Guerre de la drogue à Planoise : un premier jour de procès sous haute surveillance au tribunal de Besançon pour les membres présumés du clan "de la Tour"

Le procès d'une partie du clan de “La Tour de Fribourg”, l’une des bandes rivales engagées dans le trafic de drogue à Besançon s'est ouvert ce lundi 13 juin. Il doit durer quatre jours. Récit.

Les prévenus âgés de 25 à 30 ans, pour la plupart incarcérés dans différentes prisons françaises, sont arrivés au tribunal sous une importante escorte policière. Durant tout le procès, chacun est entouré de deux policiers de l'administration pénitentiaire spécialisés dans l'extraction de détenus, tous vêtus de gilets pare-balles. Dans la salle, la présence policière est d'ailleurs impressionnante et dénote avec l'attitude plutôt détendue des protagonistes. Ils ont l'interdiction de communiquer entre eux mais n'hésitent pas à se sourire quand leurs regards se croisent.

Au total, six prévenus sont présents à l'ouverture du procès. Un septième est représenté par son avocate. Deux autres ont interjeté appel et ne sont donc pas là. Ils sont poursuivis pour "trafic de stupéfiants", "association de malfaiteurs" et "violences volontaires aggravées, en réunion et avec arme". 

Deux frères soupçonnés d'être à la tête du gang

Dans le box, les deux frères Omar et Youssouf A. soupçonnés d'être les instigateurs et chefs du trafic du clan "de la Tour" sont entourés quant à eux d'une brigade de police pénitentiaire spécialisée, dont les cinq membres sont cagoulés. 

La matinée débute par des objections des avocats de la défense réclamant le renvoi de cette affaire à une date ultérieure. Le tribunal tranche en deux temps et décide finalement de la tenue de ce procès particulièrement complexe. En effet, les débats matinaux, très techniques, mettent en lumière la difficulté de la justice française à juger ces affaires d'associations de malfaiteurs concernant le trafic de drogue, en l'occurrence dans ce cas de cannabis, de cocaïne et d'héroïne. Pour rappel, ces trafics ont engendré plusieurs vagues de violence entre novembre 2019 et mars 2020. Les réseaux regroupent de nombreuses personnes, occupant des postes différents. "Charbonneurs", "gérants"... Ces termes sont prononcés plusieurs fois dès le début du procès. Dans ce milieu, c'est la loi du silence qui règne. "Dans ce dossier, on a réussi à remonter aux meneurs d’ordre. Il paraissait impossible de juger les deux clans en même temps. Il faut que ce procès se tienne aujourd’hui. La justice doit montrer qu’elle est capable de juger les auteurs présumés de faits d’une particulière gravité" insiste face aux avocats de la défense Étienne Manteaux, procureur de la République de Besançon.

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Le président Guillaume De Lauriston énumère les faits reprochés à Omar A., le plus jeune frère de la fratrie, soupçonné d'être l'un des deux chefs du clan "de la Tour". Il a été dénoncé par des témoins anonymes et sa cellule a été mise sous écoute, apportant aux enquêteurs des éléments accablants à son encontre. "Ce serait sous vos consignes que les individus agissent" précise le président De-Lauriston. Les deux frères nient les faits qui leur sont reprochés. 

"C'est pour nous nuire à mon frère et moi et aux personnes avec qui on était en contact. Je ne comprends pas" témoigne Omar A. Il a un certain aplomb malgré des réponses à la rationalité bancale. Il explique s'être inventé une vie en discutant avec son voisin de cellule. Une vie qui n'est pas la sienne. 

Je peux pas avouer des choses sur lesquelles on ne m'apporte pas les preuves sur un plateau.

Omar A.

"Ils prennent la bécane, ils ont juste le calibre, ils tirent"

"Si j'étais un chef, je ne serais pas ici. Je serais en Espagne, je ne serais pas dans une cellule" plaide Omar A. La justice dispose pourtant de nombreux échanges effectués via un téléphone crypté et de discussions entre Omar et son voisin de cellule, ou avec des personnes extérieures. “Les petits que je vais envoyer, ils vont chahal (ndlr, tirer sur quelqu’un). Ils prennent la bécane, ils ont juste le calibre, ils tirent. Et dès qu’ils arrivent là bas, y a la bouteille d’essence qui les attend, ils crament tout normal. Les pompiers ont pas le temps d’arriver eux ils sont déjà au quartier” dit-il notamment à une tierce personne alors qu'il se trouve en prison depuis le 29 novembre 2019. À noter qu'aucun ordre direct n'a été mis en lumière par les enquêteurs dans les échanges. Son homme de main présumé, également prévenu ce jour et présent dans la salle, est soupçonné d'avoir été en charge de la gestion logistique du juteux trafic pouvant rapporter jusqu'à 15 000 euros par jour, sur un seul point de deal. 

Youssouf A., d'un an le cadet d'Omar, préfère garder le silence à plusieurs reprises. Visiblement moins serein, il nie lui aussi tout en bloc et se justifie plus vivement. "Ça fait 30 mois que je suis incarcéré. J’ai été jeté à l’isolement comme un chien. Ça m’a fait mal. Je ne suis plus le même, psychologiquement. Ma mère a été incarcérée. Je n’ai plus confiance en cette justice" explique-t-il au détour d'une question sur les faits imputés. Des armes chargées ont en effet été retrouvées chez la mère des deux jeunes hommes présents dans le box. Elle a été incarcérée 5 mois. 

Un appartement dédié au trafic de drogue

"Vous nous dites que vous avez été mis à l'isolement. Mais vous étiez au téléphone tous les jours ? Le téléphone portable avec lequel vous conversiez, qu'on a mis sur écoute. La coupure sociale n'était donc pas si violente" note Etienne Manteaux, en montant le ton, tout en essayant de placer Youssouf A. face aux incohérences de certaines explications.

Aux alentours de 14h40, c'est au tour de Nadir C. de répondre aux questions du président. Il est soupçonné d'être le bras droit des frères A., dont il est un ami d'enfance. Il reconnaît avoir dealé mais seulement de la résine de cannabis et de manière indépendante. Il contredit plusieurs fois ses propos passés. "Je me suis mal exprimé" dit-il. Face aux questions incisives du procureur, il garde le silence à de nombreuses reprises. Il est soupçonné d'être l'un des tireurs. Son ADN a été retrouvé sur l'une des armes utilisées dans les représailles. "Mauvaise coïncidence" explique-t-il. 

On découvre au fur et à mesure des échanges que la bande utilisait un appartement situé rue de la Butte à Besançon, non loin de la prison. Du matériel de conditionnement ainsi que des produits stupéfiants (cocaïne, héroïne et cannabis) et plusieurs milliers d'euros en liquide ont été retrouvés dans cet appartement, dans lequel plusieurs personnes dormaient régulièrement. C'est David B., 4e prévenu également interrogé ce jour qui a loué au nom d'une cousine cet appartement dont il payait lui-même le loyer, sans y vivre. La justice le soupçonne d'être "un gérant" au sein de l'organisation de "La Tour".

Le clan possédait également des armes de différents calibres. Depuis sa prison, Youssouf A. conversait très régulièrement avec Nadir C. De plus, plusieurs individus entendus par la cour et surnommés "les Parisiens" dans divers échanges, seraient descendus de la capitale pour prêter main forte au clan de "La Tour" lors des règlements de compte armés, menés en guise de représailles contre la bande "Picardie". C'est en tout cas ce que soupçonne la justice bisontine.

Le procès doit se poursuivre ce mardi 14 juin. Les sept jeunes hommes risquent jusqu'à 10 ans de prison. 

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