Les photos inédites de Marc Paygnard sur la grande marche pour les ouvriers de Lip à Besançon en 1973

Le célèbre photographe Marc Paygnard a couvert la grande marche pour les Lip le 29 septembre 1973 à Besançon (Doubs). Depuis 50 ans, ses photos n'étaient pas sorties de leurs boîtes d'archives. À la demande de France 3 Franche-Comté, le photographe de Vesoul les a redécouvertes. Un regard sans concession sur son travail de jeunesse.

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Ce jour-là, il pleuvait des cordes. C'est bien l'un des premiers souvenirs qui revient en mémoire à tous ceux qui ont participé à cette manifestation entrée au panthéon des luttes sociales de la France d'après-guerre.

Une marche de 100 000 personnes dans les rues de Besançon pour soutenir les salariés de l'entreprise horlogère LIP, fleuron de Besançon, qui refusaient d'être licenciés. C'était le 29 septembre 1973. 

Marc Paygnard était de ceux-là. Nos confrères Catherine Schulbaum, Florence Petit et Rémy Bolard ont demandé à ce célèbre photographe de leur ouvrir son armoire aux trésors. Dans sa maison des environs de Vesoul (Haute-Saône), l'artiste de 78 ans conserve des boîtes d'archives, bien rangées et étiquetées. "Afrique", "Histoire d'eau", "Roumanie", "Ronchamp", le photographe a parcouru une cinquantaine de pays pour l'agence RAPHO.

RAPHO est considérée comme la plus vieille agence de photojournalisme en France. Marc Paygnard va poursuivre le travail empreint d'humanité tracé par ses aînés : Robert Doisneau, Jean Dieuzaise, Willy Ronis...

Marc Paygnard a l'œil aussi pour saisir des instants tout près de chez lui. Il a publié plus de quarante livres dont quelques-uns sur sa région, la Franche-Comté.

Une grande partie de ses milliers de photographies sont conservées chez lui. C'est le cas de celles qu'il a prises ce jour de 1973 à Besançon.

À cette époque, le Vésulien avait 28 ans. Il ne souvient plus s'il avait été envoyé par l'Est Républicain ou s'il était là "parce que c'était un événement important". La météo pluvieuse reste gravée dans sa mémoire. "Quand on est photographe, journaliste, on a encore cet instinct d'aller vers les moments historiques" explique-t-il.

On était obligé de protéger l'appareil pour changer de pellicule. Il fallait se cacher sous un abribus. Ce n'était pas une belle journée.

Marc Paygnard

Le voilà 50 ans plus tard en train de regarder son travail de jeunesse. Au total, plus d'une centaine de photos. 

J'ai fait quatre fois 36 poses. Ce qui était rare pour un sujet. Pour un petit sujet normal, on faisait une pellicule de 12 poses.

Marc Paygnard

Souvent le talent rime avec modestie. Marc Paygnard porte un regard critique sur ses clichés pris lors de cette manifestation historique. "Ce n'est quand même pas une bonne photo ! Dit-il en regardant défiler sur son ordinateur les clichés. Pourquoi j'ai appuyé là ? Je ne sais pas !"

Je reconnais qu'à l'époque, je n'étais pas aussi rigoureux que maintenant dans les cadrages. Maintenant, je suis plus vigilant dans ce qui se passe dans mon cadre. Là, j'appuyais à tout bout de champ.

Marc Paygnard

Écouter le regard critique de Marc Paygnard sur son travail, c'est, mine de rien, assister à une grande leçon de photojournalisme. Le photographe ne s'épargne pas. Le voici devant un cliché d'une toute jeune fille agitant un drapeau. À l'arrière-plan, des manifestants. La photo a du chien, pas assez au goût de Marc Paygnard. "Si j'avais été plus consciencieux, j'aurais fini par la suivre et puis avoir, à un moment donné, une photo forte".

Qu'est-ce qu'une bonne photo ?

 Il faut d'abord "ouvrir comme il faut les yeux" raconte Marc Paygnard. Pour un reportage, la photo doit aussi rappeler le sujet, donné le contexte, "S’il n'y a pas cette obligation journalistique, tu peux faire quelque chose de plus raffiné" précise-t-il. On a tous en tête au moins une photo magistrale de Marc Paygnard.

Regardons celle prise lors du carnaval de Vesoul en 1980. À deux pas de chez lui, Marc Paygnard immortalise une scène du quotidien qui fera le tour du monde. Ceux qui regardent sont touchés par l'universalité de la scène.

La personnalité du photographe, son humour et son humanité, font de ce cliché une "bonne photo". L'histoire ne finit pas là et elle ne manque pas de piquant. Les policiers de Vesoul ont tellement aimé la photographie de leur collègue et ce qu'elle exprimait (un policier proche des gens) qu'ils ont remercié Marc Paygnard en lui organisant une petite fête pour lui offrir un insigne factice de policier. Une facétie comme les aime Marc Paygnard. Cette fois-ci, c'est lui qui posait !

Ce qui est important dans une photo c'est qu'elle reste dans les mémoires. Des années après, elle va toujours nous donner un petit choc, une émotion.

Marc Paygnard

Parmi la centaine de photos prises à Besançon ce fameux 29 septembre 1973, il y en a bien quelques-unes que l'on ne risque pas d'oublier. N'en déplaise à leur auteur. Le talent est déjà là et ne fera que s'affirmer au fil du temps.


Marc Paygnard a beau affirmer "avoir été pris dans l'événement, emporté comme une vague avec la peur de louper le moment important", c'est un bonheur d'avoir eu le privilège de découvrir 50 ans après ces photos qui n'avaient pas été publiées. 

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