L'Union syndicale des magistrats appelle l'ensemble des professionnels de justice à une nouvelle mobilisation ce mardi 22 novembre et à un renvoi des audiences prévues ce jour-là pour dénoncer le manque de moyens de la justice, un an après une tribune très suivie. Réactions.
"Notre rentrée a commencé devant l’église Saint-Michel de Lille, lundi 30 août. Nous enterrions Charlotte, notre jeune collègue de 29 ans, qui s’est suicidée le 23 août. Cela faisait deux ans qu’elle était magistrate, juge placée, envoyée de tribunaux en tribunaux pour compléter les effectifs des juridictions en souffrance (...)".
C'était il y a un an. Dans une tribune publiée le 23 novembre 2021 dans Le Monde, 3 000 magistrats et une centaine de greffiers prenaient la parole, eux d'ordinaire si feutrés dans leur mode d'expression, pour frapper un grand coup. Dans ce texte, ils dénonçaient l'approche "gestionnaire" d'une justice "qui n'écoute pas et qui chronomètre tout", qui "fait primer la quantité sur la qualité" et la "souffrance au travail" qui en résulte.
Une libération de la parole...
La tribune décrivait des "audiences surchargées", des juges qui doivent juger 50 dossiers et qui n'ont que "7 minutes" pour écouter des personnes surendettées, ou encore d'autres qui doivent "choisir entre juger à minuit (...) ou décider de renvoyer des dossiers complexes à un an".
Un an plus tard, l’Union syndicale des magistrats (USM, principal syndicat) appelle à une nouvelle mobilisation ce mardi partout en France. Car les avancées sont jugées trop maigres. Et de détailler dans un communiqué : "La réalité du terrain, ce sont toujours des audiences surchargées", "des jugements non expliqués", "des décisions exécutées plusieurs mois voire années après", "des tribunaux vétustes et des logiciels des années 90".
Le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti a confirmé la promesse d'Emmanuel Macron de recruter 1500 magistrats sur 5 ans, dont 200 en 2023, ainsi que 1500 greffiers. Une annonce considérée par l'USM comme "largement insuffisante".
...mais des moyens encore insuffisants
"Il faut regarder le solde net en déduisant les départs en retraite", fait valoir Mikaël Le Denmat, bâtonnier au barreau de Besançon. "Il y a au moins eu une prise de conscience" depuis cette tribune, relève-t-il. "Parce qu'il y a eu ce texte-là, certains collègues ont osé dire : je suis à bout. Cela a créé une libération de la parole", renchérit Clara Lanoës, juge à Arras.
"Mais dans les faits, cela reste compliqué de former des personnes rapidement", nuance Mikaël le Denmat. Car former un magistrat demande au moins deux ans. Il va donc falloir du temps. De quoi inspirer au bâtonnier cette métaphore maritime : "Après avoir dérivé trop longtemps, il faut beaucoup de redressements de cap".