Témoignage. "À l’extérieur, on ne voit rien, à l'intérieur, je suis en vrac", deux ans après son AVC, Philippe témoigne

Publié le Mis à jour le Écrit par Mélanie Philips

À 63 ans, Philippe Nicolas est victime d'un AVC alors qu'à peine une semaine avant, on lui avait diagnostiqué un trouble du rythme cardiaque. À l'occasion de la journée mondiale de l'accident vasculaire cérébral, il revient sur ce drame qui a changé sa vie.

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Philippe Nicolas a 63 ans quand il fait un accident vasculaire cérébral (AVC). Amateur de treks, gros travailleur, chef d'entreprise, sa vie a basculé en une fraction de seconde. Alors qu’il était en voiture, il sent que quelque chose ne va pas. Il s’arrête sur le parking d'un magasin dans la zone de Chateaufarine à Besançon (Doubs). "Quand j’ai voulu sortir de la voiture, j’ai essayé d’ouvrir la portière, mais mon bras gauche ne fonctionnait plus. Je suis tombé au sol, j’ai appelé le Samu en disant que je faisais un AVC", se souvient Philippe.

Il décrit cette épreuve comme un tsunami : "Tout va bien, et d’un coup, vous vous retrouvez la gueule dans le caniveau en train de faire le poisson mort", illustre-t-il avec une vive émotion. Quelques minutes plus tard, les pompiers arrivent sur place. À ce moment-là, Philippe Nicolas se fait une multitude de scénarios. "Je me suis dit que j’allais mourir, je savais que ce qui était en train de se passer était très grave." 

"J’ai eu peur de ne pas réussir à remarcher"

Pendant huit semaines, il ne quittera pas l’hôpital. De sa première semaine d’hospitalisation, il n’a que très peu de souvenirs, si ce n’est qu’il est alité, isolé de sa femme et de ses enfants. "Mon bras gauche est bloqué et ma jambe gauche pèse trois tonnes". Après son AVC, Philippe est victime d’une commotion cérébrale, puis d’une embolie pulmonaire. Des épreuves qui s’enchaînent et qui donnent des leçons au sexagénaire. 

On apprend l’humilité mais aussi à s’écraser. C’est très dur.

Philippe Nicolas, victime d'un AVC

Mais il ne baisse pas les bras. Dès que ses capacités le lui permettent, Philippe se fixe un objectif : remarcher. Il organise alors sa propre rééducation. Dix fois par jour, il fait le tour du service de cardiologie avec l’aide de son déambulateur. 

Un mois après son AVC, Philippe Nicolas est transféré au centre de rééducation de Bregille, à Besançon. À son arrivée, un médecin lui demande de marcher sans déambulateur, avec comme unique aide, une canne. S’il ne s’en croit pas capable, l’émotion l’envahit lorsqu’il arrive à marcher quelques mètres. "On se dit ‘punaise, ça tient’, et là, on a les larmes aux yeux", raconte-t-il avant de laisser s’échapper quelques larmes. Huit semaines avant, je faisais un trek dans les montagnes, à sauter comme un cabri. Mais à ce moment-là, je suis heureux. Car j’ai eu peur de ne pas réussir à remarcher." Au centre, ses journées sont alors rythmées par des séances de kinésithérapie, d’ergothérapie, de neuropsychologie. "Il faut avoir la volonté d’y arriver. Et dans les moments les plus durs, je pense à ceux qui prennent l’AVC en pleine figure."

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"Votre plus gros soutien, c'est vous-même"

Si aujourd’hui Philippe n’a pas de séquelles qui l’empêchent de vivre, le quotidien n’est pas facile pour autant. Il travaille désormais en mi-temps thérapeutique. Celui qui travaillait 7j/7 et qui n’avait pas pris de vacances depuis 14 ans, voit les choses différemment. "Je me souviens, quand j’avais la tête dans l’eau le jour de mon AVC, je me suis dit : tout ça pour ça ?" Dorénavant, sa vision des choses a changé. "Je suis heureux de tout, même si je suis conscient que c’était vachement bien avant", lâche-t-il. 

Mais pour se relever, Philippe Nicolas s’est rapidement tourné vers un suivi psychologique. 

Cet AVC, c’est comme si je me prenais un bus en pleine tête. J’ai des craintes et de peurs qui ne partiront jamais.

Philippe Nicolas, victime d'un AVC

Cependant, il explique que "le plus gros soutien, c’est vous-même qui vous l’apportez". Et une chose est certaine, c’est qu’il y a un avant et un après cette épreuve. Si deux ans plus tard Philippe remarche, conduit à nouveau, a repris le travail, sa vie n’est plus la même. Il souffre notamment de paresthésies (perte de sensation) et d’autres troubles qui perturbent son quotidien. "L’AVC, c’est un choc d’une violence terrible. Il y a des mots qu’on oublie, des souvenirs que l’on n’a plus, on est plus lents qu’avant…" énumère-t-il avant de comparer cette épreuve à la descente de la piste noire de Métabief, les yeux bandés, par temps de brouillard. 

 l’extérieur, on ne voit rien, mais à l’intérieur, je suis en vrac"

Si d’apparence, il ne porte aucune séquelle, la réalité est tout autre. "À l’extérieur, on ne voit rien, mais à l’intérieur, je suis en vrac. Si j’ai un rendez-vous à 10 heures, je dois me lever à 5h30, car le matin, c’est un puzzle à remettre en place. Et il y a des jours où ça ne va pas, où j’ai mal et où les paresthésies sont XXL", détaille-t-il, la gorge nouée.

Aujourd’hui âgé de 65 ans, Philippe s’est fixé de nouveaux objectifs, comme refaire de la randonnée. Et il n’y a pas de petites victoires : "J’ai marché 6 km d’affilée. Avant, j’enchaînais deux fois 30 km dans le week-end, mais enchaîner ces 6 km, c’est beau". Avec la reprise du sport adapté, il ne compte pas préparer les JO, simplement retrouver le plaisir de la randonnée. 

Si Philippe Nicolas avait un conseil à donner aux personnes qui vivent tout ce qu’il a traversé, c’est écrire ce qu’on ressent. "Ça m’a énormément aidé", lâche-t-il avec une vive émotion. Après quelques secondes, il poursuit : "l’AVC n’est pas une fatalité. Il faut laisser le temps au temps et savoir se donner la main. Car ça n’arrive pas qu’aux autres."

Dans 85 % des cas, l'AVC résulte d'un vaisseau ou d'une artère qui se bouche. © GUILLAUME BONNEFONT / MAXPPP

L'AVC en quelques chiffres

L’accident vasculaire cérébral (AVC) est l'une des principales causes de décès et de handicap dans le monde. En France, environ 140 000 personnes sont touchées chaque année, soit un AVC toutes les quatre minutes, et près de 32 000 décès par an. Dans 85 % des cas l'AVC survient lorsqu'une partie du cerveau est privée de sang par un caillot bloquant une artère ou un vaisseau (AVC ischémique). Dans les 15 %, il s'agit de la rupture d’un vaisseau sanguin (AVC hémorragique).

En France, environ 140 000 personnes sont touchées chaque année, soit un AVC toutes les quatre minutes, et cause près de 32 000 décès par an. © Sante.gouv.fr

Environ 30 % des personnes touchées par un AVC en gardent des séquelles sévères, et il est la première cause de handicap acquis chez l’adulte. Les symptômes de l'AVC sont : déformation de la bouche, une faiblesse d’un côté du corps, bras ou jambe, des troubles de la parole. D’autres signes d’apparition brutale et inexpliquée doivent aussi alerter (troubles de l’équilibre, maux de tête intenses, baisse de vision). En cas d'alerte, appelez immédiatement le SAMU, faites le 15. 

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