DIAPORAMA SONORE. Stations d'épuration de l'eau : agents d'assainissement, les oubliés de la crise sanitaire

Crise sanitaire ou pas, ces hommes et ces femmes n'ont jamais cessé de travailler. Heureusement pour nous. Car ils protègent les rivières des eaux usées que nous rejetons depuis nos cuisines, salles de bain et toilettes. Visite à la station d'épuration de Port Douvot, à Besançon.

Pour la trouver, faites confiance à votre odorat ! A la sortie ouest de Besançon, impossible de ne pas la sentir, surtout quand il fait très chaud.  Il s'agit de la station d'épuration de Port Douvot. Grande comme une dizaine de terrains de football. Une quinzaine de personnes travaillent ici.

C'est le domaine de John Guérittot. A 57 ans, il est le chef d’équipe en charge du traitement des eaux usées. Parcours étonnant pour cet homme : il y a quelques années encore, il était boulanger pâtissier.

Pourquoi j'aime mon métier ? Quand mon travail est fait correctement, la station recrache de l'eau propre dans la rivière, ça aide la nature. Mon gamin tout petit avait dit "mon papa, il fait de l'eau propre pour les petits canards !"

John Guérittot, chef d'équipe de la station d'épuration de Besançon Port Douvot

Pourtant, son métier est salissant, risqué, pas très bien payé. Et en plus, ça pue !  

On travaille, excusez-moi, les mains dans la ... Quand on démonte une pompe,  il y a toujours le risque de prendre des éclaboussures, c'est pas très agréable. Le milieu est insalubre, si on a une coupure, il faut désinfecter immédiatement. Il y a des risques de chutes et des risques d'asphyxie dans des ouvrages confinés : les bactéries produisent du méthane, un gaz toxique.

John nous fait visiter le site. Un dédale de bâtiments, de bassins et de  passerelles. Certaines installations ont jusqu'à 13 mètres de profondeur. Des dimensions à la hauteur du débit des eaux usées qui arrivent à la station.   Chaque jour, selon qu'il pleuve ou pas, entre 20 000 et 120 000 mètres cubes d'eau polluée transitent par Besançon Port Douvot.

Des collaboratrices par milliards

Entre l'eau polluée qui arrive ici et celle reversée dans le Doubs, il y a le travail de John et de son équipe. Ils sont assistés par des milliards et des milliards de collaboratrices : des bactéries !

Voici les bassins d'aération, on injecte de l'air au fond pour donner de l'oxygène aux bactéries. Elle vont manger de la pollution. Puis, on place le bassin en privation d'oxygène, d'autres variétés de bactéries vont alors travailler.

Un liquide marron, un peu visqueux, des bulles qui éclatent à la surface, et une odeur tenace : en effet, il y a de la vie dans ce bassin !

 

Rendement épuratoire de 80 à 99 %

Ambiance feutrée et aseptisée : nous voici à présent dans le laboratoire de la station d'épuration. C'est le domaine de Marianne Zangiacomi. Son équipe a deux missions. D'abord, vérifier la qualité de l'eau potable distribuée aux Bisontins. Les échantillons arrivent au laboratoire, en provenance des différents points de captage de l'agglomération de Besançon.

Autre mission du laboratoire : analyser l'eau traitée par la station d'épuration, qui est déversée dans le Doubs.

A l'oeil nu, impossible de distinguer l'eau potable de l'eau traitée. Dans leurs récipients de verre,  les échantillons sont aussi translucides les uns que les autres.

Méfiance tout de même : l'eau rejetée dans le Doubs après traitement ne peut pas être bue. Sauf si vous tenez à faire des séjours prolongés aux toilettes... ou pire, risquer une hospitalisation pour une sévère gastro-entérite !

Contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, une station d'épuration n'est pas destinée à produire de l'eau potable. Elle permet seulement de débarrasser les eaux usées de la plupart des polluants.

Tous paramètres confondus, on va traiter entre 80 et 99 % de la pollution entre l'entrée et la sortie de la station. C'est ce qu'on appelle le rendement épuratoire. On va analyser les matières organiques, les matières en suspension, l'azote, qui vient principalement des urines, et également la partie phosphorée.

Marianne Zangiacomi, responsable du laboratoire

 

La rivière, station d'épuration auxiliaire

 

ll n' y a pas de routine. En eau potable, on travaille pour les consommateurs. Il y a de la chimie, de la géologie, de la biologie. En assainissement, on récupére l'eau usée, on interprète les résultats du laboratoire pour adapter les traitements, avant de rejeter l'eau en milieu naturel, au Doubs.

Marianne Zangiacomi, responsable du laboratoire

Le travail de dépollution de l'eau est achevé par la rivière elle-même. Quelques kilomètres plus loin, selon le débit du Doubs, il n'y a plus de traces de pollution. Elle a été "digérée" naturellement.  Selon la responsable du laboratoire, sans la station de Port Douvot, il faudrait  400 km de rivière pour arriver au même résultat.

La station d'épuration est une installation complexe. Elle est aussi dépendante des comportements de chacun d'entre nous, comme  l'explique la responsable du service du traitement des eaux du Grand Besançon :

On est concerné par tout ce qui arrive par les égoûts :  eaux usées des vaisselles, douches, toilettes, eaux pluviales avec les poussières des toits, des rues et des routes. Mais il y a aussi les déchets de bricolage, des peintures, des dissolvants, des diluants. Si ces produits arrivent en grande quantité, ils détruisent la vie des bassins. L'eau rejetée dans le Doubs sera de moins bonne qualité"

Sophie Rapenne, cheffe du service traitement et transfert des eaux du Grand Besançon

 

Soignées comme des espèces protégées

Les bactéries sont en quelque sorte les espèces protégées de la station d'épuration. Avant de les nourrir avec de l'eau polluée, il faut leur faciliter la digestion. Les effluents des égoûts passent d'abord par des "dégrilleurs", qui enlèvent les plus gros déchets et les impuretés. Viennent ensuite les étapes du désablage, du dégraissage et du décantage.

Quand l'eau arrive au fond de cet ouvrage, qui fait 13 mètres de profondeur, elle remonte à travers des "nids d'abeilles". La boue, au fond, est récupérée par des pompes, et on l'envoie en épaississement. L'eau part ensuite en aération et en clarification avant d'être rejetée en milieu naturel

John Guérittot, chef d'équipe de la station d'épuration de Besançon Port Douvot


En dépolluant les eaux usées, la station d'épuration produit des milliers de tonnes de boues chaque année. Beaucoup de grandes villes ont choisi de les incinérer.  Un choix souvent critiqué. L'incinération coûte cher. Or les boues nécessitent beaucoup d'énergie pour être brûlées.

A Besançon, pas d'incinération des boues. Le traitement comporte deux étapes : la méthanisation, puis l'épandage agricole.

Le boues passent dans une centrifugeuse, puis sont envoyées dans un digesteur chauffé à 37 degrés, comme un estomac. Les bactéries travaillent et produisent du méthane. Ce gaz est récupéré, nettoyé, purifié, puis réinjecté dans le réseau du gaz de ville

John Guérritot

 

Incinération, méthanisation, épandage agricole : quelles solutions ?

La méthanisation réduit le volume des boues de près de la moitié. Le reste est stocké dans un hangar. John Guérritot nous le fait visiter, un court instant.

A l'entrée, un panneau avec une indication peu rassurante : "risque d'asphyxie". A l'intérieur, l'odeur est très forte. Il y a là 2500 tonnes de boues. Elles seront bientôt évacuées pour être épandues sur des surfaces agricoles.

Ces boues sont des engrais, riches en  azote, phosophore, calcium ou magnésium.  Pourtant, l'épandage est de plus en plus contesté, comme le précise le conseiller communautaire chargé du traitement des eaux :

Historiquement les boues étaient utilisées comme engrais. Aujourd'hui, il y a une certaine méfiance de la filière agricole, le cahier des charges du comté par exemple interdit l'utilisation des boues de stations d'épuration. Pourtant, les agriculteurs utilisent bien des fertilisants, qu'ils sont obligés d'acheter...

Franck Laidié, conseiller communautaire du Grand Besançon chargé du traitement des eaux

 

Lingettes et cotons tiges

La visite de la station d'épuration s'achève près de la canalisation qui rejette l'eau dépolluée dans le Doubs. John Guérritot prélève un échantillon dans un récipient. Il sera analysé par le laboratoire.

Un prélèvement est fait tous les 24 heures pour vérifier que l'eau est conforme. Le traitement est corrigé en permanence : quand il pleut, l'extraction des boues est accélérée, pour éviter de trop charger les bassins.

Mais les meilleures techniques de dépollution sont impuissantes face à la négligence ou à l'ignorance de trop nombreux  usagers. John Guérrito le dit de manière  limpide :

On n'est pas assez reponsables, on salit trop la planète... On retrouve des lingettes, des cotons tiges, des choses qui ne peuvent pas être toutes retenues par une station d'épuration, ça se retrouve dans la nature, alors que c'est tellement plus simple de les mettre dans une poubelle !

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