Précarité menstruelle : "Etre femme est difficile quand on est dans la précarité"

Ce jeudi 28 mai est la journée mondiale de la précarité menstruelle. S’acheter des tampons, des serviettes hygiéniques, certains femmes n’en ont pas les moyens. Des associations leurs viennent heureusement en aide. Exemple dans le Doubs à Besançon.
 

Des tampons, des serviettes hygiéniques, des protège-slips… depuis juin 2019, Mélanie Dulize s’investit dans le Haut-Doubs pour l’association féminité sans abri. L’unique antenne en Franche-Comté repose sur ses épaules. Dans cette région frontalière, la jeune femme s’est crée un incroyable réseau solidaire. Dons de particuliers, d’entreprises, elle collecte tout ce qui peut venir en aide au plus démunis.

 «Des femmes qui doivent renoncer à des protections hygiéniques, pour moi c’est intolérable. Cela peut être vecteur de maladies… » nous explique Mélanie Dulize. 

Très investie, la jeune femme répartit les produits dans des trousses qu’elle confectionne elle-même : « entre deux robes pour ma fille je couds une trousse pour Féminité Sans Abri. J’ai de la chance d’avoir des amis pour m’aider ! » Une fois constituées, Mélanie Dulize livre les trousses à une vingtaine d’associations qui en ont besoin, en Franche-Comté essentiellement, mais parfois jusqu’à Nancy et Mulhouse. « Ce qui fait vivre cette solidarité en Franche-Comté, ce sont les dons de particuliers, nous avons trois points où les gens peuvent déposer leurs dons à Pontarlier, aux Hôpitaux-Neufs et rue Battant à Besançon » explique la jeune femme.

Les produits d’hygiène sont ensuite donnés à des associations comme l'Ouvre Porte, la Boutique Jeanne Antide, Solidarités femmes, des associations étudiantes, La Croix-Rouge, le Secours Populaire… « Il y avait vraiment un no man’s land dans les dons sur ces produits d’hygiène, les gens ont le réflexe de donner des paquets de pâtes lors des collectes, mais ils ne pensent pas forcément à faire dons de serviettes hygiéniques » précise-t-elle. Une prise de conscience commence à se faire. « Il y aura toujours des besoins, car ces produits sont des consommables » ajoute Mélanie Dulize qui précise que la Franche-Comté n’est pas la région la plus touchée par le problème de la précarité menstruelle contrairement à la région parisienne ou Marseille où les besoins sont énormes.
 

Migrantes, femmes SDF ou en difficulté, les besoins sont là


A Besançon, les produits collectés par Féminité sans abri sont descendus notamment aux Bains Doubs, la maison de quartier de Battant en plein centre ville sert de point de relais. Certaines associations sont livrées directement, comme la Cimade qui vient en aide aux demandeurs d’asile.

Pour Annette Garcia, ces produits d’hygiène féminine ont une grande importance. Ces dons sont utiles. « Dans nos missions, nous avons des personnes qui sont en attente de titre de séjour et n’ont pas les moyens d’acheter tout cela. Nous avons compris la demande de ces femmes et de ces jeunes filles » explique la permanencière de l’association à Besançon.


Etre propre quand on a ses règles, on se sent femme et plus respectable


« Etre femme, c’est difficile quand on est dans une situation de précarité », ou à la rue. « Ces femmes avant, elles n’avaient rien. On les voyait parfois avec de longues jupes, ou elles lavaient leurs textiles » explique Annette Garcia bien consciente que l’hygiène féminine est difficile à maintenir pour ces femmes prises en charge dans les hébergements d’urgence. « On donne tout ce qu’on peut pour que ces dames soient propres....Parfois, elles nous disent qu’avec juste un parfum, elles ont l’impression d’exister. Se laver, prendre une douche, être propre quand on a ses règles, on se sent femme et plus respectable ». « C’est dur d’être demandeur d’asile. C’est un moment psychologiquement difficile. On sait qu’être femme dans certains pays est déjà difficile. Alors ces dons qui arrivent en France réconfortent les femmes migrantes". Certaines découvrent des produits dont elles ne soupçonnaient même pas l’existence.

Les kits d’hygiène livrés par l’antenne du Doubs Féminité sans abri sont essentiels pour la Cimade. « L’hygiène c’est parfois un luxe pour certains migrants que nous accompagnons. Pour nous cela parait normal. On a vraiment de gros besoins pour ces personnes, les gens n’ont parfois rien pour se laver » déplore la bénévole de la Cimade.

L’association accompagne en ce moment 50 à 60 femmes sur Besançon. Des demandeurs d’asile pour la plupart. Avec l’épidémie de Covid-19, la distribution se fait désormais sur rendez-vous pour éviter d’avoir trop de monde à la permanence. « Nous aidons aussi certains femmes qui sont dans la rue » ajoute Annette Garcia inquiète pour l’avenir. « On a des femmes françaises qui vont être dans la précarité avec cette crise sanitaire, on craint que la demande n’augmente en produits d’hygiène, on a peur que ça s’aggrave » explique-t-elle.


Réduire encore le prix d’achats des protections féminines


Selon l’association Règles élémentaires, 1,7 million de femmes sont victimes de précarité menstruelle en France.

Une femme a 500 fois dans sa vie ses règles. Le Monde a publié une calculette pour estimer le coût des protections féminines pour une femme. Un cout qui est estimé à 1.730 euros dans une vie par la BBC. Des associations estiment ce coût bien supérieur en réalité.


Au 1er janvier 2016, en France, la TVA a été baissée à 5,5 % sur les protections périodiques. Ces protections féminines étaient jusqu’à présent taxées à 20 %, autant que les produits de luxe. Le gouvernement a annoncé l’expérimentation de la gratuité des protections hygiéniques dans plusieurs lieux collectifs.
 

Cette sensation sur la peau, cette humiliation, je ne la souhaite à aucune femme. Cela m’a marqué à tout jamais


Elina Dumont ancienne SDF, comédienne et candidate du PCF aux élections européennes  de 2019 réclame une taxe à 0% sur ces protections. « J’ai passé quinze ans à la rue, il m’est arrivé d’avoir froid et pourtant le plus dur a été ailleurs : devoir prendre du vieux papier journal comme protection hygiénique certains mois parce que je n’avais pas assez d’argent pour m’acheter des serviettes. Cette sensation sur la peau, cette humiliation, je ne la souhaite à aucune femme. Cela m’a marqué à tout jamais » confiait elle dans une tribune publiée dans les colonnes de Libération.

En 2018, l’Ecosse est allée plus loin sur cette question en distribuant gratuitement ces produits d’hygiène aux écolières et étudiantes.
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