Besançon : sa boite de nuit fermée, il se relance dans la photographie pour montrer la détresse de sa profession

Pour les gérants de boites de nuit, c'est la désolation. Cela fait un an qu'elles doivent garder portes closes. A Besançon, c'est le cas pour Antonin Borie. Il s'est remis à la photographie, sa passion d'origine. Il met cette passion au service de ses collègues, pour exprimer leur désespoir.

Depuis le confinement de mars 2020, c'est la fermeture forcée pour l'Antonnoir. L'établissement de nuit situé à Besançon subit comme les autres acteurs nocturnes, les conséquences des mesures de lutte contre la Covid-19. Depuis le début de la crise sanitaire, le gérant de cette salle de concert, Antonin Borie, occupe ses journées en revenant à sa passion d'origine : la photographie. A l'occasion de ces un an de cette fermeture forcée, plusieurs de ses collègues ont accepté de poser sous son objectif. Par ce moyen, il veut exprimer sa détresse et celle des acteurs du monde de la nuit. 

Immortaliser la détresse du monde de la nuit

Dans une première vie, Antonin Borie est féru de photographie. L'homme travaillait auparavant sur différents projets artistiques : ils l'amènent peu à peu à organiser des concerts. Dès lors, l'homme se lance dans ce nouveau projet de vie, et délaisse la photo. L'Antonnoir naît. Tout se passe bien, jusqu'à ce confinement du mois de mars 2020. Comme ses collègues, Antonin se retrouve du jour au lendemain avec un établissement de nuit vide. 

Le vide, tout un paradoxe dans un établissement habituellement rempli de plusieurs centaines de personnes qui font la fête. Il faut alors trouver de quoi remplir utilement les longues journées. Pour Antonin, la solution est trouvée : revenir à la photographie. « C'est une passion que j'avais laissée en sommeil depuis plus de 10 ans. Il me semblait alors évident de me relancer dedans, et d'en profiter pour faire des portraits en série. C'est un moyen pour moi d'occuper mon cerveau, de me sauver mentalement. C'est aussi un média qui me permet de m'exprimer », explique le Bisontin. La décision est prise : il reprend son appareil photo, et le voilà reparti.


Ces portraits de ses confrères et consoeurs, c'est une idée qui lui est venue spontanément, en mars 2021. Antonin encaisse près de douze mois de fermeture. Il a l'idée de symboliser le « sentiment de solitude, de détresse et d'abandon » qu'il ressent, en photo, à travers le regard de ses « compagnons de galère ». Lassé de devoir sans cesse expliquer au public et aux médias la situation dans laquelle se trouvent les gérants de boites de nuit, il préfère marquer le coup, en images. 

Inspiré par une série de portraits déjà réalisés dans des bars à Besançon

Antonin Borie concède que cette idée a été impulsée par l'oeuvre de son confrère, Patrice Forsans. Par le passé, le patron du bar bisontin le Marulaz, autant passionné de photographie qu'Antonin, avait auparavant réalisé une série de clichés de gérants de bars. Ils sont eux aussi victimes collatérales de la pandémie de Covid-19. « C’est mon inconscient qui a décidé. Je ne me suis pas dit que j'allais faire comme Patrice, mais son idée de portraiturer (sic) les gérants a dû me donner des idées. L’idée est très bonne, donc je vais faire ça à ma façon », explique Antonin Borie.

"Ces photos nous rapprochent les uns les autres. Nous ne serons plus jamais les mêmes"

Neuf boites de nuit répondent présentes, soit environ une quinzaine de personnes. C’est un projet qui a réussi à fédérer les gérants de boites de nuit du Doubs, estime Antonin : « En dehors des manifestations et des tables rondes avec le Préfet, ces photos nous rapprochent les uns les autres. Nous ne serons plus jamais les mêmes, et cette série de clichés le cristallise ». Le résultat : des portraits de ces hommes et femmes de la nuit, dans ou devant leur établissement. Pour cela, il prend la photo "sur l'instant, et le plus possible à la lumière naturelle". Des clichés en couleur, selon son inspiration : l'idée est de montrer leur état d'esprit, après près d'un an de fermeture forcée.

Pour la plupart, ces photos se font à l'intérieur des boites de nuit. La seule exception, c'est la photographie des patrons du 3ème Club, aux Fins (Doubs). Fred et Gano, c'est leurs noms, ont été photographiés devant leur établissement. Une photo qui est assez représentative, du point de vue d’Antonin. « C’est touchant de voir ce couple voyant son établissement fermé, depuis le parking. Ca accentue ce sentiment de détresse », argumente le photographe bisontin.

Un projet artistique et fédérateur

Pour Fredéric Chapuis, gérant du 3ème Club passé sous l'objectif d'Antonin, l'intiative est très pertinente. « Les photos montrent bien la détresse et la solitude des patrons de boite de nuit, seuls dans leurs établissements, d'habitude pleins de monde et toujours remplis. La façon dont il a pris la photo de notre établissement montrent bien la façade abimée par le froid. c'est très évocateur du sentiment d'abandon », décrit le responsable de l'établissement de nuit.

"On a toujours vécu dans le monde de la nuit, à rencontrer des centaines de personnes. Et du jour au lendemain, on n'a plus personne"

Pas de doute possible, selon lui, sur l'utilité de la démarche. « Ce sont de très belles photos, elles contribuent à fédérer l'ensemble de la profession. Elle essaient de retranscrire notre état d'esprit dépité et l'abandon. Même si on ne sent pas totalement abandonné car on a les réseaux et les aides ». Outre le sentiment d'abandon, Fredéric ressent aussi de la solitude. Sans compter les craintes de se couper du monde. 

« On a toujours vécu dans le monde de la nuit, à rencontrer des centaines de personnes. Et du jour au lendemain, on n'a plus personne. Actuellement, nous nous limitons à voir notre cercle d'amis et la famille, donc pas plus de 30 personnes au total. Avant tout, nous sommes commerçants : nous avons besoin de nous voir et de parler », explique le gérant

Des craintes partagées au niveau local, mais aussi au niveau national. Depuis le début de la crise sanitaire, 430 établissements de nuit ont dû fermer définitivement, d'après le Syndicat National des Discothèques et Lieux de Loisirs. Antonin espère par ce projet sensibiliser l'opinion publique sur leur situation, pour espérer que se termine au plus vite cette « nuit la plus longue ». 

 

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