Selon une étude publiée par l'Insee, en France, 10 % des adultes de 18 à 64 ans éprouvent des difficultés à l'écrit, soit quatre millions de Français. Une situation qui ne surprend pas Marijke Marche, coordinatrice pédagogique et référente pour les publics en situation d'illettrisme au CRIF Formation & Conseil, centre de formation pour adultes à Besançon (Doubs).
Selon une étude de l'Insee publiée lundi 22 avril 2024, quatre millions de Français peinent à déchiffrer et comprendre un texte ou à écrire des mots, soit 10% des 18-64 ans. Les difficultés en calcul concernent 12% des adultes. 4 % des Français sont même en situation d’illettrisme.
Nous avons interviewé Marijke Marche. Son centre de formation, le CRIF de Besançon, est un des acteurs qui met en œuvre le dispositif de formation linguistique à destination de ce public, financé par la Région Bourgogne-Franche-Comté .
Quel est le profil des personnes en situation d'illettrisme ?
Marijke Marche : Ce sont des personnes qui ont été scolarisées comme vous et moi. Certaines ont même décroché un CAP voire un bac professionnel. Mais elles ont eu très tôt, souvent dès la primaire, des difficultés à l'écrit, des difficultés qui n'ont pas été assez prises en compte.
Les connaissances n'ont pas été consolidées, se sont accumulées. Au fur à mesure du temps, ces personnes ont tout simplement oublié les savoirs de base. Elles ne savent plus lire, n’écrivent pas ou seulement phonétiquement. Certaines éprouvent également des difficultés pour calculer, pour s'exprimer à l'oral ou encore pour se situer dans l'espace. Cela se double aujourd'hui de l'illectronisme (ndlr : la situation d'une personne ne pouvant se servir des outils numériques tels qu'Internet).
Quelles sont les conséquences de l'illettrisme sur leur quotidien ?
Marijke Marche : La plupart des personnes en situation d'illettrisme le cachent. Elles doivent donc faire preuve de beaucoup d'ingéniosité pour créer des stratégies de contournement. Mais parfois, cela les rattrape. L'insertion professionnelle est plus difficile quand on ne parvient pas à lire ou comprendre une consigne, par exemple. Quand elles ont un travail, l'illettrisme les bloque dans leur évolution de carrière. C'est clairement un frein.
Faire des démarches administratives de façon autonome s'avère épineux. Et parfois, les personnes sont très mal reçues. Les agents, qui les accueillent, n'imaginent même pas qu'elles ne puissent écrire leurs noms et leurs adresses.
Les personnes en situation d'illettrisme ont aussi plus de risque d'être surendettées. Comment équilibrer son budget quand on n'a pas la notion des chiffres, quand on ne sait pas se servir d'une application bancaire ou quand on signe des contrats sans en comprendre tous les enjeux ?
Comment s'en sortir ?
Marijke Marche : La Région Bourgogne-Franche-Comté finance une formation linguistique pour laquelle les stagiaires sont rémunérés. On y revoit les savoirs de base, mais en partant de toutes les connaissances que ces personnes ont déjà et qu'elles utilisent au quotidien pour contourner leur problème. On veut les valoriser.
Mon organisme de formation a ainsi accueilli 33 personnes en situation d'illettrisme dans le cadre de ce dispositif à Besançon. Pour leur remettre le pied à l'étrier, il faut souvent quatre ou cinq sessions de formation - chaque session comptant 114 heures -. Mais il faut le dire, l'illettrisme n'est pas une fatalité. On peut s'en sortir.