Le documentaire "Essaimons-nous", entièrement tourné en Bourgogne-Franche-Comté, rend un hommage poétique et politique aux maraîchers qui souhaitent défendre la biodiversité en développant leurs propres semences. La réalisatrice Laure Saint-Hillier nous le présente.
"Essaimons-nous" fait partie des productions audiovisuelles à mettre devant tous les yeux. Pourquoi ? Parce que ce documentaire réalisé par la Franc-Comtoise Laure Saint-Hillier aborde un sujet extrêmement important, un enjeu vital, qui nous concerne toutes et tous. On y parle de se nourrir correctement, avec des espèces végétales issues de notre région, tout en respectant la biodiversité. "C'est l'histoire de maraîchers en recherche d'autonomie et de respect du vivant", nous explique la plasticienne de métier. Pendant quatre ans, elle est parvenue à se fondre au coeur d'un collectif en création autour de la question de la production de semences paysannes.
"Dans toute la France, de plus en plus de paysans essaient de se réapproprier les semences", poursuit-elle. Durant 72 minutes, son documentaire nous plonge dans l'univers du maraîchage biologique et des interrogations que se posent les professionnels en recherche de sens. Ils souhaitent faire revivre un savoir-faire ancestral : celui de la production de semences au niveau local. Le but ? Retrouver une souveraineté alimentaire mise à mal par l'industrie agro-alimentaire. "Au fil des années, les semences ont été trafiquées par les industriels pour l'agriculture intensive, multipliant l'utilisation de pesticides. Cela a fait chuter la biodiversité".
En Franche-Comté, depuis 2011, des maraîchers ont monté un groupe d'échange de semences. Chaque ferme biologique produit plusieurs semences et se réunit pour les partager et ainsi permettre à des espèces de renaître, loin des logiques de rendements et de productivité, mais pour favoriser la biodiversité locale et l'adaptation de l'espèce aux changements climatiques.
S'il n'y a que cinq semenciers dans le monde, ce sont eux qui ont le monopole. Ils décident de ce qu'ils mettent en place sur le marché. Un haricot qui pousse au Kenya n'a pas les mêmes capacités d'adaptation que si on le plante en Franche-Comté. En plus, ils en ont fait des brevets. Ce sont des semences qui ne vivent qu'une fois. Tous les ans, les paysans doivent les racheter.
Laure Saint-Hillier, réalisatrice du documentaire "Essaimons-nous"
Au fil d'un récit à la première personne, Laure nous présente plusieurs maraîchères et maraîchers bio de Bourgogne-Franche-Comté. Ils se rencontrent, échangent et pensent leur métier ensemble en plaçant la notion de terroir au coeur de leurs réflexions.
"Ils ont commencé à une dizaine et sont désormais une trentaine. Dans ce groupe, une petite partie a décidé d'ouvrir encore plus les échanges de semences en permettant aux jardiniers amateurs d'en profiter. Ils ont créé la Semencerie, détaille-t-elle. Tout cela a été possible grâce à Yanick Loubet, formateur en maraîchage au lycée agricole de Montmorrot (ndlr, dans le Jura)". Ce savoir-faire était plutôt mis en oeuvre par les passionnés de jardins particuliers. "À l'échelle amateur, il y a toujours eu du troc de semence, mais il n'y en avait pas au niveau professionnel avant 2011".
Voir notre reportage sur la Semencerie réalisé en mars 2022 :
Laure Saint-Hillier, dont c'est le premier long-métrage, n'est pas maraîchère mais a un lien tout particulier à la terre. "Mes meilleurs souvenirs d'enfance sont dans une ferme, du côté de Nancray, se remémore-t-elle. Et j'habite sur une ferme, la Grange Mélot, qui est une ferme maraîchère dont Isabelle Cerisier, la cheffe d'exploitation fait partie de ce groupe d'échange".
Elle souhaitait aussi documenter la façon dont se crée un collectif, d'un point de vue plus général. Enfin, elle a voulu rendre hommage aux femmes et aux hommes qui nous nourrissent, tout en rappelant que 75% du patrimoine légumier a disparu. "Les maraîchers sont des héros. Dans la paysannerie, on dit que le maraîchage est le métier le plus difficile. Cela nécessite une connaissance technique incroyable, et tu ne gagnes pas d'argent. C'est le métier le plus dur physiquement, le plus dur au niveau financier et le plus nécessaire en même temps". Elle rappelle que 80% des maraîchers arrêtent leur activité dans les cinq premières années. "J'avais envie de mettre en valeur ces héros".
"J'ai rencontré de la générosité à toutes les étapes du film"
Présenté déjà deux fois au public, son documentaire a d'ores et déjà reçu un accueil extrêmement chaleureux. Les retours ont dépassé ses espérances. À Besançon, la salle du petit Kursaal était comble lors de la projection. Une grande tournée régionale est prévue (dates de projections à retrouver en bas de page).
On dit que ce film est pédagogique, poétique et politique. C'était mes trois axes de travail.
Laure Saint-Hillier, réalisatrice du documentaire "Essaimons-nous"
"Les gens me disent que c'est un film qui donne de l'espoir, de l'envie", rapporte la réalisatrice, tout en faisant référence au climat ambiant plutôt teinté de peur face à l'avenir, notamment d'un point de vue environnemental. Et de conclure sur une touche optimiste : "Alors plutôt qu'être dans la peur qu'on me dise que ce film donne de l'élan c'est le plus beau retour que je peux avoir. Je pense que ça arrive au bon moment. Les gens sont prêts et ont envie de bouger".
Les dates de diffusion du documentaire
En présence de la réalisatrice
Mercredi 15 mars : Cinéma Alain Bashung à Saint-Julien-du-Sault (89) – 20h
Vendredi 17 mars : Cinémavia à Gray (70) – 20h30
Samedi 18 mars : Cinéma L’Atalante à Morteau (25) – 20h
Lundi 20 mars: Cinéma de la Fraternelle à Saint-Claude (39) – 20h
Mardi 21 mars: Cinéma des 4C à Lons-le-Saunier (39) – 20h
Mercredi 22 mars : Cinéma Le Rio Borvo à Bourbon-Lancy (71) – 20h
Jeudi 23 mars : Cinéma Le Vox à Luzy (58) – 20h
Vendredi 24 mars : Cinéma Le Casino à Clamecy (58) – 20h
Samedi 25 mars : Cinéma L’eldorado à Ornans (25) – 20h
Mardi 28 mars : Cinéma La Palette à Tournus (71) – 20h30
Mercredi 29 mars : Amphithéâtre du lycée agricole à Dannemarie-sur-crête (25) – 13h30
En AVRIL
Mardi 4 avril : Cinéma de Charmoille (25) – 20h
Mercredi 5 avril : Cinéma Le Vox à Laignes (21) – 20h
Jeudi 6 avril : Salle des Capucins à Is-sur-Tille (21) – 20h
Un livre-DVD sera bientôt édité et une séance de dédicace est prévue le mercredi 10 mai 2023 à 16h à la Biocoop Vesonbio de Besançon. Une vente de plants de la ferme de l'Iserole aura lieu à cette occasion.