Soignants non vaccinés : “Je veux la reconnaissance que tout cela a été inhumain”, à Besançon, une soixantaine de "suspendus" portent plainte au pénal

Infirmière, psychologue, médecins... L’obligation vaccinale imposée aux soignants depuis le 15 septembre 2021 a laissé un certain nombre de personnels sans travail, leur contrat suspendu. Certains ont retrouvé un autre emploi. D’autres espèrent une réintégration. En Franche-Comté, certains ont, en attendant, décidé de se battre, en déposant plainte au pénal.

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La plupart des soignants ont fait le choix de la vaccination, par conviction, ou du fait de l'obligation vaccinale imposée par le gouvernement. Pour d'autres, se faire vacciner contre le covid-19 n'était pas envisageable. Ils ont été suspendus de leurs fonctions.

“J’espère qu’on sera entendus"

7 mois et demi. Sans pouvoir exercer son travail au CHU de Besançon. Zoé* infirmière n’a rien oublié du 15 septembre 2021. L'incrédulité de la suspension a pris fin quand son facteur lui a fait signer le recommandé de sa lettre de suspension. Elle ne croyait pas que cet hôpital en mal de personnels puisse mettre sur la touche les siens parce qu'ils n'adhéraient pas à la vaccination. Aujourd’hui, cette infirmière poursuit son combat au pénal. “J’espère qu’on sera entendus avec cette plainte massive après cette période d’oubli. Il y en a plein qui pensent qu’on est soit réintégré, soit indemnisé, soit déjà dans d’autres boulots avec des allocations alors qu’on a rien de tout cela” confie-t-elle. Après avoir contracté le covid-19 (qui équivaut à être vacciné), cette infirmière effectue pour l’instant des missions d’intérim. Elle n’a pas retrouvé son poste au CHU de Besançon. “Cela va faire 7 mois et demi, ça va mieux, mais j’ai encore énormément de colère de l’injustice” ajoute la soignante.

Psychologue libérale, elle est aujourd’hui vendeuse en grande surface

Nous l’appellerons Elisa*. Elle recevait des patients en libéral. Son refus de se faire vacciner l’a contraint à dévisser un jour elle-même sa plaque de professionnelle. Un moment violent, douloureux. Dès le lendemain de sa suspension, elle s’est mise en quête de travail. Elle a trouvé dans la grande distribution. Intérimaire. Puis CDI. Avec des petites payes à trois chiffres qui l’ont mené à fréquenter la banque alimentaire. “Aujourd’hui, je sais ce que c’est de vivre en tant que travailleur pauvre, de faire un travail, très difficile. Je suis très reconnaissante des personnes qui m’ont permis de retrouver du travail malgré mon âge, malgré mon histoire” confie-t-elle. Celle qui a fait des études pour devenir psychologue, ne désespère pas de reprendre à terme son activité normale. Elle explique “ne pas regretter son choix, ne pas regretter par rapport à l’expérience qu’elle est en train de vivre”. Elisa* a elle aussi porté plainte au pénal.

Une soixantaine de plaintes déposées au pénal par deux avocats de Besançon

Ces deux dossiers sont entre les mains de Me Anne-Sylvie Grimbert et Me Fabien Stucklé, avocats à Besançon. Ils ont déposé plainte contre X au pénal auprès des procureurs de Besançon, Vesoul et Lons-le-Saunier. Une procédure lancée pour une soixantaine de soignants de tous profils, infirmiers, aides-soignants, médecins, psychologues, secrétaires médicales, ostéopathes…

Ces soignants non vaccinés ont été suspendus après la loi du 5 août 2021 qui prévoit l’obligation vaccinale contre le covid-19 pour pouvoir exercer une activité dans le milieu médical ou dans un Ehpad par exemple.

Leur plainte s’appuie sur deux arguments, l’abus d’autorité, et l’extorsion de consentement, car ces soignants n’ont plus eu de libre de choix sur le vaccin du covid-19.

On a besoin de nos soignants, et dans le même temps, on leur demande de ne pas venir travailler, il a quelque chose qui ne va pas.

Me Anne-Sylvie Grimbert, avocate à Besançon

“Il y a des soignants qui depuis le 15 septembre 2021 ne travaillent plus. Certains ont traversé la rue comme disait Mr Macron pour chercher un autre emploi, dans un rayon de charcuterie, ou en horticulture. Ils n’ont droit à rien pendant cette période-là. On se passe de la compétence de ces gens-là, et de leur expérience. Et ces gens-là, on les cloue au pilori, ils n’ont plus rien pour survivre alors qu’on se souvient que ces gens-là, on nous a demandé de les applaudir au premier confinement” explique Me Anne-Sylvie Grimbert.

L’avocate est consciente que la procédure peut prendre, des mois, voire des années. Elle s’insurge contre cette loi du 5 août 2021 toujours en vigueur et de la violence qu’elle a entraîné contre les soignants. “En tant qu’avocate, quand j’ai lu la loi, je me suis dit que ce n’est pas possible. Il faut vraiment qu’on se réveille en tant que juriste pour critiquer cette loi, dire qu’on est allé beaucoup trop loin. La France est un des très rares pays au monde à avoir été aussi loin dans la violence faite à nos soignants. Il faudra rendre des comptes un jour” estime l’avocate.

Cette dernière ne perd pas espoir. “On a quelques décisions de Conseil de prudhommes qui ordonnent la réintégration de soignants même s’ils ne sont pas vaccinés. Les lignes bougent, c’est notre travail de juriste de continuer” confie Me Grimbert.

Vers une réintégration des soignants suspendus, Emmanuel Macron évoque cette hypothèse

En France, à ce jour, le masque et le pass sanitaire (présentation d'une preuve vaccinale, d'un test négatif ou d'un certificat de rétablissement) seront toujours exigés dans "les établissements de santé, les maisons de retraite, les établissements accueillant des personnes en situation de handicap qui sont particulièrement fragiles", de même que "l'obligation vaccinale, qui s'applique aux soignants".

En déplacement dans les Hautes-Pyrénées, vendredi 29 avril, le nouveau président de la République a été interrogé sur la réintégration des soignants suspendus. «Quand on ne sera plus en phase aiguë [de l'épidémie, ndlr], on le fera», a indiqué le chef de l'État au Français qui l'interrogeait. «Vis-à-vis des autres soignants qui se sont fait vacciner, qui ont fait l'effort aussi, déontologique, qui a été porté par les ordres médicaux, on ne peut pas, alors qu'il y a encore des cas, réintégrer tout de suite», s'est-il justifié. «On est aujourd'hui en train de continuer à descendre» la courbe des cas, mais il est encore trop tôt, a semblé indiquer Emmanuel Macron. «Si ça continue de baisser dans les prochaines semaines, on ira dans cette direction», a-t-il ajouté, lors de ce déplacement.

*Les prénoms ont été modifiés

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