Dans le département du Doubs, on compte peu de professionnels habilités à pratiquer des interruptions volontaires de grossesse médicamenteuses.
Le 28 septembre dernier, le conseil départemental du Doubs rejetait à une écrasante majorité la motion qui proposait d’élargir aux plannings familiaux la possibilité de pratiquer les interruptions volontaires de grossesse médicamenteuses. Le département compte pourtant très peu de professionnels habilités à procéder à ce genre d’intervention. Une configuration qui complique l’accès à un droit par ailleurs sans cesse contesté.
La motion, présentée par l’opposition, est arrivée sans prévenir, déposée en tout début de séance, sans concertation, provoquant une crispation certaine dans les rangs de la majorité. Christine Bouquin, présidente du conseil départemental, qui s’est dit "surprise et choquée" par la démarche, a donc décliné sa mise en débat et fait procéder à un vote à main levée. Le texte qui proposait d’élargir la pratique des IVG médicamenteuses aux trois plannings familiaux du Doubs a donc été catégoriquement rejeté. Un épisode de plus dans le long combat mené par les CPEF, les centres de planification et d’éducation familiale, pour simplifier l’accès à un droit pourtant fondamental.
Ce n’est en effet pas la première fois que les CPEF montent au créneau. Et pour cause. Un loi complétée par une série de décrets d’application prévoit depuis 2008 la possibilité pour les départements d’autoriser les plannings familiaux, dont ils sont les financeurs, à pratiquer les IVG médicamenteuses. Dans l’esprit, il s’agissait pour le législateur d’élargir le cercle des professionnels habilités afin de réduire les délais d’intervention pour les patientes.
Une IVG médicamenteuse ne peut être pratiquée que jusqu’à la 5e semaine de grossesse pour une prise en charge à domicile, jusqu’à la 7e au sein d’un établissement hospitalier. Les délais, strictement définis, sont courts, les praticiens qui acceptent de pratiquer l’intervention peu nombreux et les hôpitaux débordés.
13 médecins et sages-femmes agréés pour pratiquer des IVG médicamenteuses
Dans le Doubs, par exemple, seuls 13 médecins et sages-femmes sont agréés, pour un maillage du territoire très aléatoire. De plus, la liste de ces professionnels n’est pas ouvertement disponible. A qui s’adresser, dans quels délais, pour quelles démarches : le parcours de la patiente, souvent en situation de stress, voire de détresse et parfois très seule et démunie, est semé d’embûches. Pourtant le temps presse, tout retard de prise en charge peut être dangereusement préjudiciable.
Très souvent, le premier réflexe est donc de pousser la porte du planning familial le plus proche.
Les CPEF garantissent un accueil bienveillant, neutre et confidentiel. Les professionnels qui y travaillent, médecins, psychologues, sexologues, ne jugent pas. Ils orientent, soutiennent. C’est donc très logiquement qu’ils réclament aujourd’hui, et depuis plusieurs années, le droit d’aller jusqu’au bout d’un processus qui reste traumatisant. A Besançon, le CICS, le centre d’information et de consultation sur la sexualité, qui a le statut de planning familial, a fait une première demande auprès du conseil départemental en 2014 et engagé un médecin agréé dans la perspective d’une éventuelle autorisation. Pour information, les plannings du Doubs ont enregistré 3209 consultations en 2017, 288 concernaient des IVG. Un chiffre à priori plutôt stable.
Régulièrement relancé, le débat ne se cantonne pas à l’échelon local. Quelques mois après l’entrée de Simone Veil au Panthéon, force est de reconnaître que le droit à l’avortement est régulièrement attaqué. Il n’est pas rare de voir rapporter des cas de médecins qui stigmatisent des patientes déjà vulnérables, voire les désinforment sciemment. Début septembre, le Dr Bertrand de Rochambeau, président du Syngof (le syndicat national des gynécologues obstétriciens) assimilait l’IVG à un homicide, provoquant la colère de la ministre de la Santé. Agnès Buzyn s’est d’ailleurs inquiétée en personne de l’accès à l’IVG et demandé un état des lieux afin de s’assurer qu’il n’y avait pas d’entrave 43 ans après l’édiction de la loi Veil.
Dans le Doubs, le conseil départemental ne pourra pas faire longtemps l’économie d’un vrai débat de fond sur la question. Il est semble-t-il prévu pour l’année 2019. Le suivi des patientes, la gestion des risques physiques et psychologiques, les responsabilités et bien sûr le coût d’une extension de la pratique au CPEF : la mesure suscite des questions graves et délicates dans une société où le sujet reste du domaine du tabou.