juin, et voter le texte le 18 juin. La dissolution de l'Assemblée nationale rebat les cartes. L'avenir du texte dépend désormais que la nouvelle composition de l'hémicycle et de la volonté des députés de le mettre sur la table.
Retour à la case départ pour le projet de loi sur la fin de vie ? Alors que le vote du texte qui prévoyait de légaliser l’euthanasie et le suicide assisté, devait avoir lieu le 18 juin, son examen est stoppé net, à cause de la dissolution de l’Assemblée nationale. Tout le travail déjà réalisé s’évapore. Et son avenir dépend entièrement des prochaines élections législatives. Pour être à nouveau examiné, le texte devra être réinscrit à l’ordre du jour par le gouvernement, après le scrutin, et tout dépendra aussi de la nouvelle composition de l’Assemblée nationale.
"Une profonde déception"
Des perspectives floues, incertaines, qui inquiètent Laure Hubidos, présidente du Collectif National des Maisons de Vie. « Je ressens une profonde déception. En arriver là après des mois et des années de travail, de préparation acharnée, sans savoir quand ce projet sera repoussé et même s’il pourra voir le jour, je suis dépitée », confie-t-elle. En avril dernier, Laure Hubidos, fondatrice de la première maison de vie (structure qui propose une prise en charge pluridisciplinaire aux personnes en fin de vie) avait été auditionnée avec d’autres associations par la commission spéciale de l'Assemblée nationale qui travaillait sur le projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie. L’article 2 du projet de loi prévoit en effet de créer « une nouvelle catégorie d'établissement médico‑social dans le code de l'action sociale et des familles pour accueillir et accompagner les personnes en fin de vie et leur entourage, dénommée « maison d'accompagnement » ». Un concept lancé pour la première fois en France en 2011, à Besançon (Doubs), par Laure Hubidos, sous le nom de "maison de vie". L’article en question a été adopté par l’Assemblée nationale. Mais cela ne suffit pas. « Le vote global de la loi était nécessaire. À cause de la dissolution, c’est l’incertitude totale. Je suis inquiète et déçue. On va devoir repartir de zéro. Après 20 ans de bataille, je suis très déçue », regrette la présidente.
Quel avenir pour le texte ?
En effet, selon la réglementation du Parlement, la dissolution entraîne la fin d’une législature, rendant caducs tous les projets de loi en cours à l’Assemblée nationale. Ce projet de loi sur la fin de vie devra donc être redéposé par le nouveau gouvernement pour pouvoir être revu et/ou adopté. « On se mobilisera toujours. On va voir comment réenclencher les choses avec le ministère de la Santé, mais nous continuerons de nous battre pour défendre ce texte », conclut Laure Hubidos.
Les débats reprendront-ils après les législatives ? Avec quelle majorité ? Quelles chances de voir le texte adopté ? Autant de questions qui trottent dans la tête des militants de l’association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD). Patricia Maitret est la déléguée de Haute-Saône. « Je suis désespérée, on n'était pas loin du but, on était près de quelque chose, et ça nous passe sous le nez », souffle-t-elle. Ce qui l’inquiète surtout, c’est que le Rassemblement national (RN) soit majoritaire à l’Assemblée. « L’extrême droite est contre notre projet. Si elle remporte les élections, je crains que le projet disparaisse purement et simplement. J’espère qu’il y aura une union de la gauche », enchérit la déléguée, engagée dans la défense du droit à mourir dignement depuis les années 1980. « Mais en 15 jours, quel candidat de gauche peut émerger ? ».
"Pendant ce temps, les gens malades qui aimeraient mourir dignement continuent de souffrir"
Selon elle, il est pourtant urgent d’agir. Ce report sine die de l’examen du texte ne peut qu’aggraver les choses. « Pendant ce temps, les gens malades qui aimeraient mourir dignement continuent de souffrir. Quand je vois les prises en charge médicale à domicile, c’est dramatique. On est dans une République du non-sens », scande Patricia Maitret.
Un « sentiment de gâchis » partagé par le président de l’ADMD, Jonathan Denis, qui écrit dans un communiqué : « Parce que nous ne pouvons plus mépriser la demande de nos concitoyens pour une loi de liberté en fin de vie, parce que nous ne pouvons pas ignorer la séquence démocratique qui a débuté en octobre 2022 avec le lancement de la Convention citoyenne, dès aujourd’hui, je vais interpeller les chefs des partis afin de leur demander d’intégrer cette demande de la société dans leur programme et de s’engager très clairement, au nom des candidats qui seront élus, à faire voter, dans les meilleurs délais, une loi qui autorise chacun à rester maître de son parcours de fin de vie. »