Infirmier, il rouvre un bistro historique pour recréer du lien entre les habitants du quartier Battant à Besançon

Il porte l'ancien nom des habitants de Battant : Les Bousbots. Un des plus vieux cafés de Besançon (Doubs), fermé depuis plusieurs années, reprend du service grâce à un infirmier qui veut récréer du lien dans le quartier.

"Ça me fait plaisir, ça me rappelle beaucoup de souvenirs et quand on rentre ici, on a l'impression que tout le monde se connaît", s'exclame Sergio, venu en presque voisin. Le café est plein à craquer. Ce mercredi 28 février 2024, ils sont nombreux à fêter la réouverture de ce bistro, fermé depuis des années, au beau milieu de la rue Battant.

Derrière le zinc, Julien Legrain affiche un large sourire en servant ses premiers clients. À 40 ans, il réalise, dit-il un "rêve de gosse". Car ce n'est pas son vrai métier. "L'infirmier de Battant" comme on le surnomme a posé sa plaque dans le quartier il y a neuf ans.

"Avec mon associé de l'époque, on cherchait un cabinet, explique-t-il à France 3 Franche-Comté. Et on a trouvé un local par hasard. Mais tout de suite, on a senti un truc particulier ici. On a compris qu'on était dans un petit village." Plus question ensuite d'en sortir. "Avec mon collègue, on voit une quarantaine de personnes par jour, mais toutes vivent dans le quartier. On s'arrête au Pont battant", assure le quadragénaire.

Récréer du lien

"C'est quelqu'un dans le quartier Juju, c'est un peu le maire de Battant !" confirme Karine, une résidente qui ne voulait rater pour rien au monde cette inauguration. Et cette fois, ce n'est pas par hasard qu'il a "cassé sa tirelire" et décidé de reprendre ce bar, avec son jeune frère Baptiste, âgé de 36 ans. 

"Je voulais faire revivre ce bistro de quartier, confie-t-il. C'est un des plus vieux de la ville. En 1922, c'était déjà un bar-hôtel qui s'appelait au tout début 'Les cheminots', avec les chambres dans les étages. Tout le monde connaissait 'L'embuscade' (l'ancien nom du café, NDLR) et Franco, son patron. Jean Josselin, le boxeur bisontin, a même travaillé là à la fin de sa vie."

On sait qu'on ne va pas devenir millionnaires ! Le but, c'est avant tout de recréer du lien. Le matin, les commerçants viennent prendre leur café. J'ai vu discuter ensemble des personnes qui habitent à deux cages d'escalier l'une de l'autre, qui ne s'étaient jamais parlé auparavant.

Julien Legrain, propriétaire du café "Les Bousbots".

Beaucoup en tout cas saluent l'initiative dans ce quartier "plutôt animé" qui souffre d'une très mauvaise image à Besançon. "Un bar, c'est un endroit où se rassemblent les solitudes", dit avec poésie Ludovic Brenot. Il est travailleur social auprès des SDF et vit lui aussi dans le quartier. "Même si cela reste encore difficile d'accès pour certaines populations en difficulté, c'est un lieu de vie et de rencontre."

Christine Jeudy, la facilitatrice du "97", ce tiers-lieu qui a ouvert à Battant, ne dit pas autre chose. "Pour moi, un bar, c'est aussi un tiers-lieu, explique-t-elle. Cela permet de faire se rencontrer des gens qui ne se rencontreraient pas ailleurs. Et le monde entier a besoin de ça, pas seulement Battant !"

D'où viennent les "Bousbots" ?

Quant à l'enseigne, il avait depuis longtemps sa petite idée. "C'est une de mes plus vieilles patientes, âgée de 83 ans, qui m'a appris cette histoire des Bousbots, raconte Julien Legrain. J'ai choisi ce nom pour rendre hommage au quartier et à ses habitants." Une histoire ancienne que beaucoup ignorent ou ont oublié.

Il faut en effet revenir à cette nuit du 20 au 21 juin 1575 lors la bataille de Besançon. Les guerres de religion entre catholiques et protestants font alors rage dans le royaume d'Henri III. Les Huguenots décident de partir à l'assaut de Besançon avec le soutien des Montbéliardais et des Suisses qui les avaient accueillis lorsqu’ils avaient été rejetés de la Boucle. Plus d’une centaine de soldats parviennent à s'emparer du centre-ville, mais sont bientôt repoussés par le feu des canons. Alors qu'ils battent en retraite, les Hugenots font face, porte Battant, à la herse descendue et ils sont alors contraints de sauter dans le Doubs.

Lors de cet affrontement, les soldats protestants avaient planté des crapauds sur des pieux à Battant pour effrayer leurs adversaires. La contraction de "bous" (pousse) et "bots" (crapauds) a donné naissance à ce gentilé de "Bousbots" qui restera longtemps le symbole de la résistance des habitants du quartier. 

Et Julien Legrain a déjà d'autres idées pour mettre en valeur Battant. Sans lâcher son métier d'infirmier, il a aussi le projet d'installer bientôt une microbrasserie dans le sous-sol de son bar. Avec une bière dont l'étiquette sera, elle aussi, un emblème du quartier : "La Battante", le nom est déjà déposé. Pas de doute, celui qui avait grandi à Palente est devenu un vrai enfant de son quartier d'adoption. "À Battant, comme dans le film 'Bienvenue chez les Cht'is, on pleure deux fois. Quand on y arrive et qu'on se demande comment on a atterri ici, et quand on en repart", plaisante-t-il.

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