Le 15 mars est la journée internationale du sommeil. À cette occasion, nous nous intéressons à un trouble sous-diagnostiqué et mal connu, celui de l'apnée du sommeil chez l'enfant. Il toucherait 2 à 5 % de cette jeune population.
Maxence est né avec le syndrome de Prader-Willi, une maladie génétique rare liée à une anomalie sur le chromosome 15. Il souffre d'une hypotonie sévère, il s'agit d'une diminution générale du tonus musculaire. Cette pathologie est à l'origine de nombreux troubles, en particulier des apnées du sommeil sévères. "Il a une cinquantaine d'apnées par heure", explique sa maman Anne Wipf. Concrètement, le larynx de Maxence s'affaisse et se ferme plusieurs fois dans la nuit, obstruant le passage de l'air.
Ces troubles empoisonnent les jours et les nuits de cet enfant. "Il est plus irritable, il a un manque de la concentration, d'attention, et comme tous les autres enfants, il peut être beaucoup plus irritable", témoigne sa maman. Pour l'aider à mieux respirer, il doit porter toutes les nuits un masque de ventilation à pression positive continue, un traitement plutôt contraignant. Depuis ses 9 mois, Maxence est donc suivi par l'unité d'exploration du sommeil et de la vigilance, au CHU de Besançon dans le Doubs.
Les signes qui doivent alerter
"Il y a beaucoup d'enfants ronfleurs, mais tous ne souffrent pas d'apnée du sommeil" expose Docteur Hubert Bourdin, praticien hospitalier à l'unité d'exploration du sommeil et de la vigilance au CHU de Besançon. Plusieurs signes nocturnes peuvent interpeller les parents : une difficulté à respirer hors des périodes de rhume. Les signes diurnes sont plus inattendus, car différents de ceux que l'on retrouve chez l'adulte. "Chez l'enfant avant 10 ans, il n'y aura pas forcément de somnolence, cela se manifestera surtout par des troubles du comportement, de l'attention, une hyperactivité, ou des difficultés à se concentrer".
Risques de maladies cardiovasculaires, obésité, troubles des apprentissages
Bien connue chez l'adulte, l'apnée du sommeil est sous-diagnostiquée chez l'enfant. Ce syndrome se manifeste par des interruptions involontaires et répétées de la respiration de plusieurs secondes pendant le sommeil. Cela entraîne une baisse d'oxygène dans le sang et provoque des micro-réveils incessants. À plus long terme, les apnées du sommeil peuvent accroître le risque de développer un certain nombre de maladies : hypertension artérielle, maladies cardiovasculaires, diabète ou obésité. "Sur le plan des acquisitions, s'il y a des troubles de l'attention liés aux apnées du sommeil, il y aura des troubles des apprentissages", ajoute le docteur Bourdin.
Des causes multiples
"Ce sont des cas que nous voyons régulièrement ici", précise Hubert Bourdin. Trois populations d'enfant peuvent présenter des apnées du sommeil. Un premier type concerne les 4-8 ans ayant une morphologie particulière : grosses amygdales ou végétations, petite mâchoire, langue épaisse etc. "Dans ces cas de figure, lorsque la chirurgie est indiquée, le problème peut être réglé assez facilement", détaille le docteur Bourdin. Un deuxième type d'apnées touche des adolescents en surcharge pondérale, "une problématique de plus en plus importante chez les enfants", estime le médecin. Enfin, le docteur intervient sur une dernière classe qui nécessite une prise en charge pluridisciplinaire (ORL, pédiatre, chirurgie, unité de sommeil). Il s'agit d'obstruction des voies respiratoires causées par des anomalies crano-faciales, des syndromes polymalformatifs ou encore des pathologies génétiques comme dans le cas de Maxence.
"Il faudrait plus de moyens pour diagnostiquer les jeunes ronfleurs"
Si dans un grand nombre de cas, les apnées du sommeil peuvent être traitées assez facilement, encore faut-il les diagnostiquer et les prendre en charge tôt. 2 à 5 % des enfants seraient touchés et peut-être plus encore. Selon ce spécialiste, il faudrait un dépistage précoce et systématique des petits ronfleurs, ils sont 8 % en France, autant de "candidats potentiels à l'apnée du sommeil". Or, les infrastructures manquent. "Il n'y a pas suffisamment de centres du sommeil ayant la capacité de prendre en charge des enfants pour poser ces diagnostics", déplore docteur Bourdin.
L'unité de sommeil du CHU de Besançon est le seul de la région Bourgogne-Franche-Comté. Elle a d'ailleurs obtenu en juin 2023 un agrément de la Société française de recherche et médecine du sommeil, qui reconnaît "ses bonnes pratiques et sa spécificité qui est d'assurer les suivis en pédiatrie".