Nicolas Grenoville, qui dénonçait des pressions au travail, s'était donné la mort en 2009, comme des dizaines d'autres salariés de l'entreprise. Le procès des anciens dirigeants de France Télécom se déroule à Paris jusqu'au 12 juillet.
Il est le « vingtième suicidé » de France Télécom, celui qui s'est donné la mort à son domicile, vêtu de ses habits de travail, un câble produit par son entreprise autour du cou. Terrible image que celle de Nicolas Grenoville, 28 ans, retrouvé sans vie à Besançon. Il travaillait pour France Télécom depuis 2005.
Son souvenir, comme tant d'autres, hante le procès sans précédent qui s'est ouvert à Paris à l'encontre des anciens cadres de France Télécom, jugés pour harcèlement moral après la vague de suicides ayant fait soixante morts au sein de la société entre 2008 et 2010.
Nous avons retrouvé un ancien collègue de Nicolas Grenoville. Alain Girardet, c'est son nom, travaille toujours chez Orange (ex-France Télécom). Son témoignage est bouleversant :
Son suicide m'a fait énormément de mal. C'est un jeune qui avait l'âge de mon fils aîné. Cela aurait pu arriver à mon aîné s'il avait travaillé dans une entreprise lui mettant la pression. C'est dur à encaisser.
La chronologie
Peut-être encore plus que les suicides précédents, la mort de Nicolas Grenoville en août 2009 a mis le feu aux poudres. Moins d'un an après les faits, l'inspection du travail s'est penchée sur son cas, livrant un rapport sans concession au procureur de la République.
Pour la première fois, la direction de France Télécom est officiellement mise en cause : il existerait bien un lien entre le suicide du salarié bisontin et ses conditions de travail au sein de la société.
L'avis de l'inspection du travail va alors à l'encontre des conclusions du parquet de Besançon.
Le 30 mars 2011, c'est au tour de la caisse primaire d'assurance maladie de reconnaître l'origine professionnelle dans le suicide de Nicolas Grenoville : mobilité professionnelle imposée, absence de formation et augmentation des cadences, le rapport est là aussi sans équivoque.
Un procès hors norme
Dix ans après la première plainte déposée, il s'agit aujourd'hui de déterminer si les anciens cadres d'une des plus grandes entreprises publiques de France (100 000 salariés à l'époque !) ont bel et bien mis en place une politique « visant à déstabiliser les salariés et à créer un climat professionnel anxiogène ». La qualification est inédite, historique.
Le procès est censé s'achever le 12 juillet.