Alors qu’une journée sans voiture est organisée à Besançon samedi 25 septembre, nous avons demandé à un professeur en géographie urbaine s’il était vraiment possible de réduire l’usage des voitures dans les villes de taille moyenne et leur agglomération.
La journée européenne sans voiture fait des émules dans les villes de taille moyenne. Après Paris, où elle était organisée ce samedi 18 septembre dernier, à Besançon (Doubs), c’est ce samedi 25 septembre qu’elle se déroulera. Une journée au cours de laquelle une partie du centre-ville, dont le quartier Battant, sera fermé à la circulation de voitures, pour privilégier les modes de transports doux comme le vélo et les rollers, les transports en commun, et les piétons. A cette occasion, nous avons posé cinq questions à Samuel Carpentier-Postel, géographe, professeur à l’université de Franche-Comté, et spécialisé dans les mobilités quotidiennes et résidentielles en milieu urbain.
Peut-on vivre sans voiture dans une ville de taille moyenne, comme Besançon ?
C’est une question qui préoccupe beaucoup de monde, et pas seulement les scientifiques, les élus en ont de plus en plus conscience. Vivre sans voiture, atteindre le “zéro-voiture”, je ne sais pas si c’est en soi un objectif. Mais on voit bien les limites du système actuel, à commencer par le réchauffement climatique, avec la contribution énorme du transport individuel aux émissions de gaz à effet de serre et à tous les problèmes de pollution. Un monde avec beaucoup moins de voitures est souhaitable, voire nécessaire. Mais est-ce faisable ?
La ville telle qu’on la connaît aujourd’hui a été conçue pour la voiture. Depuis l’après-guerre, on a de plus en plus construit les villes vers les périphéries, vers des zones de moins en moins denses, avec des zones de pavillons périphériques, des quartiers où il n’y a que des maisons individuelles. Or, quand on produit ce genre de situation, cet habitat individuel dispersé dans des quartiers qui offrent peu de commerces et de services, on renforce les besoins de mobilité individuels, la dépendance à la voiture. D’autant plus que dans ces configurations dispersées, on ne peut pas, ou difficilement, mettre en place un transport collectif sur des plages horaires et des fréquences assez importantes pour que son usage soit commode.
Si on prend la question sous cet angle-là, on voit bien que la ville sans voiture, ou avec beaucoup moins de véhicules, c’est une autre ville qu’on doit inventer, et qui se concrétise.
Comment, justement, la concrétiser ?
En centre-ville, tout le monde voit très bien comment on peut réduire la place de la voiture. On piétonnise, on met un tram, on réduit les places de stationnement. Là où on favorise les modes doux et les transports, en creux, on pénalise la voiture. Mais, on ne peut pas réduire ce raisonnement-là au centre-ville. De nombreuses personnes habitent dans les périphéries et ont besoin d’aller travailler dans le centre des villes. Ce sont ces flux qui alimentent l’utilisation de la voiture en ville.
Alors, la réponse qu’on doit apporter pour s'affranchir de cette dépendance à l’automobile, elle est multiple. On peut jouer sur le levier de la demande de déplacement : combien de kilomètres les gens auront besoin de faire ? Arrêter l’étalement urbain, mais aussi donner une place au télétravail. ça peut être grâce à des tiers-lieux, en créant des espaces de co-working plus proches de leurs logements. On peut aussi jouer sur l’offre de transports.
Jouer sur l'offre des transports, mais comment ?
En développant les transports en commun, mais surtout ceux en site propre, qui offrent un réel bénéfice. Par exemple, le tramway, ou des réseaux de bus à haut niveau de service, qui ont des voies réservées et une signalétique particulière. Ils s’affranchissent de la circulation et deviennent plus rapides. Je crois notamment que la ville de Besançon aurait besoin de poursuivre le développement de son tramway.
Il y a aussi les modes doux, comme le vélo, qu’il soit mécanique ou électrique. Mais pour que le vélo soit un mode de déplacement compétitif, il faut lui procurer des pistes cyclables en site propre. Les cyclistes recherchent la sécurité, et quand une voie est partagée avec des véhicules, ça n’est pas sécuritaire. Le stationnement des vélos n'est pas toujours bien pris en compte.
Ce qu’il faut, c’est une offre diverse, alternative à la voiture individuelle. Y compris la voiture que l’on partage, que l’on loue, comme les voitures en libre service, où l’on peut tirer des bénéfices plus importants, en adaptant par exemple la voiture que l’on loue en auto-partage à l’usage dont on a besoin. Finalement, cette cette ville qui réduit la place de l’automobile, on l’expérimente déjà, même si on peut considérer que ça ne va pas assez vite.
A quelle vitesse peut-on attendre l’arrivée de ces changements ?
Là, il y a forcément des inerties. Liées aux habitudes, à ce qu’on pourrait appeler une culture automobile. Il y a par exemple une part non négligeable de la population qui ne considère simplement pas les offres alternatives à la voiture. Après, je pense aussi qu’il faut intervenir sur la politique des logements, où on permet de bâtir, ou non. Actuellement, les politiques de zéro artificialisation nette sont des injonctions fortes contre l’étalement urbain, en faveur d’une gestion plus cohérente.
Dans les zones péri-urbaines, il faudrait essayer de limiter le développement résidentiel. C’est un sujet difficile, qui touche aux choix résidentiels des personnes. Mais je pense que, globalement, si les travailleurs s’installent dans ces zones, ça n’est pas seulement par attrait pour le vert, mais aussi par contrainte des prix immobiliers. Les gens rêvent de maisons, et ils ne peuvent pas les acquérir près de leur travail. La question c’est donc, qu’est ce qu’on peut proposer comme habitat qui puisse être attractif, pour rapprocher des villes, tout en conservant l’accès à un espace de verdure ? Ce sont des questions qui sont au final mal connues.
Mais n’y a-t-il pas des leviers d’actions plus rapides sur l’usage des voitures dans ces zones péri-urbaines ?
Si, un certain nombre de choses permettent de développer des comportements plus vertueux. Le plus évident, ce sont les aires de stationnement de co-voiturage. Il existe même des expérimentations sur certaines autoroutes pour réserver des axes aux autobus et au covoiturage. Il y a aussi les parkings relais, où on peut utiliser sa voiture pour se rapprocher de la ville et continuer en transports en commun. Et puis, dans les villes qui sont desservies, le train reste très efficace, lorsque l’on s’assure qu’il y a une intermodalité : est-ce que je peux mettre un vélo dans ce train, est-ce qu’il y a une intégration tarifaire ? Il faut multiplier les solutions que l’on propose dans ces zones.
Journée sans voiture le 25 septembre à Besançon
A Besançon, la Journée sans voiture du 25 septembre va principalement consister à fermer à la circulation une partie du centre-ville et du quartier Battant (cf carte) de 11 heures à 21 heures. Les 9 parkings du centre seront tout de même accessibles, ainsi que les parking relais (P+R). Des tickets à la journée dans tout le réseau Ginko seront proposés pour 2 euros, et l'abonnement Vélocité d'une journée sera gratuit.
Le laboratoire ThéMA, et un chercheur de l'Université de Franche-Comté, travaillent sur les mobilités résidentielles et de loisir à Besançon et Dijon. Pour les aider, vous pouvez participer à cette étude en répondant ce questionnaire.