Incendies, dégradations et pillage de commerces, voitures sur les voies du tramway, le quartier de Planoise à Besançon a connu une troisième nuit d'émeutes entre jeudi et vendredi, plus violente encore que la précédente. La cause revendiquée est toujours la mort du jeune Nahel en région parisienne tué par un policier. Plusieurs incidents ont éclaté dans d'autres villes.
La violence est montée d'un cran dans la nuit de jeudi à vendredi dans de nombreux quartiers francs-comtois, notamment à Planoise Besançon, déjà le théâtre de quelques feux de poubelles et de véhicules plus tôt dans la semaine. D'autres émeutes et incidents ont eu lieu, notamment à Héricourt, Montbéliard, Belfort ou encore Pontarlier.
La mort d'un jeune de 17 ans à Nanterre, abattu par la police alors qu'il circulait sans permis au volant d'une voiture, a embrasé les quartiers dans toute la France depuis trois nuits.
Besançon
À Besançon, des commerces ont été pris pour cible avenue d'Ile-de-France, place du marché, au centre du quartier. La vitre et le rideau de fer de la supérette Euromarket ont été attaqués et brisés par plusieurs dizaines d'individus aux visages dissimulés. Ils ont réussi à s'introduire dans le magasin dans lequel des pillages ont été menés.
Le prénom du jeune Nahel a été inscrit sur les murs, avec la mention 92, en référence au département des Hauts-de-Seine, dans lequel il a été tué.
Une banque totalement détruite
Sur plusieurs vidéos diffusées en direct sur le réseau social Snapchat, on peut voir aussi une voiture totalement carbonisée ainsi que des tirs de feux d’artifice et des tirs de mortier. Plusieurs foyers d'incendies sont visibles. Des vidéos montrent également la banque Crédit Mutuel, située juste en face du parking Île-de-France, complètement embrasée.
Les choses se sont calmées progressivement aux environs d'une heure du matin. "Nous suivons très attentivement la situation à Besançon avec la préfecture de police et les sapeurs-pompiers. L’émotion légitime doit pouvoir s’exprimer pacifiquement. J’appelle les Bisontins à la vigilance, et au calme", a expliqué la maire de la Ville Anne Vignot sur les réseaux sociaux, en temps réel. L'élue a réagi au micro de France 3 Franche-Comté en milieu de matinée.
Dans la matinée du 30 juin, la maire a réagi à nouveau : "Les événements de la nuit sont inadmissibles. Nous serons, les élus de la municipalité, auprès de nos concitoyens et les agents de nos collectivités toute la journée dans tous les quartiers touchés". Elle remercie par ailleurs "tous ceux qui ont fait front aux casseurs et pilleurs pour essayer d’établir le dialogue" ainsi que les forces de l’ordre et sapeurs-pompiers.
Ce vendredi matin, certains ont constaté les dégâts avec un profond désarroi, notamment à l'intérieur du magasin Euromarket saccagé. "Je ne peux pas accepter ça les gars. C'est incroyable. Incroyable. Vous vous êtes trompés de cible. Ce sont des honnêtes commerçants qui travaillent... Ce sont vos parents qui viennent faire les courses ici...", dit un habitant du quartier alors qu'il filme les dégâts. Un bureau de tabac a également été pillé dans la soirée.
Lieux publics fermés, transports en communs à l'arrêt
Par mesure de précaution, suite aux événements survenus dans la nuit de jeudi à vendredi 30 juin, la Ville de Besançon a décidé de fermer tous les équipements publics aujourd'hui à partir de 17h et pendant au moins trois jours dans les quartiers de Planoise, Clairs-Soleils, Montrapon et Battant. Les crèches et le périscolaire ne sont pas concernés par cette mesure.
Ce vendredi soir, la circulation des transports publics sera perturbée. A Besançon, le tramway sera à l'arrêt dès 18h30 et certaines lignes de bus seront déviées. Dans le détail, il n'y aura plus de desserte bus entre le quartier des Clairs-Soleils et le centre-ville ni entre Planoise et le centre-ville. Toutes les autres lignes seront maintenues dans la ville durant le reste de la soirée.
La Police Municipale de Besançon a transmis des consignes aux commerçants et tenanciers de bar exploitant une terrasse, vendredi 30 juin aux alentours de 18h30. Ils les appellent à la plus grande vigilance : "Nous vous invitons à retirer du domaine public, et des espaces privés accessibles, le mobilier de terrasse ou tout autre accessoire pouvant servir de projectile, et à prendre toute mesure de fermeture anticipée si la situation venait à se dégrader".
Belfort
À Belfort, plusieurs bâtiments ont été dégradés dans le quartier des Résidences. Situé à proximité de l'école élémentaire Pierre Dreyfus-Schmidt, un bâtiment technique en tôle dédié aux espaces verts a été incendié. Il abrite tous les équipements utiles à l'entretien des extérieurs du quartier. Les dégâts sont importants, à l'intérieur, cinq véhicules, un tracteur et du petit matériel ont brûlé. Au total, le coût des dégradations est estimé à près d'1 million d'euros.
Une vidéo diffusée sur le réseau social Snapchat montre brièvement l'incendie et l'arrivée de plusieurs véhicules de secours. "Nous n'avons pas dormi de la nuit", raconte une habitante du quartier. "On a peur, ça fait mal au coeur, j'ai l'impression de ne plus vivre en France, pays en paix", ajoute-t-elle. Les bâtiments du club de tennis l'ASMB ont également été visés. Le bar-restaurant club house a subi des dégâts : vitres brisées et tentative d'incendie. Une première estimation chiffre les destructions à 100 000 euros. Ciblés par des jets de cocktails molotov, une quinzaine de véhicules ont pris feu, notamment sur le boulevard Kennedy.
Le maire de Belfort, Damien Meslot s'est rendu sur place en fin de matinée. Il se dit déterminé à préserver la tranquillité et la quiétude des Belfortains : "Je suis assez triste car dans le quartier des Résidences nous avons fait beaucoup d'investissements, il y a beaucoup d'écoles rénovées ou en cours de rénovation, cela faisait des années qu'il n'y avait pas eu d'incidents et aucune cause ne justifie la violence". Lors d'une conférence de presse à l'hôtel de ville aux côtés du Préfet, l'élu a durci le ton : "j'invite les parents à garder leurs enfants mineurs chez eux la nuit et je mets en garde si des mineurs sont mis en cause dans des violences urbaines j'engagerai la responsabilité pécunière des parents". Le maire n'exclut pas le recours au couvre-feu après les Eurockéennes.
Pour l'instant, les forces de l'ordre, particulièrement mobilisées, n'ont procédé à aucune interpellation dans le Territoire-de-Belfort tout comme dans le Doubs où 4 policiers ont été blessées.
Le policier qui a tiré sur Nahel mis en examen
Une information judiciaire a été ouverte jeudi pour homicide volontaire à l'encontre du policier auteur du coup de feu sur le jeune Nahel lors d'un contrôle routier à Nanterre mardi 27 juin. Ce policier, motard de 38 ans, a été mis en examen.
"Le parquet considère que les conditions légales d'usage de l'arme ne sont pas réunies", a souligné le procureur de la République de Nanterre. Le policier a été transféré à la prison de la Santé à Paris et placé à l'isolement. Quelque 249 policiers et gendarmes ont été blessés légèrement (sur 40 000 policiers et gendarmes mobilisés) et 667 personnes ont été interpellées, selon le ministère de l'Intérieur.