Anne Vignot, la maire écologiste de Besançon (Doubs) demande une étude aux services de l'État pour "comprendre" les raisons des embouteillages qui asphyxient sa ville. Des difficultés dont elle serait la première responsable, rétorque l'opposition.
Trop de voitures en ville, trop de bouchons. Cette fois, elle dit stop. Anne Vignot, la maire (EELV) de Besançon et présidente de Grand Besançon Métropole, veut en finir avec les embouteillages qui asphyxient la capitale comtoise.
Lors du dernier conseil communautaire le 14 novembre 2024, l'élue écologiste a même indiqué aux élus avoir demandé un coup de main à la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) pour analyser le problème, et imaginer ensuite des solutions pour décongestionner l'agglomération.
"J'ai demandé si on pouvait envisager une étude pour essayer de comprendre ce qui se passe, a-t-elle indiqué aux représentants de l'agglomération, tous concernés par les difficultés de circulation. Parce qu'alors qu'il n'y a pas de choses fondamentales qui ont changé, nous avons effectivement une augmentation de la fréquentation".
"C'est se moquer du monde"
Une annonce qui a suscité interrogations et colère chez certains, à commencer par la maire de Vaire, petite commune de 800 habitants à l'est de Besançon. "Je ne comprends même pas qu'on se pose la question à se dire pourquoi il y a des bouchons, interpelle Valérie Maillard. Il y a de plus en plus de voies qui sont mises en sens unique, on ferme de plus en plus de rues. Donc, on se retrouve à faire des distances de plus en plus grandes. Ça me paraît d'une évidence incroyable."
Ludovic Fagaut, chef de file de l'opposition LR, s'est dit de son côté "stupéfait". "Les bras m'en tombent, a-t-il lancé à la présidente de GBM. Il n'y a pas si longtemps que cela, vous disiez qu'il n'y avait pas de bouchons, aujourd'hui, vous le reconnaissez ?"
"C'est se moquer du monde, assure aujourd'hui Ludovic Fagaut à France 3 Franche-Comté. Beaucoup de gens m'ont demandé : c'est un sketch, une caméra cachée ? Il n'y a pas besoin de diligenter une étude qui va encore coûter de l'argent public pour comprendre les raisons de ces bouchons gigantesques qui bunkérisent Besançon". Car pour lui, la seule et unique responsable de la situation est bien Anne Vignot elle-même."C'est ubuesque, c'est elle qui a enfermé la ville !"
"Depuis qu'elle est arrivée à la mairie, ajoute-t-il, ce sont des pistes cyclables à profusion, la fermeture du Pont de la République, les bornes du quartier Battant, le passage à sens unique de la rue Midol, les changements secteur Weiss, Trepillot, Clos-Munier, ou encore la place de la bascule à Saint-Ferjeux, tous ces aménagements qui ont été faits sous le couvert de son dogmatisme anti-voiture."
C'est devenu l'enfer. Quand l'idéologie prend le pas sur le bon sens, on en arrive à des aberrations. Mais la vérité, c'est qu'on ne peut pas se passer de la voiture pour se déplacer. C'est un principe de réalité.
Ludovic Fagaut, chef de file de l'opposition LR à Grand Besançon Métrople (GBM).
Ludovic Fagaut s'inquiète d'une étude dont les conclusions viendraient seulement conforter la politique déjà menée en matière de transports. "Est-ce que c'est la candidate aux municipales de 2026 qui demande cette étude ? Est-ce que c'est un alibi pour venir cautionner ce qui a été fait ?".
Avec l'opposition municipale, il dit pourtant avoir déjà fait de nombreuses propositions pour améliorer le trafic : travailler avec l'intelligence artificielle pour fluidifier les flux, ouvrir une "autoroute cyclable" et utiliser les anciennes voies de chemin de fer pour aménager de nouvelles pistes cyclables, renforcer l'information des usagers sur les accès possibles et les places de parking disponibles en temps réel, rouvrir certains accès (comme le Pont de la République), ou enfin programmer les feux tricolores sur d'autres cadencements.
"C'est une galère sans nom"
Ces embouteillages, les chauffeurs de taxi sont les premiers à en pâtir. Ils sont 44 dans la Boucle et ne cachent pas leur exaspération. "Depuis 2020 et le Covid, on a vraiment senti la différence", explique Johannes Ussel, le président du syndicat départemental des taxis du Doubs (SDTD).
"Il y a une évolution sur les mouvements pendulaires, reconnaît Anthony Bézard, son vice-président. "Il y a de plus en plus de gens qui quittent Besançon pour aller habiter en périphérie et donc plus d'entrants en ville. À certains moments de la journée, c'est une galère sans nom. Avec un gros point noir évidemment, c'est la place Leclerc."
Selon leurs représentants, les chauffeurs de taxi ont renoncé pour beaucoup à desservir les hôtels et restaurants ou certaines adresses dans la Boucle. "Clairement, il y a des collègues qui ne viennent plus du tout au centre-ville, poursuit Anthony Bézard. On a fait une pétition avec les hôteliers restaurateurs il y a six mois pour nous rendre l'accès du Pont Battant, mais on ne nous a pas entendus". Les professionnels déplorent, eux aussi, ces nombreuses fermetures ou passages de rues à sens unique qui leur compliquent leur tâche.
On nous oblige à des détours et on provoque des déplacements de circulation sur des axes déjà très empruntés. Besançon a une géographie particulière. On ne peut pas pousser les murs et on nous met des filtres !
Johannes Ussel, président du syndicat départemental des taxis du Doubs (SDTD).
"Le moindre accident ou même un aléa climatique comme de la pluie rend tout de suite les conditions délirantes", affirme-t-il. Et les chauffeurs de taxi n'imaginent pas que cette étude à venir dira autre chose.
Besançon ou "Bouchançon" ?
En tous les cas, il n'est pas surprenant que Besançon ait été rebaptisé "Bouchançon", il y a un an par un habitant excédé. L'automobiliste s'est même pris au jeu et a réfléchi à une nouvelle identité visuelle pour la ville qu'il a partagée sur les réseaux sociaux.
Un calembour dont Ludovic Fagaut s'était d'ailleurs emparé pour dénoncer l'engorgement des rues de la cité à la fin de l'été, juste avant la rentrée scolaire, alors qu'il était bloqué au rond-point de Rivotte.
Contactée par France 3 Franche-Comté, Anne Vignot s'en tient pour l'instant à ses déclarations publiques au conseil communautaire. En attendant le retour des services de l'État et sans s'avancer plus loin sur ce chemin visiblement très chaotique des bouchons à Besançon.