"On a tous perdu des salariés" : à la réouverture, la restauration-hôtellerie redoute le manque de main d'oeuvre

Après des mois de fermeture, les restaurants se préparent à la réouverture le 19 mai, mais les chefs d'entreprise sont inquiets : les salariés ont déserté ces métiers, préférant des conditions de travail leur permettant "une vie normale." Tous les métiers sont concernés, en salle ou en cuisine.

 

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Ils sont inquiets, ces professionnels qui gèrent des hôtels-restaurants ou des restaurants : comment préparer la reprise de la saison avec moins de personnel qualifié ? Déjà, certains de leurs salariés ont quitté l’entreprise, lors du premier confinement en 2020 ou cette année.

Le lycée hôtelier Friant de Poligny dans le Jura reçoit des propositions de postes

En Bourgogne-Franche-Comté, le grand centre de formation du personnel pour l’hôtellerie et la restauration, c’est Poligny dans le Jura et son lycée hôtelier Hyacinthe Friant

Maryline Poinsot y est chargée des formations professionnelles et technologiques. Elle reconnaît que les patrons de restaurants et d’hôtels sollicitent beaucoup l’établissement, pour embaucher de jeunes diplômés : « En cette période, c’est toujours le cas, mais cette année, nous recevons beaucoup plus de demandes, par téléphone ou par mail, concernant tous les métiers, même en cuisine."

On voit aussi sur les réseaux sociaux, comme Facebook, que même de grandes maisons sont en recherche de personnel. C’est inhabituel. »

Maryline Poinsot, chargée des formations au lycée Friant de Poligny

La formation a été compliquée, notamment les stages ont été difficiles à trouver. Mais, continue Maryline Poinsot : « On s’est adapté. On a formé les jeunes comme il fallait. On a organisé une journée « Objectif Emploi » en visio pour mettre en relation les élèves et les entreprises, c’est ça qui est difficile compte tenu de la période : garder un lien avec les entreprises. D’habitude, un jeune effectue son stage de trois ou quatre semaines dans un établissement, en juin. Puis, si tout va bien, il est embauché en juillet ou en août, en CDD ou en CDI. Cette année, ce n'a été possible que trop rarement. »

Les rencontres entre les élèves et le milieu professionnel ont été moins fréquentes. Les responsables d’entreprise, eux non plus, n’ont pas pu « évaluer » leur salarié potentiel.

Les métiers de la restauration et de l’hôtellerie sont-ils en perte de vitesse ? Maryline Poinsot ne se plaint pas du recrutement pour la prochaine année scolaire « On a de la demande mais, c’est vrai, que les jeunes recherchent une vie plus sociable, avec les week-ends à la maison, ou avec des soirées et des horaires normaux, comme tout le monde, ce qui n’est pas possible dans ces métiers… »

Restaurants recherchent salariés désespérement

Ah, les fins de semaine chez soi, en famille… tout comme les jours fériés et les soirées ! Les professionnels savent bien que cette volonté de « vie comme tout le monde » détourne de nombreux jeunes ou même moins jeunes déjà travaillant dans les restaurants.

On a tous perdu des salariés : ils ont démissionné pour un autre métier, moins contraignant.

Patrice Franchini, président de l'UMIH pour le Jura

Même constat pour Patrice Franchini, du restaurant « Le Moulin des écorces » à Dole dans le Jura, et président de l’UMIH (Union des Métiers de l’industrie Hôtelière 39) : « C’est une angoisse, ce manque de main d’œuvre. L’un de mes salariés est parti, après 12 ans de maison, pour un autre métier. Il voulait voir autre chose, changer de vie. Le phénomène touche plus les métiers de salle que la cuisine» dit-il.

C’est un métier de chien, la restauration ! Mais moi, je l'adore, mon métier !

Philippe Feuvrier, L'Auberge de la Roche à Morteau

Philippe Feuvrier n’y va pas par quatre chemins. Il tient l’auberge de la Roche à Morteau dans le Haut-Doubs. Le président de l’UMIH pour le Doubs travaille depuis 43 ans, et devrait être en retraite, mais la passion de la cuisine le fait toujours s’activer derrière ses fourneaux.

Lui, il affirme : « Souvent, le choix des métiers de la restauration se fait par défaut. Ce n’est pas toujours un véritable choix. C’est dommage parce que c’est très exigeant, ce métier, alors autant l’aimer ! »

Il avoue rémunérer ses salariés au-dessus du marché « pour les garder ». D’autant plus, que la Suisse, très généreuse, est toute proche.

Il confirme : « Tous les postes sont très demandés, des chefs de rang, des pâtissiers, des femmes de ménage, des cuisiniers… »

Comme Maryline Poinsot, Philippe Feuvrier a une explication sur cette pénurie : « Les gens veulent vivre normalement… »

Même raison invoquée par Richard Millerant, à Vesoul en Haute-Saône, patron de la brasserie « Nulle part ailleurs », et responsable de l’UMIH de Haute-Saône :  "Oui, on perd des salariés. Ils trouvent autre chose. Avec le confinement et le chômage partiel, ils se rendent compte qu’une autre vie est possible ! »

Une reprise de l'activité, oui, mais pas tout de suite...

Ces professionnels sont innquiets pour la reprise de la saison, mais ils se donnent encore du temps. Le 19 mai, les terrasses pourront être ouvertes, en demi-jauge seulement. Le 9 juin, ce sera la réouverture totale.

"La moitié environ des restaurateurs va attendre cette date du 9 juin, surtout avec un couvre-feu jusqu’à 21 heures. On patiente un peu, histoire de voir la réaction des gens. En Franche-Comté, on est trop tributaire du temps pour ouvrir les terrasses et renvoyer les clients chez eux s’il pleut ! » ajoute Patrick Franchini.

Bernard Champreux est responsable pour la Franche-Comté de l’UMIH. Il tient le restaurant « Le Mastroquet » à Gray en Haute-Saône : « Mon sentiment, c’est qu’il n’y aura pas d’engouement avant le 30 juin, à cause de la météo.» « Le Mastroquet » comme le « Nulle Par Ailleurs » proposent des soirées cabaret, ces animations seront relancées seulement quand le couvre-feu sera levé.

Tous attendent la réouverture avec impatience, comme les clients d'ailleurs, mais pas à n'importe quel prix. Ouvrir les terrasses et ne les remplir qu’à moitié à cause des restrictions sanitaires, mais avec du personnel, les professionnels jugent qu’un problème de rentabilité se pose.

Alors, de nombreux restaurateurs se donnent jusqu’au 9 juin pour lancer la saison. Vraiment et pas à moitié.

Richard Millerant et son épouse vont devoir eux, changer de rythme : « La reprise après 7 mois d’arrêt pour certains salariés, ça va être difficile. Il faudra remettre la machine en route. On travaille, ma femme et moi, que 40 heures par semaine en ce moment, avec le click and collect, un mi-temps en fait, parce que d’habitude, c’est 80 heures. Alors même nous, il va falloir qu’on se remette en route ! » concède le restaurateur.

 

 

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