Le compte à rebours est lancé. En Franche-Comté, l'activité dans les bars et restaurants va pouvoir reprendre le 19 mai, en terrasse et à demi-jauge. A quelques jours de la réouverture, les gérants sont partagés entre envie, joie et amertume.
Derrières les portes de son établissement fermé, Sarah Fassot-Gauthier n'a pas le temps de s'ennuyer. La gérante de l'Éphéméride, un bar situé en plein coeur de Besançon, est en train de réceptionner ses commandes et de reconstituer ses stocks. Impatiente et heureuse de rouvrir "pour se remettre dans le bain" la professionnelle confie aussi son angoisse de devoir composer avec bon nombre d'aléas. A commencer par la météo. Avec à peine plus de 10 °C et quelques averses annoncés, le temps ne sera pas franchement du côté des commerçants. "Quand ça veut pas ça veut pas ! On va s'organiser au jour le jour pendant ces trois semaines, car nous n'avons pas la possibilité d'abriter nos tables extérieures".
Après plus de six mois de fermeture, le 19 mai, l'activité des bars et restaurants pourra reprendre partout en France mais uniquement en terrasse et à 50 % de la jauge habituelle. La représentante du collectif BBRBU (Bars, boites, restos de Besac unis), association créée en pleine crise sanitaire, ne cache pas ses inquiétudes. Au-delà de cette jauge imposée, elle s'interroge sur la distanciation à appliquer entre chaque table. "On navigue sans cesse à vue, après de longs mois d'inactivité c'est usant" ajoute-t-elle.
Le choix raisonné de l'abstention
Contrairement à elle, d'autres établissements préfèrent attendre le 9 juin pour remettre le couvert. Au Bistrot le Tandem, sur les quais bisontins, Acylone Bret est plutôt désabusée. En temps normal, à cette période, elle emploie près de dix personnes. "On ne se sent pas du tout de rouvrir dans ces conditions". Avec un couvre-feu à 21 heures et l'interdiction du service au bar, la restauratrice préfère retarder l'échéance. "Je n'ai pas envie d'imposer un créneau aux gens, de devoir choisir nos clients, ce n'est pas l'esprit de nos établissements" expose-t-elle. Psychologiquement, la reprise sera difficile pour elle, "me confronter à nouveau à la foule, au bruit me fait un peu peur, je ne suis plus de tout habituée".
"On a besoin de renouer le contact avec nos clients"
Même appréhension du côté du Marulaz quelques rues plus loin. Même si l'envie de renouer le contact avec les clients est forte, Patrice Forsans sait que ce protocole fera des mécontents. "Les places seront limitées, nous devrons sans cesse refuser du monde, cela risque de créer une certaine frustration voire de l'animosité" déplore le gérant. Entre les deux confinements, ce professionnel a pris le temps de remettre en question son modèle de fonctionnement. Il a décidé de transformer son bar en un lieu dédié à la photographie et à l'image. Rebaptisé "Maison pour l'image et la photographie", dès sa réouverture le 19 mai, l'établissement proposera une première exposition, des portraits d'intermittents réalisés par Antonin Borie.
Sa petite terrasse (moins de 8 tables) pourrait garder sa capacité d'accueil complète à condition d'installer un plexiglas ou un paravent entre les clients. Une mesure imposée par l'exécutif à la demande de certains professionnels. Inapplicable selon le gérant du Marulaz : "on ne peut pas se permettre d'investir dans des plexi en sachant qu'on ne les utilisera peut-être que trois semaines..". En divisant par deux sa jauge en terrasse il pourra installer 20 à 24 places assises tout au plus. "Clairement on ne fait pas tourner un bar avec cette jauge" lance-t-il, lucide. Avec le complément d'aides apporté par le fonds de solidarité, il espère maintenir sa trésorerie à l'équilibre. La question de l'installation des vitabris pour faire fi des aléas météo s'est également posée. "Les services de la mairie ont répondu que cela posait un problème de sécurité pour le passage des véhicules de secours et de préservation du patrimoine historique" précise Sarah Fassot-Gauthier.
La météo aura le dernier mot
Du côté de l'auberge de la Malate, aux portes de Besançon, Gilles Gualano a les yeux rivés sur le bulletin météo et l'estomac noué. Très spacieuse, la terrasse ombragée au bord du Doubs peut accueillir en temps normal plus de 150 personnes. Pour les trois premiers jours d'ouverture le patron de ce restaurant a enregistré déjà 150 réservations. Il est prêt à se remettre en route et a prévu de réembaucher six de ses 12 personnels habituels. "L'an passé le 2 juin à la réouverture nous étions complet, le lendemain il a plu et nous n'avons plus eu personne avant le 25 juin au retour du beau temps". Par expérience, il ne se réjouit pas trop vite et sait que la météo aura le dernier mot. "Des réouvertures en terrasse c'est très bien sur le littoral, mais chez nous c'est un véritable casse-tête" renchérit Bernard Champreux, représentant de l'UMIH (Union des métiers et des industries de l'hôtellerie) en Bourgogne-Franche-Comté.
Les difficultés de recrutement
A quelques jours de la réouverture des terrasses, la question des recrutements se pose également. Durant la crise sanitaire, les reconversions se sont multipliées dans les métiers de l'hôtellerie et de la restauration. "Beaucoup ont changé de profession, préférant fuir nos métiers..on devrait s'en inquiéter…", insiste Bernard Champreux de l'Umih. Dans un contexte sanitaire peu favorable, l'activité des restaurants et bars devrait donc reprendre timidement le 19 mai.