Son vol pour Nouméa annulé, une Franc-Comtoise bloquée à Tokyo à cause des émeutes en Nouvelle-Calédonie

Anna tente de rejoindre en urgence son père atteint d'un cancer, en Nouvelle-Calédonie. Partie de Paris mardi 14 mai, sa correspondance prévue pour Nouméa a été annulée. En cause, les émeutes sur fond de réforme constitutionnelle qui secouent la collectivité française depuis le lundi 13 mai. De sa chambre d'hôtel, l'étudiante bisontine suit la situation avec grande inquiétude.

"Il y a une semaine et demie, on lui a découvert un cancer métastasé au foie. J’avais pris des billets flexibles, mais son état s’est dégradé, donc j’ai cherché à partir plus tôt."

À plus de 16.000 kilomètres et 9 heures de décalage horaire, Anna, originaire de Nouvelle-Calédonie et étudiante à l'Université de Franche-Comté depuis 4 ans, apprend que son père, âgé de 70 ans, pourrait mourir dans les prochaines heures.

Situation insurrectionnelle sur l'archipel 

Elle parvient à trouver un billet d'avion ce mardi 14 mai pour Nouméa, la capitale, avec correspondance à Tokyo, au Japon. Mais au même moment, des émeutes éclatent en Nouvelle-Calédonie : la collectivité française est l'objet d'une réforme constitutionnelle, qui vise à élargir le corps électoral de l'archipel et suscite de nombreuses tensions entre loyalistes et indépendantistes.

Sur place, des violences urbaines, des routes coupées, et l'aéroport international de Nouméa qui annonce sa fermeture, et l'annulation de tous les vols. 

"Je l’ai appris juste avant d’embarquer, explique Anna à France 3 Franche-Comté par WhatsApp, depuis son hôtel, près de l'aéroport à Tokyo. J’ai découvert dans l’avion que j’étais la seule à avoir fait le choix d’embarquer." Pour l'étudiante Franc-Comtoise de 29 ans, la priorité était de se rapprocher de sa famille. "Vu que j’essaie de retrouver mon père, je me suis dit que c’était déjà la moitié du chemin". "Là, je suis un peu rassurée, mais au moment où je décollais, [ma mère] m’a dit d’envoyer mes derniers messages, il a eu une insuffisance respiratoire." 

Dans l'avion, le wifi lui permet de prendre connaissance de la situation sur place et d'échanger avec ses proches. Elle contacte Pierre, un ami de l'Université, lui demande comment elle peut faire pour alerter les autorités, pour obtenir des informations sur l'évolution de la situation à Nouméa. "Je lui dis, 'est-ce que tu as la moindre idée de ce que je peux faire' ?"

À l'heure actuelle, nous n'avons aucune information sur les conditions d'accueil ou de rapatriement. Nous demandons une réaction rapide du Ministère.

Pierre, étudiant à l'Université de Franche-Comté

Dans un email adressé à France 3, Pierre fait lui aussi part de ses inquiétudes. "Nous demandons que les Calédoniens et Calédoniennes actuellement bloqués en transit pour Nouméa soient accueillis sur le sol calédonien par un dernier vol, pour être avec leurs proches dans ce moment difficile. Pour ce qui est de ma collègue, les heures sont comptées."

"Le vol n'est pas reprogrammé. C’est ça qui nous stresse."

À son arrivée à Tokyo, Anna ne peut que vérifier l'information dont elle dispose déjà : sa correspondance pour Nouméa, prévue ce mercredi 15 mai avec une arrivée à 22h30 locale (13h30 à Paris, NDLR) est bien annulée, sans plus d'information. Au comptoir d'Aircalin, la compagnie qui devait affréter le vol, Anna rencontre plusieurs Calédoniens, en transit pour Nouméa également, mais depuis le Vietnam.

"Je craignais de me retrouver la seule à Tokyo", raconte la jeune étudiante. "Ça m’a énormément rassuré". Ensemble, ils découvrent que la compagnie aérienne n'a aucun dispositif prévu.

"Ils nous ont dit que comme ce sont des circonstances extérieures, la compagnie ne peut pas prendre en charge". Une désillusion pour Anna, qui espérait davantage de garanties : "C’est quand même Air France et Aircalin, j’avais embarqué confiante à Paris, en me disant que ce n’était pas possible qu’on nous débarque."

Seul conseil de la compagnie, "Suivez en ligne ce qu’il se passe", les vols "pourraient reprendre samedi" : "C’était un peu lunaire", "on nous a juste fait sortir de l’aéroport", évoque Anna. 

Ce qui est plus inquiétant, c’est que je n’ai pas des ressources illimitées, il faut payer hôtel et repas à Tokyo.

Anna, étudiante Franc-Comtoise en transit à Tokyo

La recherche d'un hôtel débute alors, Anna trouve une chambre non loin de l'aéroport. "Je me suis effondrée en arrivant. J’étais vraiment stressée." Heureuse surprise, elle rencontre d'autres Calédoniens, bloqués eux aussi. Solidaires, ils partagent les informations en leur connaissance et lisent les nouvelles, effarantes, de Nouvelle-Calédonie.

Entretemps, un couvre-feu est mis en place pour la nuit du 14 au 15 mai, et la situation se dégrade fortement, alors qu'à l'Assemblée nationale, la réforme est adoptée. Depuis ce mercredi 15 mai, l'état d'urgence a d'ailleurs été instauré par l'État. 

[Une reprise des vols] samedi, c'est optimiste, tout est en train de brûler.

Anna, étudiante Franc-Comtoise en transit à Tokyo

"On reçoit des vidéos de nos proches, ça va en empirant, il y a déjà deux morts", craint Anna. "Là, c'est vraiment très inquiétant, mes amis d’enfance sont barricadés chez eux." Lucide, Anna sait qu'il est loin d'être évident de saisir la réalité des événements sur place : "Des amis entendent des détonations, mais il est difficile de savoir ce qui se passe."

Pendant ce temps, la mère de la jeune femme est au chevet de son mari, au Médipôle : "Elle reste dormir là-bas, car ce n’est pas une bonne idée de circuler." Anna, quant à elle, espère de toute son âme que l'état de son père ne se dégradera pas de nouveau. "Ça va mieux, mais c’est très incertain, lui confie sa mère par téléphone. Il est conscient. Il t’attend."

Dans l'incertitude la plus totale, Anna attend, dans sa chambre d'hôtel. "Je regarde Calédonie la 1ʳᵉ". Elle tente le numéro d’écoute du ministère, "qui porte bien son nom", lâche-t-elle, désabusée. 

Seule lueur d'espérance pour Anna, retrouver sa famille, à qui elle n'a pas rendu visite depuis deux ans, et pouvoir dire au revoir à son père. 

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