Nomination de Rachida Dati : "un mépris profond et total" réagit le monde de la culture de Franche-Comté

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L'entrée de Rachida Dati, ex-pilier des Républicains, au sein du gouvernement Attal comme ministre de la Culture fait beaucoup parler. Vendredi 12 janvier 2024, le jour de sa prise de fonction officielle, France 3 a recueilli les réactions des acteurs culturels de Franche-Comté, qui, pour la plupart, accusent le coup. Témoignages.

"Chacun sait que j'aime me battre, n'ayez pas peur". Les premiers mots de Rachida Dati, nouvelle ministre de la Culture du gouvernement Attal, lors de son entrée en poste, vendredi 12 janvier. L'emploi du terme "peur" peut surprendre. Comme si l'ex-membre emblématique du parti Les Républicains (et ancienne Garde des Sceaux de Nicolas Sarkozy) se sentait obligée de rassurer, dès sa prise de fonction. Une précaution révélatrice, qui vient souligner le climat de tension qui s'est développé dans le monde de la culture française à la suite de cette nomination.

Le profil de la ministre de la Culture remis en cause

C'est le cas notamment en Franche-Comté. "C'est terrifiant. Quand j'ai appris ça, j'ai été sous le choc" annonce d'emblée Hervée de Lafond, directrice du réputé Théâtre de l'Unité, à Audincourt (Doubs). "J'ai même dû m'assoir pour encaisser cela. On parle ici de quelqu'un qui n'en a rien à foutre de la culture, qui n'a jamais eu de missions culturelles. C'est un mépris profond et total".

Si tous les acteurs comtois du monde la culture ne sont pas aussi remontés, la plupart partagent l'incompréhension d'Hervée de Lafond. "Ça fait des années qu'on est déçu. Mais là, c'est la goutte d'eau" témoigne Aurélien Bouveret, directeur du label Odeva et programmateur musical du festival de La Paille, organisé à Métabief (Doubs). "Le visage de la culture en France, c'est celui de quelqu'un engoncé dans des affaires judiciaires, qui n'a selon moi aucune connaissance et compétence dans le domaine de la culture".

On sent bien la nomination purement politique. On se sent trahi, tout simplement. Ce n'est pas avec Mme Dati qu'on favorisera la culture pour tous, dans les campagnes, pour les seniors et les milieux défavorisés.

Aurélien Bouveret,

programmateur musical du festival de La Paille

Beaucoup mettent en doute les capacités de la ministre à venir en aide à un monde de la culture en souffrance. "On a besoin d'une politique nationale forte, sur la durée, qui soit alignée sur les valeurs d'ouverture, de rassemblement et de partage que renvoie la culture" estime Aline Chassagne, adjointe à la mairie de Besançon (Doubs) en charge de la culture, du patrimoine historique et musées (Parti communiste). "Et les prises de positions qu'a pu prendre Mme Dati dans sa vie politique chez Les Républicains ne vont pas dans ce sens. On craint le basculement vers une politique culturelle élitiste". 

On avait une ministre formidable avant, Rima Abdul Malak, qui connaissait le théâtre, les arts vivants. Elle savait où elle mettait les pieds, ce qui est quand même le minimum. Elle a eu le malheur de tenir tête au président Macron deux fois, sur l'affaire Depardieu et la loi immigration. Résultat, elle a été chassée.

Hervée de Lafond,

directrice du réputé Théâtre de l'Unité, à Audincourt 

Le nom de la prédécesseure de Mme Dati à la culture, Mme Abdul Malak, revient souvent dans la bouche de nos interlocuteurs. Mais si Matthieu Spiegel, directeur de la salle du spectacle du Moloco, à Audincourt (Doubs), relève "le vrai travail de terrain" et "la connaissance pointue des métiers de la culture" de l'ex-ministre, il ne veut pas pour autant condamner sa successeure. "J'attends de voir. On verra dans quelques mois, je ne peux pas juger maintenant. J'espère qu'il y aura une continuité, car on en a grandement besoin".

Un désir de stabilité partagé par Béatrice Parreil présidente du festival de La Paille. "On en est à notre cinquième ministre depuis le premier quinquennat d'Emmanuel Macron" compte-t-elle. "Cela veut dire qu'on est sans arrêt dans l'incertitude, alors que les modèles économiques de la culture française sont instables, surtout après le Covid".

Des institutions culturelles "dans le grand flou"

Au-delà de la surprise et de l'incompréhension provoquées par la nomination de Rachida Dati, Béatrice Parreil préfère se focaliser sur "le flou qui entoure aujourd'hui la culture française". "Mme Dati a annoncé vouloir "bâtir une nouvelle culture populaire pour tous". Ok, très bien" conclut-elle. "Mais qu'est-ce que ça veut dire ? Comment compte-t-elle mettre cela en place ? On ne sait rien".

Pour conclure son premier discours en tant que ministre de la Culture, Rachida Dati a assuré vouloir défendre "l'exception culturelle" française et la "culture populaire". Des paroles que les professionnels espèrent très vite voir confortées par des actes. Une nécessité, à défaut de voir s'effriter un monde de la culture déjà très fragile.

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