Beaucoup l'ignorent alors que l'on commémore l'armistice de 1918, mais les animaux, surtout domestiques, ont pris une part importante dans les conflits. 120.000 d'entre-deux ont même reçu les honneurs militaires pour des actes de bravoure. Qu'ils soient usés jusqu'à la mort ou élevés au rang de mascottes. A l'occasion des commémorations du 11 novembre 2022, une exposition à Besançon (Doubs) retrace leur participation aux combats.
L'utilisation des animaux dans les conflits n'est pas récente. Dès l'Antiquité, Hannibal et sa traversée des Alpes à dos d'éléphant en 218 av. J-C ont marqué les esprits par les récits historiques de Polybe et Tite-Live.
"Je tenais à rendre hommage aux animaux victimes des guerres. Ils sont pour moi les oubliés de ses conflits. On estime que 14 millions d'animaux ont été enrôlés dans le premier conflit mondial. Il était important de rappeler leur rôle prépondérant" explique Marie Thérèse Michel, conseillère municipale déléguée à la condition animale à Besançon, à l'origine de cette exposition très pédagogique.
Orianne Vatin, historienne de l'exposition a choisi de s'intéresser plus particulièrement à deux conflits mondiaux du 20e siècle, et à une guerre méconnue opposant à Besançon l'armée de Napoléon aux troupes autrichiennes en 1814.
Le massacre de tous les chiens de Besançon en 1814
C'est un évènement que peu de Bisontins connaissent, mais la ville a connu les batailles napoléoniennes. Lors de la campagne de France de 1814 qui aboutira à l'abdication de Napoléon 1er, 15 000 soldats de l'Empire d'Autriche encerclent la ville de janvier à mai. L'état de siège est déclaré et la ville doit faire face à de très nombreuses privations. L'historienne Orianne Vatin, a retrouvé aux archives municipales un document exceptionnel.
"Nous voyons clairement dans cette lettre méconnue que le général Marulaz a décidé de sacrifier les chiens de la ville dans cette lettre destinée au Baron Daclin, maire de Besançon. Je cite : un grand nombre de personnes de la ville qui n'ont que de faibles approvisionnements abandonnent leurs chiens plutôt que de les détruire" nous explique Orianne Vatin.
L'historienne nous lit ensuite cette lettre où le général demande de faire intervenir la police à l'encontre de ces animaux "qui peuvent devenir enragés et sont nuisibles et exige de faire détruire les chiens appartenant à des particuliers qui n'auront pas les moyens suffisants pour les nourrir".
Les animaux de la Première Guerre mondiale
Tous les habitants de Besançon connaissent le Bastion. Cette tour au bord du Doubs érigée sous Vauban est au 19e siècle un colombier militaire. En effet, dès l'invasion militaire de 1870-1871, le recours aux pigeons voyageurs a permis de pallier la suppression des communications durant le conflit.
Des animaux devenus mascottes des régiments
Les animaux pouvaient aussi devenir des emblèmes pour un régiment. Ces mascottes donnaient un peu de baume au cœur aux soldats face aux horreurs de la guerre. Ils créaient une unité et une solidarité. "Des soldats du 5ème Régiment d'Artillerie de Besançon posent aux côtés d'un chien qu'ils ont affectueusement habillé du calot, règlement prouvant son appartenance au régiment. Ils ont combattu dans la Marne, en Champagne, dans la Meuse pour finir leur guerre à Verdun et dans la Somme" détaille Orianne Vatin qui a déniché cette photo étonnante.
Même la femme de lettre Colette, qui a habité sur les hauteurs de Besançon a rendu hommage en 1915 au rôle des chiens sanitaires qui venaient en aide aux blessés. Ils étaient dressés pour retrouver les soldats ayant besoin d'être secourus, pour les ravitailler ou rapporter des objets leur appartenant.
Une médaille a même été éditée. L'historienne expose un exemplaire rare faisant partie de sa collection personnelle.
Une pièce de collection exceptionnelle de la Seconde Guerre mondiale
Si la guerre de 1939-1945 a été plus mécanisée, les chevaux ont pris part une nouvelle fois au conflit. A ce titre, l'historienne Orianne Vatin, a pu faire l'acquisition d'une pièce aussi étonnante qu'exceptionnelle. L'armée russe avait prévu d'équiper ses chevaux de masques à gaz !
Le masque se plaçait sur le museau du cheval et une paire de lunettes protégeait les yeux. Il est très rare de pouvoir trouver de l'iconographie attestant de l'utilisation de ce type de matériel.
La Seconde Guerre mondiale a été une guerre de bombardement aérien où les civils ont beaucoup souffert. Des abris sous-terrain permettaient de se protéger en cas d'arrivée de bombardiers ennemis. S'il était interdit de rester dehors, les animaux n'étaient pas autorisés à rejoindre les abris, leurs propriétaires devaient les laisser à l'extérieur.
On imagine alors que peu d'entre eux survivaient en cas d'attaques.
Des visiteurs enchantés
Même s'ils sont peu nombreux, les visiteurs présents ce jour-là ont montré un très grand intérêt pour l'exposition. Edwige et Isabelle, toutes deux Bisontines ont maintenant une vision des conflits sous un autre prisme. "C'est très bien expliqué et très pédagogique. Heureusement que nos amies les bêtes étaient là, et cette exposition leur redonne la place qu'elles méritent. On aimerait juste qu'elle dure un peu plus longtemps ou bien qu'elle circule ensuite dans d'autres lieux de culture à Besançon".
Mardi 15 novembre 2022 à 18h30, Marie-Thérèse Michel donnera une conférence sur le lieu de l'exposition pour échanger sur la place des animaux dans les conflits. L'entrée de cette exposition est libre. Elle se poursuit jusqu'au 19 novembre.