Suicides à France Télécom : "les ex-dirigeants sont condamnés, mais cela ne ramènera pas mon frère"

Le tribunal de Paris a rendu sa décision. Il condamne pour harcèlement moral la société et trois anciens dirigeants de France Télécom dont l'ancien patron Didier Lombard. Des peines prononcées qui déçoivent Vincent Grenoville dont le frère s'est suicidé en 2009 à Besançon (Doubs).   

10 ans. 10 ans que son frère est mort. Nicolas Grenoville s'était donné la mort avec un câble France Télécom. Il travaillait à Besançon. Âgé de 28 ans, Nicolas Grenoville s'est pendu le 11 août 2009 dans son garage, en chemise de travail et avec un câble du travail. Il est le 20e salarié de France Télécom à avoir choisi le suicide. Dans une lettre, il expliquait son geste : «Mon job me fait souffrir. […] Je ne supporte pas ce job et France Télécom s’en fout. […] Aujourd’hui, on m’a méprisé, insulté, engueulé. J’ai appelé au secours. Les gens s’en foutent. […] Je suis en colère contre l’entreprise.»

Son frère Vincent a pris connaissance de la décision du tribunal correctionnel de Paris au terme de près de deux mois de procès de mai à juillet 2019, le tribunal a reconnu coupable l'entreprise et trois de ses cadres  pour avoir mis en place une politique de réduction des effectifs "jusqu'au boutiste" sur la période 2007-2008. Plusieurs salariés de France Télécom s'étaient suicidés. France Télécom devenu Orange depuis était devenu le symbole de la souffrance au travail.


L'ancien patron Didier Lombard, l'ex numéro 2 Louis-Pierre Wenès et l'ex DRH Olivier Barberot ont été reconnus coupable de harcèlement moral. Ils sont condamnés  à 1 an de prison dont 8 mois avec sursis et 15 000 euros d'amende. Trois autres cadres qui étaient poursuivis sont reconnus coupables de complicité.
 

Ces gens là sont intouchables


Vincent Grenoville n'attendait pas grand chose du procès qui a duré plusieurs semaines. Le jugement du tribunal est une déception à laquelle il s'attendait. "Le réquisitoire était pourtant à charge, avec des milliers de pièces contre la société et les dirigeants. Clairement, c'est une déception... À titre personnel, cela ne ramènera pas mon frère, juste que cela ne se reproduise pas" confie Vincent Grenoville joint à Lyon par téléphone. "Ces gens-là ne font pas partie de la même classe que nous. Ils ont des connaissances. Ils sont intouchables. Leurs peines sont amoindries. Malheureusement, en France, il y a une justice à plusieurs vitesses, on en fait les frais" déplore-t-il. 

 



En 2005, Nicolas Grenoville travaillait à France Télécom comme technicien réseau. En 2008, son poste est supprimé et passé à la sous-traitance. L'homme est affecté à la maintenance chez les particuliers, un nouveau poste qu'il va mal, moins valorisant, moins bien payé. Il cumule les heures supplémentaires. Et bascule dans un état dépressif.
 


"Son suicide m'a fait énormément de mal. C'est un jeune qui avait l'âge de mon fils aîné. Cela aurait pu arriver à mon aîné s'il avait travaillé dans une entreprise lui mettant la pression. C'est dur à encaisser" confiait Alain Girardet, un ancien de ses collègues en 2019 au moment de la tenue du procès France Télécom. 

Vincent Grenoville regrette que le procès des suicides de France Télécom n'ait pas permis de juger les petits cadres qui faisaient tourner la boutique dans les régions. "J'ai le regret que les personnes qui ont directement harcelé mon frère à Besançon, que ces gens ne soient pas inquiétés. C'est scandaleux" ajoute Vincent Grenoville. "10 ans à attendre, cela a été long, très long. 10 ans, ce n'est juste pas possible vis-à vis des victimes. Je pense qu'ils vont faire appel, ils auront du sursis" lance Vincent Grenoville. L'avocat de l'ex-PDG Didier Lombard a annoncé que ce dernier ferait bien appel de la condamnation.





 
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