Des portraits sur les panneaux publicitaires de la ville de Besançon (Doubs). Depuis le 29 avril, les visages de celles et ceux privés de travail du fait de la pandémie, se rappellent à nos yeux. Les acteurs culturels veulent retravailler, ne pas être oubliés, redevenir essentiels.
Un peu de lumière, enfin au bout du tunnel. Le 29 avril, Emmanuel Macron a fixé les grandes étapes du déconfinement. À partir du 19 mai, musées, monuments, cinémas, théâtres, salles de spectacles pourront rouvrir avec des spectateurs assis dans la limite de 800 en intérieur, et 1000 à l’extérieur. À partir du 9 juin, ce devrait être la reprise des concerts. Les événements culturels rassemblant jusqu’à 5000 personnes seront possibles avec la mise en place d’un pass sanitaire a annoncé l’Elysée.
Derrière le mot culture, des visages, des hommes et des femmes. Certains d’entre eux réunis au sein de la coordination des intermittents et précaires (CIP) occupent depuis le 11 mars le centre dramatique national de Besançon, pour demander la prolongation de l’année blanche pour les intermittents, et dénoncer la réforme de l’assurance-chômage.
Des visages qu’Antonin Borie, patron de la boîte de nuit et café concert l’Antonnoir a décidé de mettre en lumière. Une lumière noire et sombre, car depuis un an, ces professionnels de la musique, du théâtre, du cirque, de la danse... n’ont plus de travail. “Nous avons fait 66 portraits, il y a parmi eux des jeunes, des vieux, des intermittents, des artistes, Kem le programmateur des Eurockéennes, le chanteur Aldebert, Maggy Bole, Clara Yucatan, des étudiants des métiers d'arts (DMA) sans horizon de travail” explique Antonin Borie, qui a remis en route sa passion de la photographie, pour combler ces jours, ces longs mois sans pouvoir rouvrir son activité.
On peut lire à travers leurs regards, l'inquiétude, la peur, la lassitude pour certains, le manque d'horizon...
“Ces gens-là sont pour la plupart d’illustres inconnus, ils sont l’envers du décor, les «petites-mains» comme on dit, du spectacle vivant, des musiques actuelles, de l’événementiel, du cinéma, des métiers de l’exposition ou de la création. Ils se produisent, ou produisent les artistes que vous aimez ou ceux que vous ne connaissez pas encore. Ils sont ces artistes, ils les éclairent, les sonorisent, les nourrissent, les développent, les accompagnent ou les aident à se vendre et font souvent même des métiers dont le grand public ignore l’existence tant ce sont des métiers «de l’ombre»” ajoute-t-il.
“Ces gens-là n’ont pas choisi leur situation actuelle, mais ils ont choisi ces métiers où ils savaient qu'ils n'allaient pas s’enrichir, où ils allaient souvent galérer pour travailler, pour être rémunérés. Certains ont même fait de longues études pour en arriver là, à ces métiers souvent mal payés. Mais ces gens-là sont animés par la passion et par une mission, celle de rendre le monde plus beau, plus intéressant, et même plus intelligent. Alors quand ces gens-là sont considérés comme «non- essentiels», quand leurs métiers sont en danger, c’est toute notre société qui est en danger, et le monde sans eux, sans ce qu’ils défendent, est un monde dans lequel la vie n’aurait plus aucune saveur, un monde qui fait peur” conclut le photographe.
Les portraits de ces hommes et femmes sont exposés à Besançon sur les panneaux Decaux, comme l'ont été au printemps 2020 ceux des coutières, puis les patrons de bistro. Ces panneaux verticaux, le monde de la culture les occupait avant, pour y annoncer les évènements. “Ça nous a paru normal de les occuper aujourd’hui” explique Antonin Borie. Les acteurs culturels, soutenus par la maire écologiste Anne Vignot, espèrent enfin voir le bout du tunnel. “Par ces portraits, l’idée c’est d’être présent, omniprésent, on veut montrer, qu’il y a des plein de gens en train de crever, et que la réforme de l'assurance-chômage ne concerne pas que nous, que d’autres vont y perdre comme les saisonniers” argumente Antonin Borie. “Les annonces qui viennent d’être faites sur le calendrier de réouverture, c’est bien, ça va mieux, mais on est encore dans l’ornière, on veut que la culture rouvre, mais dans de bonnes conditions, sans jauge, avec des buvettes, sinon autant maintenir les aides” estime le patron de café-concert.
L’exposition "NOS CULTURES NOS FUTURS" 66 portraits d'acteurs culturels sera également visible mi-mai, le 19 mai à la Maison pour L'Image et la Photographie (ex Marulaz) à Besançon.