Le gouvernement a dévoilé les grandes lignes de la future loi sur l’asile et l’immigration en France prévue pour le premier semestre 2023. Elle souhaite tendre vers l'"équilibre" entre durcissement sur les expulsions et main tendue pour les travailleurs immigrés. Certains pourraient obtenir l’autorisation de travailler dans les filières où l’on peine à recruter. Réactions.
Dans un long entretien au journal le Monde (article payant), Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et Olivier Dussopt ministre du travail détaillent les grandes lignes du projet de loi.
Ce dernier veut par exemple mettre fin - sous conditions - au délai de carence qui empêche les demandeurs d'asile de travailler pendant leurs six premiers mois en France. “C’est une forme d’absurdité du système. On enferme certains étrangers dans l’inactivité et d’autres dans l’illégalité. Je ne manquerai pas d’aborder devant le Parlement la possibilité de permettre à des demandeurs d’asile, dont on est absolument certain qu’ils sont originaires des pays en conflit, de pouvoir travailler dès leur arrivée sur le sol français” confie le ministre du travail au quotidien le Monde.
Le ministre du travail plaide pour la création d'un titre de séjour "métier en tension", pour recruter dans les secteurs en pénurie de main d'oeuvre.
"Les organisations professionnelles nous disent qu'elles ont besoin qu'on facilite le recrutement d'étrangers. Nous leur proposons des solutions avec ce projet de loi", a-t-il ajouté. “En contrepartie, elles doivent répondre à plusieurs questions : que faites-vous en termes d’accès au logement, de formation et de reconnaissance des qualifications professionnelles ? Cela implique aussi qu’il y ait une participation des employeurs à la question de l’intégration, notamment en permettant aux employés de prendre des cours de français sur leur temps de travail” ajoute le ministre.
Le projet de loi “Ravacley” avait ouvert la brèche
Pour le boulanger de Besançon Stéphane Ravacley qui avait fait 11 jours de grève de la faim en 2021 pour demander la régularisation de son apprenti, cette évolution proposée par le gouvernement est une bonne nouvelle. “Pourquoi cela n’a pas été fait il y a un an, c’est ce que je proposais avec la loi “Ravacley”, les entrepreneurs ont perdu un an. C’est très bien qu’ils soient entendus, enfin on écoute ce qu’on dit depuis longtemps. Avec la crise énergétique, les entreprises vont perdre, il fallait accéder à leur demande pour pouvoir produire plus” estime le boulanger. Il attend de voir si cette proposition de titre de séjour pour les métiers en tension se concrétise, et ce qui se passera par la suite. "Gérald Darmanin n’est pas un ange, on le sait”.
La loi dite “Ravacley” était portée par Jérôme Durain, sénateur PS de Saône-et-Loire, elle souhaitait permettre aux apprentis étrangers de rester une année après leur 18 ème anniversaire.
“Une bonne nouvelle pour ces jeunes migrants qui veulent travailler”
Chez ce restaurateur de Besançon membres du mouvement Patrons Solidaires, on voit d’un bon œil la possibilité de pouvoir faire travailler de jeunes migrants. “C’est une bonne nouvelle pour ces jeunes qui souhaitent travailler, pour nous, le secteur de la restauration et pour d’autres” estime Romain Garozzo, du restaurant l’Antract. Ce restaurant s’était mobilisé au printemps 2021 pour pouvoir garder Mamadou un jeune apprenti guinéen sous le coup d’une OQTF, une obligation de quitter le territoire français alors qu’il était en apprentissage. Il avait finalement obtenu un titre de séjour et un nouvel apprenti originaire de Guinée a rejoint depuis peu l’équipe.
Le restaurateur confirme les difficultés actuelles de la profession à recruter après la crise du covid. “C’est un milieu où il y a du travail, mais on a personne en face. On a augmenté pourtant les salaires et nos personnels ont 3,5 jours de repos par semaine", assure-t-il.
Lutter contre le travail illégal avec des sanctions plus rapides
Dans la trame annoncée par le gouvernement sur la future loi asile et immigration, ce dernier ouvre également la porte à une réforme réclamée de longue date par les syndicats: permettre à un travailleur en situation irrégulière de demander lui-même sa régularisation, "sans passer par l'employeur", qui peut "trouver un intérêt" à le maintenir dans la clandestinité, selon Olivier Dussopt. “Nous voulons également durcir les sanctions contre ceux qui ont recours au travail illégal. Chaque année, environ 500 procédures sont ouvertes concernant l’emploi d’étrangers sans titre, qui donnent lieu à une centaine de condamnations effectives. Nous souhaitons proposer au Parlement de travailler sur des sanctions administratives qui puissent être plus rapides” prévient le Ministre.
Avec AFP