Présents dans les plastiques, les perturbateurs endocriniens sont responsables de maladies voire de décès lorsqu'ils sont absorbés par des femmes enceintes ou des très jeunes enfants. Menée depuis plusieurs années par la ville de Besançon (Doubs), la lutte contre ces substances est "simple" mais malheureusement "négligée", estime le chercheur André Cicolella, invité pour une conférence en terre bisontine ce 14 novembre.
Ils ont un nom complexe mais nous accompagnent pourtant partout dans notre vie quotidienne. Les perturbateurs endocriniens, présents dans les matières plastiques, les cosmétiques ou encore les produits d'entretien et les peintures, sont aujourd'hui un "problème de santé publique" puisqu'ils représentent "la première cause de mortalité infantile en France", signale André Cicolella, chimiste-toxicologue et président du Réseau environnement santé (RES). Le chercheur est invité à Besançon le 14 novembre pour participer à une conférence au Kursaal à 18 heures.
Pourquoi les perturbateurs endrocriniens sont-ils dangereux ? "Ce sont des composés organiques qui ont des rôles plastifiants, comme le parabène, les polycarbonates, les phtalates, les bisphénols, énumère André Cicolella. Les revêtements de sol en PVC, omniprésents en France, sont par exemple composés entre 20 et 40 % de phtalate, qui est semi-volatile à atmosphère ambiante, mais produit des microparticules sous l'effet de la chaleur. Ces particules sont les premiers composés de la poussière domestique." Le corps humain absorbe ces poussières artificielles tous les jours, et est heureusement capable de les éliminer.
Risque pour les enfants et la grossesse
Ces perturbateurs posent souci lorsqu'ils contaminent une femme enceinte ou un enfant en bas âge. "Ce n'est pas la dose qui fait mal, mais le moment de la contamination," résume André Cicolella.
En effet, ces substances chimiques absorbées par l'embryon ou le nourisson perturbent son équilibre hormonal lors de son développement, provoquant des pathologies (asthme, troubles de l'attention) voire une naissance ou un décès prématurés. "La caractéristique des perturbateurs endocriniens, c'est qu'une exposition pendant la grossesse va avoir des répercutions sur la santé de l'enfant à naître, mais aussi des éventuels petits-enfants," poursuit le toxicologue.
Une étude menée sur dix ans en Suède a prouvé que le risque d'asthme chez un enfant est doublé lorsque le sol de la chambre de ses parents est en PVC.
André Cicolellachercheur en chimie et toxicologie
La France est passée de la 3e plus faible mortalité infantile derrière la Suède et la Finlande en 1995, au 21e rang aujourd'hui, avec près de 8 100 nourissons décédés dans leur première année de vie sur la période 2019-2021.
Les perturbateurs endocriniens ne sont pas la seule cause de ces décès, mais y participe grandement. André Cicolella ose une comparaison : "vous imaginez l'émoi que susciterait un accident de car coûtant la vie à 200 enfants et ce, chaque mois ? A priori, tout le monde est contre la mort prématurée d'enfants. Le problème, c'est que la mortalité infantile est invisible en France. Elle est vécue comme un problème purement individuel."
Une lutte facile mais trop méconnue
Le chercheur se veut néanmoins rassurant : il est "simple" de diminuer l'utilisation des perturbateurs endocriniens "de façon considérable", et cela passe par la prévention du grand public et des collectivités locales. C'est le but des opérations de sensibilisation que le Réseau environnement santé (RES) vient de mener dans une trentaine de lycées d'Île-de-France - région la plus touchée par les perturbateurs - et son intervention à Besançon en ce mois de novembre.
La ville de Besançon a commencé cette lutte depuis déjà plusieurs mandats, notamment en interdisant d'utiliser des produits phytosanitaires pour l'entretien des voiries et des espaces verts. En 2020, elle s'est engagée à suivre la charte "zéro perturbateurs endocriniens" initiée par le RES.
"Un gros travail a été réalisé dans les crèches et les écoles, au niveau des matériaux et des produits utilisés, expose Gilles Spicher, adjoint à la maire en charge de la santé et de l'hygiène. On privilégie le bois au plastique, les couches lavables aux jetables par exemple. Et cela passe par la formation du personnel."
Paraphrasant presque André Cicolella, l'élu estime qu'à Besançon, "la question de la santé doit être transversale". "On doit agir à titre préventif, et cela touche l'ensemble des politiques publiques, celles des espaces verts, de la petite enfance, du scolaire, de la médecine du travail. (...) Il est nécéssaire de relier la santé aux questions d'environnement."