Suite au décès de Seif Boulazreg après un refus d'entrée en boîte de nuit le 24 juillet à Besançon, une enquête préliminaire avait été ouverte pour faire la lumière sur la mort du jeune homme. Au cours d'une conférence de presse, le procureur de la République de Besançon, Etienne Manteaux a annoncé ouvrir finalement une "information judiciaire en recherche des causes de la mort" pour répondre aux souhaits de la famille et de leur avocat.
Voilà plus d'un mois que Seif Boulazreg, ressortissant algérien de 29 ans, est mort, d'après l'enquête "d'une chute", sur les contreforts de la citadelle, après avoir été poursuivi par le gérant et des employés de la discothèque le QG, qui lui reprochaient la dégradation d'une caméra de surveillance. Ils venaient de lui refuser l'accès à l'établissement jugeant son état d'excitation inapproprié.
Cette mort brutale et violente avait provoqué l'émoi à Besançon et entraîné une marche blanche pour réclamer plus de lumière sur les circonstances nocturnes de ce décès. La famille et son conseil, Arié Alimi, estimant impossible que le corps du jeune homme ait pu être si abîmé en tombant d'un mur de plus de 4 mètres. Le gérant de la boîte de nuit ayant appartenu il y a plus de huit ans aux forces de police, des soupçons de tentatives de cacher la vérité et des violences volontaires sur la victime ont été propagés largement sur la toile. Des appels en retour à se venger sur le personnel du QG ont également été lancés.
Des échanges et une course-poursuite enregistrés quasiment intégralement
Ce jeudi, le procureur de la République Etienne Manteaux a détaillé minute par minute, voire seconde par seconde, le déroulé de ce moment tragique de la nuit du 23 au 24 juillet. A 3h22 du matin, sont arrivés sur le parking du QG Seif Boulazreg et trois connaissances, qui s'étaient vu refuser déjà un accès en discothèque à Thise. Ils avaient bu de la vodka ensemble. Les analyses toxicologiques ont révélé que le taux d'alcoolémie de Seif Boulazreg à ce moment là était de 2g/litre de sang et qu'il avait également consommé de la cocaïne et du cannabis "générant une altération du comportement".
Jugé trop agité par le gérant du QG qui joue ce soir-là à l'intérieur le rôle de physionomiste, le jeune homme est interdit d'entrer. Il dit à ses amis de pénétrer sans lui mais, d'après les enregistrement vidéo, s'énerve, a des gestes obscènes et frappe la caméra qui fait un tour sur elle-même et perd momentanément le signal. Le gérant sort et signifie au jeune homme contenu par le vigile, qu'il a appelé la police à 3h39. A 3h42, Seif Boulazreg s'enfuit. Le gérant rappelle alors la police pour leur signaler cette échappée, donne la direction prise et dès lors l'échange est entièrement enregistré, jusqu'à l'arrivée sur place de la police à 3h43'41''.
Les policiers arrivés sur place ont déclaré avoir entendu des pas sur des cailloux, pointé une lampe torche vers une masse plus claire et entendu ensuite un bruit sourd. A 3h44'42", les forces de l'ordre font appeler les pompiers signalant que le jeune homme est au sol, inconscient, a du mal a respirer, qu'il a fait une chute de 5 mètres et "que ce n'est pas joli".
"Par rapport à cette chronologie, objectivée par cette bande vidéo, il n'y a nulle place pour des coups qui auraient été donnés, explique Etienne Manteaux. Seif Boulazreg n'est ni frappé devant la discothèque, ni gazé. On n'entend pas du tout de hurlement de la part du gérant qui est en ligne avec l'opérateur du Centre d'information et de commandement"
Tout ça est horodaté et les échanges enregistrés entre tous les protagonistes correspondent aux déclarations faites tant par les policiers que par le gérant et les salariés de la discothèque.
Etienne Manteaux, procureur de la République
Le jeune homme n'est pas tombé sur du plat, mais sur des pierres de 30 à 40 cm, d'un mur en moyenne de 4,70 m, auxquels il faut ajouter sa hauteur et la force cinétique, c'est à dire l'élan dans lequel il était pour gravir la pente escarpée au-dessus de ce mur. Ses multiples fractures au crâne et à la face sur le côté droit, des fractures costales et des contusions des poumons et du cœur et des plaies hémorragiques du foie et du rein droit, sont compatibles avec le scénario d'une chute sur le côté droit du corps, ont dit les médecins légistes. Des organes ont été prélevés pour encore affiner les analyses. Les résultats devraient être remis bientôt au magistrat.
Ouverture d'une instruction judicaire en "recherche des causes de la mort" et non "pour homicide volontaire"
Convaincu que tous ces éléments d'enquête dessinent un tragique accident, le procureur de la République n'en a pas moins décidé d'ouvrir dès demain vendredi une instruction judiciaire en "recherche des causes de la mort", seul qualificatif possible à ses yeux.
"Ce qui m'importe n'est pas de défendre tel ou tel mais de comprendre ce qui s'est passé, poursuit le magistrat. Je pense qu'on a une large partie du voile qui a été levé et a permis d'objectiver ce qui s'est passé. Il faut encore une expertise récapitulative. Mais j'entends certaines contestations, ce souhait d'avoir des experts qui soient extérieurs à Besançon avec un juge du siège...Pas de difficulté. Je saisis dès demain un magistrat instructeur. Pour dissiper cette idée que l'on fait obstruction."
Concrètement cela signifie que la famille du défunt aura accès à la procédure, pourra formuler des demandes d'actes complémentaires (comme une contre-autopsie réclamée par l'avocat de la famille) et tout ça dans le cadre d'un débat avec le magistrat instructeur. Le parquet aura son mot à dire mais c'est le juge d'instruction qui tranchera.