"L'instruction en famille doit rester un droit et une liberté" : 10 familles contestent devant la justice le refus de faire l'école à la maison

Ce mardi 15 octobre 2024, dix familles ont été entendues par le tribunal administratif de Besançon (Doubs) pour contester le refus par le rectorat de leur demande d'instruction en famille.

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"Je trouve que c'est liberticide", livre Jenny Lejeune, maman installée à Valdahon, dans le Doubs. Mardi 15 octobre 2024, dix familles de Franche-Comté avaient rendez-vous au tribunal administratif de Besançon pour contester les décisions du rectorat pour la rentrée 2024-2025. 

Cette année, de nombreuses familles comme celles de Jenny ont reçu des refus pour délivrer l'instruction en famille. En cause : un changement de régime, lié à la loi "séparatisme" de 2021 renforçant l'encadrement de l'école à la maison. Avant, il fallait faire une déclaration auprès de l'administration pour déscolariser ses enfants. Dorénavant, il faut demander une autorisation auprès de la DSDEN (direction des services départementaux et de l'éducation nationale) en complétant un dossier. Conséquence : de nombreuses demandes ont vu leurs demandes refusées.

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"J'ai reçu quatre refus"

Pour Jenny, maman de sept enfants, cette loi est inadmissible. "J'ai encore quatre enfants concernés par l'instruction en famille. L'année dernière, j'ai eu un refus pour mon dernier, né en 2020 et cette année, j'ai reçu quatre refus pour les quatre enfants pour lesquels j'ai fait une demande", témoigne-t-elle.

Je conteste les refus, car je pense que l'instruction en famille doit rester un droit et une liberté.

Jenny Lejeune, maman de Valdahon

Cette mère au foyer trouve cette décision insensée : "Je ne vois pas pourquoi, au bout de 11 années où ça se passe très bien, on nous impose de scolariser nos enfants". Son fils aîné âgé de 15 ans ne souhaite pas être scolarisé et ses deux filles de 11 et 10 ans, qui n'ont connu que l'instruction en famille, ne comprennent pas pourquoi elles devraient maintenant aller à l'école.

Ils perdent leurs amis, leurs repères, leur pédagogie. C'est un gros chamboulement pour eux de passer de la maison à l'école.

Jenny Lejeune, maman de Valdahon

Elle ne souhaite pas non plus scolariser ses enfants à l'école parce que les conditions d'apprentissage n'y sont pas idéales, selon elle. "On connaît tous les difficultés qu'il y a au niveau de l'école. Nous, on est dans un encadrement d'un adulte pour quatre enfants. C'est un encadrement que vous ne trouverez nulle part ailleurs", souligne-t-elle.

"On va continuer à se battre"

Laetitia Von Allmen, maman de trois enfants à La Côte en Haute-Saône, a créé au printemps dernier l'association LIBRE, après un certain nombre de refus. Pour elle, même si le tribunal administratif ne lui permet d'instruire ses enfants à la maison, elle continuera l'instruction en famille à ses enfants.

"On ne peut pas mettre nos enfants à l'école en sachant pertinemment que ce n'est pas dans leur intérêt, notamment notre fils pour lequel on nous propose le port de couches", livre-t-elle. Ce dernier, âgé de 5 ans, souffre d'encoprésie primaire sévère, trouble qui se manifeste par l'émission involontaire et répétée de selles.

Laetitia n'a pas beaucoup d'espoir concernant la décision du tribunal administratif. "Ça nous paraît joué d'avance. Selon eux, la place de l'enfant est à l'école et peu importent ses besoins". Elle ajoute : "Mais on va continuer à se battre pour nos enfants et pour conserver cette liberté et cette richesse éducative qui devrait perdurer en France".

Les motifs de l'instruction en famille

Pour rappel : Quatre motifs permettent à des parents de solliciter l'autorisation d'instruire leurs enfants dans la famille. Le premier relève de la situation de santé de l'enfant ou d'une situation de handicap. Le deuxième de l'itinérance en France ou de l'éloignement d'un établissement scolaire. Le troisième d'une pratique artistique ou sportive de l'enfant de haut niveau. Et le quatrième est une situation propre à l'enfant.

Pour le fils de Laetitia, atteint d'encoprésie primaire sévère, la maman a d'abord demandé l'instruction en famille au nom du premier motif, mais sa demande n'a pas été prise en compte. Elle a donc demandé l'instruction en famille au nom du motif quatre (situation propre à l'enfant) et celle-ci lui a été refusée. 

La plupart des dossiers refusés cette année relèvent du quatrième motif : situation propre à l'enfant. La "situation propre" n'a pas de définition, mais doit faire l'objet d'une analyse particulière. C'est celui qui est le plus sujet à interprétation.

La famille connaît l'enfant

Mais pour Yanis Zoubeidi-defert, avocat de certaines des familles présentes au tribunal, "il n'appartient pas à l'administration de se substituer à la famille pour statuer d'une situation propre à l'enfant". Pour lui, c'est avant tout la famille qui connaît l'enfant et qui sait ce qui est bien pour lui. 

L'avocat au barreau d'Épinal (Vosges) souligne également un effet "pervers" de cette loi. "De nombreuses familles qui se sentaient pleinement intégrés s'éloignent désormais de la République", souligne-t-il lors de l'audience.

Nous avons justifié notre analyse avec un jugement d'un autre tribunal administratif qui va clairement dans notre sens.

Yanis Zoubeidi-defert, avocat de certaines familles au barreau d'Epinal

Pour lui, le rejet du recours, à Besançon par la rapporteuse publique de ces 10 dossiers n'est pas légitime. "Madame la rapporteuse publique a exposé en quoi il fallait rejeter les requêtes avec des interprétations tout à fait différentes de la jurisprudence du Conseil d'État et que nous ne partageons pas".

Toutes les affaires instruites ce mardi 15 octobre ont été mises en délibéré. Le tribunal administratif rendra sa décision dans trois semaines. Concernant le résultat, l'avocat se dit pessimiste : "D'une manière générale, le rapporteur public est suivi à 99 % des cas par le tribunal administratif". Il ajoute : "Peut-être d'autres choses vont se jouer en appel, voire au Conseil d'État qui aura l'occasion de repréciser et d'affiner sa jurisprudence"

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