Un essai clinique européen destiné à évaluer quatre traitements expérimentaux contre le Covid-19 a démarré le 24 mars. Entretien avec le Docteur Kévin Bouiller, médecin au service Maladies Infectieuses CHU de Besançon.
Coordonné par l’Inserm dans le cadre du consortium REACTing, l'étude Discovery prévoit d'inclure au moins 800 patients français atteints de formes sévères du Covid-19.
« Discovery » c’est quoi ?
Discovery est une étude mise en place dans plusieurs hôpitaux en France, et qui vise à trouver un médicament efficace contre le coronavirus. Sur le plan national elle a commencé il y a 10 jours.Il y a 5 groupes d’étude différents :
- 4 groupes avec des traitements différents, soit des antiviraux, soit des anti-inflammatoires qui potentiellement peuvent être efficaces contre le coronavirus,
- et un groupe de patients pour lesquels il n’y aura aucun traitement, groupe témoin. Actuellement nous n’avons aucune donnée pour savoir si un médicament est efficace contre le coronavirus, aucune étude de qualité, donc on est obligé de passer par une étude où il y a un groupe sans traitement, simplement pour voir si l’évolution naturelle de la maladie ne fait pas aussi bien que les médicaments.
Pour les 4 groupes avec traitement, il y a un groupe avec le Plaquénil (chloroquine), un groupe avec un traitement antiviral que l’on utilise depuis plusieurs années dans le traitement du VIH, un groupe avec ce même traitement + de l’interféron, (une molécule qui va stimuler vos défenses), et un groupe avec un antiviral assez puissant qui touche presque tous les virus et qui a été utilisé lors de l’épidémie Ebola, c’est un traitement par voie intraveineuse.
Combien de patients sont concernés au CHU de Besançon ?
L’étude au niveau national porte sur 800 patients. Pour l’instant au CHU de Besançon, il y a 14 patients inclus (4 lundi, 7 mardi, et 3 autres ce mercredi 1er avril) . L’objectif est d’en inclure au moins 30 à Besançon dans le mois.Au plan national, il y a déjà près de 300 patients inclus, et l’objectif est d’inclure le plus rapidement possible, pour avoir des résultats le plus vite possible, et tenter de proposer rapidement le médicament qui marchera le mieux.
Ce sont des patients qui ont des formes modérées à sévère de la maladie, qui sont à l’hôpital, et qui ont besoin d’oxygène. Il y a aussi des patients sévères, qui sont transférés en réanimation, des patients de plus de 18 ans, qui ne sont pas en situation de grossesse, et qui ne sont pas sous traitement de médicaments contre-indiqués avec les médicaments qu’on leur donne.
On leur propose de participer à cette étude une fois qu’ils sont dans notre service, et une fois qu’ils ont accepté, il y a un tirage au sort pour un traitement donné. L’objectif est de pouvoir expliquer que ce n’est ni le patient, ni le médecin qui choisit le traitement, mais qu’il est choisi de manière aléatoire. C’est la seule manière, dans la recherche pour pouvoir démontrer l’intérêt d’un traitement.
Les patients sont-ils indemnisés pour cette étude ?
Pour l’instant, il n’y a pas de dédommagement, Tout ce qui est en dehors du traitement anti-viral, c’est du soin courant, donc du suivi comme celui que l’on fait avec tous les autres patients.Là en plus, ce qu’ils ont, c’est l’un des 4 traitements ou pas de traitement (groupe témoin). Aucun dédommagement financier n’est donné aux patients qui participent à l’étude.
Quelle échéance pour avoir les résultats ?
L’étude a une durée prévue de 3 mois minimum. On espère avoir des résultats bien avant.Il faut savoir que dans les études avec des médicaments et surtout là avec le Covid19, on a besoin d’avoir des informations très rapidement, et qu’on utilise des molécules qui pour l’instant n’ont pas fait leurs preuves d’efficacité pour cette infection. Il y a donc des réunions régulières par un comité de surveillance qui va regarder si sur des analyses intermédiaires, un médicament est plus toxique qu’attendu, et dans ce cas là, il va y avoir des modifications dans le protocole.
Si on voit tout de suite qu’un médicament ne marche pas du tout, ou qu’au contraire un autre marche très bien, alors dans ce cas là, il peut y avoir des résultats intermédiaires qui permettraient de mettre en place le plus rapidement possible un traitement pour tous les patients hospitalisés.
Quand a commencé l’étude à Besançon ?
A Besançon, l’étude a débuté lundi 30 mars. Pour l’instant il est beaucoup trop tôt pour avoir des résultats.Le problème c’est qu’on connaît les effets indésirables des médicaments, mais la question est celle du rapport effets indésirables / bénéfice apporté pour faire face à la maladie. Et puis il faut qu’il y ait beaucoup de gens testés pour pouvoir dire qu’un effet indésirable est très rare ou très fréquent, et donc qu’il faut vraiment y faire attention. En tous cas pour l’instant, nous n’avons eu aucun souci de toxicité de traitement sur nos patients.
Mais ces questions de toxicité doivent vraiment être étudiées sur un grand nombre de patients pour connaître la fréquence exacte de ces effets secondaires, et le bénéfice apporté par le médicament.
A Besançon après 48h d’inclusion des premiers patients, c’est très difficile de voir s’il y a des effets. Le coronavirus évolue différemment en fonctions des patients : Il y en a qui vont très vite s’améliorer puis s’aggraver par la suite, d’autres sont graves tout de suite, donc sur le peu de recul qu’on a, c’est impossible de dire s’il y a une efficacité du traitement, il faudra vraiment atteindre la fin de l’étude, ou dans le meilleur des cas la moitié de l’étude pour voir déjà des résultats.
Quels sont les moyens déployés au CHU pour cette étude ?
Il y a à mes côtés pour l’étude, deux médecins en réanimation (les docteurs Navelou et Illic). Il y a aussi l’équipe de recherche du CIC (centre d’investigations cliniques) soit au moins cinq personnes à temps plein pour recueillir les données, vérifier les prélèvements. Il y a aussi le laboratoire de virologie et le laboratoire « hygiène » qui travaillent avec nous pour récupérer les prélèvements et les stocker au laboratoire.
Quel est le protocole d’étude ?
Tous les jours, on a une feuille à remplir sur leur état de santé avec des prises de sang à faire régulièrement. Et puis, il y a l’évaluation clinique qui se fait tous les jours, voire deux fois par jour pour évaluer la toxicité du traitement, et voir s’il n’y a pas de nouveaux symptômes qui apparaissent.► Pour mieux comprendre l'étude Discovery
Florence Ader qui pilote cette étude et Bruno Lina ont répondu aux questions lors d’une visioconférence de l'Inserm. - Inserm