Maladie de Lyme. Une prise en charge des patients atteints de symptômes chroniques

Alors que les données de la science progressent autour des maladies transmises par les tiques, des centres de références permettent désormais de diagnostiquer et de prendre en charge les patients atteints d'une forme persistante de la maladie de Lyme. Entretien avec le Dr. Hansmann, infectiologue au CHU de Strasbourg et coordinateur du CRMVT dont dépend la Franche-Comté.

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C'est un mal que l'on apprend encore à connaître : inconnue du grand public, il y a 20 ans, la maladie de Lyme (ou Borréliose de Lyme) a globalement gagné du terrain en France. Comme tout l'Est de la France, la Franche-Comté est particulièrement concernée. Un centre de référence permet désormais de prendre spécifiquement en charge les patients atteint d'une maladie de Lyme, et tous ceux qui soupçonnent une forme chronique de la maladie.

On met en place des centres organisés autour des maladies vectorielles à tiques avec des personnes comme des infectiologues, mais aussi avec une dimension d'une approche plus globale.

Dr. Yves Hansmann, infectiologue et coordinateur du CRMVT du Grand Est et de Bourgogne-Franche-Comté

Le Centre de Référence des Maladies Vectorielles liées aux Tiques (CRMVT) du Grand Est et de Bourgogne-Franche-Comté est réparti entre les CHU de Strasbourg et de Nancy. Le docteur Yves Hansmann en est le coordinateur. 

"L'idée, c'est de mettre autour du patient un certain nombre de spécialistes" explique Yves Hansmann, lui-même infectiologue. "Nous, en tant qu'infectiologues, nous sommes plus habitués à nous occuper de maladies aiguës, comme, par exemple, le covid ou d'autres pneumonies. Pour des formes persistantes de la maladie de Lyme, on a donc besoin des spécialistes des centres de douleur, d'éducateurs, de neurologues, de rhumatologues… " énumère-t-il.

Un diagnostic difficile

Progressivement mis en place en France depuis 2018, les CRMVT sont notamment destinés à accueillir les patients dont les médecins généralistes et autres spécialistes soupçonnent qu'ils sont atteints d'une maladie de Lyme, ou d'une autre maladie portée par les tiques. Car, passé les premières semaines après une infection, où le diagnostic de la maladie de Lyme repose sur la présence d'un érythème migrant, sorte de tache rouge indolore et grandissante de façon centrifuge, ce diagnostic est plus difficile.

"On n'a pas de test direct" reconnaît le Dr. Yves Hansmann. "On n'a que des tests indirects, qui ne détectent pas la bactérie [ndrl: la Borrelia burgdorferi qui provoque la maladie de Lyme], mais les anticorps, ce qui veut dire que le système immunitaire a rencontré la bactérie un jour ou l'autre". C'est pourquoi cet examen, appelé une "sérologie", ne peut à lui seul permettre de dire si quelqu'un souffre actuellement de la maladie de Lyme, ou non.

"On a besoin d'autres examens, comme des ponctions lombaires, ou des ponctions articulaires qui sont parfois plus compliquées à réaliser" explique le Dr. Yves Hausmann.

Une reconnaissance officielle des symptômes chroniques

Si les CRMVT ont été créés en 2018, c'est parce que la Haute Autorité de Santé a publié cette année-là le résultat d'un important travail d'élaboration de nouvelles recommandations de bonnes pratiques. Si la question des symptômes chroniques avait été déjà abordées par les autorités scientifiques en 2006, ces nouvelles recommandations ont proposé pour la première fois une prise en charge spécifique.

"La maladie de Lyme peut dans certains cas, plutôt rares par rapport à l'ensemble des maladies de Lyme diagnostiquées, provoquer des symptômes persistants pendant plusieurs mois voire plusieurs années" décrit le Dr. Yves Hansmann. "Il y a une polémique sur le terme "Lyme chronique", on préfère dire 'persistant', car le terme 'chronique' suggère que l'infection pourrait s'installer définitivement dans le corps, ce qui ne correspond pas à nos connaissances scientifiques". La Haute Autorité de Santé, elle, a choisi d'utiliser le terme de "Symptomatologie ou Syndrome persistant(e) polymorphe après une possible piqûre de tique (SPPT)".

Maux de tête, fatigue persistante, douleurs musculaires et articulaires au repos, souvent accompagnées de sensations désagréables comme des fourmillements ou des sensations de décharges électriques, paralysie faciale, difficultés de concentration, problèmes de mémoire... Les symptômes associés à la maladie de Lyme sont variés, y compris d'un patient à l'autre. Difficulté supplémentaire, un certain nombre d'entre eux sont "non spécifiques", c'est-à-dire que de nombreuses maladies ou problèmes de santé peuvent les provoquer.

Réduire l'errance médicale

Les recommandations de dépistage ne font d'ailleurs pas moins de 9 pages, tant le sujet est complexe. "Il arrive que l'on ne soit pas sûrs du diagnostic, il y a parfois un peu de place au doute" avoue le Dr. Yves Hansmann. "Mais même en cas de diagnostic incertain, en général, on va quand même faire un traitement" rassure le spécialiste.

L'année dernière, en mars 2022, la Haute Autorité de Santé a édité un guide pratique du parcours de soin en cas de suspicion de la maladie, à destination des soignants, dont le but est de "réduire l'errance médicale". Le guide explique notamment quand passer la main à un CRMVT, pour réussir à diagnostiquer ou écarter la maladie de Lyme, ou pour mettre en place un traitement adapté. 

Reste que, pour les patients, l'incertitude, bien qu'elle fasse partie du raisonnement médical, peut être difficile à vivre et à appréhender.

"Nous, il n'y a pas de bénéfices derrière"

L'infectiologue du CHU de Strasbourg le reconnaît : "le sujet est très polémique".

Nous, les médecins qui nous occupons de la maladie de Lyme, sommes parfois accusés, on pense à tort, de ne pas s'en occuper correctement. Parce qu'on est pas d'accord avec un certain nombre de théories sans fondement scientifique, qui peuvent s'appuyer sur des tests sanguins réalisés par certains laboratoires allemands

Dr. Yves Hansmann, infectiologue et coordinateur du CRMVT du Grand Est

Le spécialiste dénonce la posture,et le rôle, de ces laboratoires : "[ils] mettent à disposition des tests diagnostiques, en disant que leurs tests sont meilleurs. C'est de la fausse information, qui crée une incompréhension de la part des patients et contribue à perturber la relation de confiance avec leur médecin pouvant aboutir à des catastrophes

" évoquant des conflits et même des plaintes déposées par des patients faussement diagnostiqués positifs à la maladie de Lyme.

"Ces gens ont l'intime conviction qu'ils sont infectés et que tous les autres sont des ennemis, ça crée une brèche avec la médecine en général et ça aboutit parfois à des catastrophes" dit-il.

Il l'affirme : "On demande toujours aux responsables de ces laboratoires allemands de partager leurs informations, mais aucune étude scientifique justifiant l'intérêt de leur test n'est publiée".

En Allemagne, des cliniques proposent des semaines de soins, dont le coût peut atteindre plusieurs dizaines de milliers d'euros. Sur les réseaux sociaux, il n'est pas rare de croiser une cagnotte pour aider un malade à financer un traitement dans ces établissements, dont l'activité est moins réglementée qu'en France.

"Pour certaines personnes, ça peut apporter un bénéfice, vous trouverez des gens très contents" tempère l'infectiologue. "Ils proposent des soins de massages, de la balnéo, des anti-douleurs, qui peuvent réellement faire du bien, mais le problème, c'est de prétendre qu'un patient a une maladie infectieuse alors qu'on n'en sait rien".

Entre 2019 et 2020, Mélissa Hamdad, une thésarde en médecine générale, a suivi pendant un an le CRMVT de la Sarthe. Parmi les patients suivis, qui pensaient être atteints d'une malade de Lyme chronique, certains se sont révélés être atteints de diabète, d'athérosclérose, ou encore d'une sclérose en plaque. Des maladies graves, voire mortelles, qui doivent être rapidement prises en charge.

"Nous, les centres de références, c'est l'hôpital public, il n'y a pas de bénéfice derrière" rappelle le Dr. Yves Hansmann. Le centre de référence des maladies vectorielles liées aux tiques de Strasbourg reçoit entre 600 et 700 patients par an. 15 à 20% d'entre eux sont porteurs de la maladie de Lyme. Pour les autres, le CRMVT permet de détecter d'autres maladies, ou, quand ça n'est pas le cas, de proposer une prise en charge pour les maux dont ils souffrent.

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