200 femmes meurent chaque jour en France de maladies cardiovasculaires : "Prendre soin des autres, c'est aussi prendre soin de soi"

Les maladies cardiovasculaires chez les femmes représentent un véritable enjeu de santé publique. Alors que les facteurs de risque se multiplient et que les comportements à risque perdurent, pour Marie-France Seronde, cardiologue au CHU de Besançon, il devient urgent d’intensifier les efforts de prévention et de sensibilisation.

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En 2018, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a lancé une alerte concernant les maladies cardio-vasculaires pour les 20 prochaines années. Car si dans l'imaginaire collectif, elles concernent davantage les hommes, en réalité, il n'en est rien. Chaque année en France, plus de 25 000 femmes font un arrêt cardiaque. Il est important de noter que l'arrêt cardiaque n'est que la conséquence d'une maladie sous-jacente, qui peut être dépistée à temps et être soignée.

Une épidémie silencieuse

Pour la Professeure Marie-France Seronde, cardiologue au CHU de Besançon, la santé cardiovasculaire des femmes est un véritable enjeu de santé publique. En effet, elles représentent désormais la première cause de mortalité chez les femmes en France, surpassant même le cancer. Chaque jour, environ 200 femmes décèdent de maladies cardiovasculaires, contre 33 du cancer du sein. "Pour la première fois, les maladies cardiovasculaires sont la première cause de mortalité des femmes en France, avant le cancer. Les choses évoluent", s'inquiète Pr Marie-France Seronde. Cette tendance montre une évolution inquiétante dans la santé des femmes, nécessitant une prise de conscience collective et une action urgente.

Sur le plan épidémiologique, les maladies cardiovasculaires gagnent du terrain. Le pourcentage de femmes victimes d'infarctus avant l'âge de 60 ans est de plus en plus préoccupant : aujourd'hui, 30 % des personnes touchées sont des femmes. Selon le Bulletin épidémiologique hebdomadaire publié par Santé Publique France en 2016, les hospitalisations pour un infarctus du myocarde ont progressé en France de 4,8 % par an entre 2009 et 2013 chez les femmes de 45 à 54 ans.

Ce qui est encore plus alarmant, c'est que la mortalité des jeunes femmes après un infarctus est deux fois plus élevée que celle des jeunes hommes. Cela souligne le caractère urgent de cette question de santé publique, qui touche des femmes de plus en plus jeunes.

Des facteurs de risques spécifiques pour les femmes

Plusieurs raisons expliquent cette situation alarmante. Parmi les principaux facteurs de risque, le tabagisme chez les femmes est en tête. "Autrefois rare, il est désormais beaucoup plus répandu, avec un pourcentage de femmes fumeuses parmi les plus élevés d'Europe", souligne Marie-France Seronde. Même si le taux de tabagisme baisse depuis 2016, il reste un facteur de risque majeur, particulièrement pour les femmes. Les femmes ont également des facteurs de risque associés, comme le diabète ou l’hypertension artérielle, souvent détectés tardivement chez les femmes et mal soignés. L'obésité, qui touche de plus en plus de femmes, est de plus un facteur de risque. 

Les femmes sont aussi exposées à des risques spécifiques liés à "leur état hormonal". "Environ 33 % des femmes ayant un accident cardiovasculaire ont eu des grossesses pathologiques, marquées par de l'hypertension ou du diabète gestationnel."

Parmi les jeunes femmes victimes d'infarctus, presque la moitié était sous contraception œstroprogestative, ce qui augmente le risque d’accident cardio-vasculaire. Le tabac + la pilule, c'est une association mortelle.

Marie-France Seronde, cardiologue au CHU de Besançon

Les femmes ayant le syndrome des ovaires polykystiques ou ayant leurs premières règles précocement sont, elles aussi, plus à risque. La ménopause, également, est un facteur de risque connu.

"On a longtemps dit que les hormones ça protège, pas tant que ça finalement", souligne-t-elle. Si les hormones naturelles assuraient aux femmes une protection vasculaire, c'était parce que leur mode de vie était en adéquation. Aujourd'hui, les femmes ont adopté les mêmes mauvaises habitudes d'hygiène de vie que les hommes, à savoir l'alcool, le tabac, une alimentation peu équilibrée... S'ajoute à cela un stress psychosocial, un manque d'activité physique, qui sont des facteurs de risque.

"Prendre soin des autres, c'est aussi prendre soin de soi"

Les facteurs psychosociaux jouent également un rôle clé dans la vulnérabilité des femmes face aux maladies cardiovasculaires. En effet, beaucoup de femmes, tout en prenant soin de leur famille, négligent leur propre santé. "Cette tendance à minimiser les symptômes est dangereuse. Alors qu’elles encourageraient leur mari à consulter en cas de douleurs thoraciques ou d’essoufflement, elles ont tendance à ignorer ces signes et se dire que ce n'est pas grave. Quand elles arrivent à l'hôpital, elles ont souvent un infarctus avancé", relève la cardiologue.

Quand les femmes font des infarctus du myocarde, elles ne se manquent pas. Elles en font des gros, ou elles vont garder des séquelles.

Marie-France Seronde, cardiologue au CHU de Besançon

La cardiologue insiste sur le fait que, souvent, les femmes manquent de soutien familial : "être toujours sur la corde raide, c'est la catastrophe au bout du chemin". Sauf que pour Marie-France Seronde, "prendre soin des autres, c'est aussi prendre soin de soi".

Des symptômes spécifiques

Si les symptômes de l'infarctus du myocarde sont les mêmes que ceux des hommes, à savoir une sensation d’oppression ou d’écrasement de la cage thoracique, de palpitations, de malaises, étourdissement ou vertiges, une douleur irradiant dans le bras droit, d'autres symptômes sont parfois moins caractéristiques chez les femmes. Comme une sensation de malaise, un essoufflement, des signes digestifs (nausées, vomissements), des sueurs froides, une fatigue inhabituelle ou encore brûlures d’estomac. 

De plus, les femmes contractent certaines formes particulières d'infarctus, comme le "cœur de stress" (syndrome de Takotsubo), sous l’effet d’un stress émotionnel intense. Les femmes en périménopause peuvent également être sujettes à une dissection spontanée de l’artère coronaire, une forme d'infarctus spécifique à cette période hormonale.

Prévention et sensibilisation

Pour Marie-France Seronde, la prévention est la clé de tout ce mal. "Il est essentiel de lutter contre le tabagisme, qui est particulièrement toxique pour les femmes, et de promouvoir une hygiène de vie plus saine", insiste-t-elle. Cela passe par une alimentation équilibrée, la pratique d'une activité physique régulière et la réduction du stress. 

Les femmes doivent aussi être plus attentives à leur sommeil et à leur poids, en surveillant notamment leur tour de taille, qui est un indicateur de risque cardiovasculaire.

Marie-France Seronde, cardiologue au CHU de Besançon

Elle pointe du doigt l'intérêt de prendre soin de sa santé, en suivant de près sa santé cardiovasculaire avec l'aide de son médecin, en particulier durant les phases clés de la vie hormonale, comme la prise de la contraception œstroprogestative, la grossesse ou la ménopause. "Il est impératif de ne pas sous-estimer les symptômes, et de consulter dès les premiers signes", argue-t-elle.

La cardiologue se montre très inquiète concernant les générations à venir. "J’ai peur que les nouvelles générations, ça soit pire. Les jeunes filles sont un peu rondes, elles ne font pas très attention à elles, surtout avec le phénomène de restauration rapide. J'ai l'impression qu'il y a une plus grande nonchalance à l'égard de leur santé. Ce n'est pas rassurant en tant que cardiologue".

Pour la professionnelle de santé, les pouvoirs publics ont un rôle à jouer en matière de prévention et de sensibilisation.

L'État dépensera moins d'argent en faisant de la prévention, qu'en soignant des infarctus.

Marie-France Seronde, cardiologue au CHU de Besançon.

Pour Marie-France Seronde, la prévention passe aussi par une meilleure éducation à la santé, tant au niveau individuel que collectif. L’implication des pouvoirs publics, des professionnels de santé et des écoles dans l’éducation et la prévention des maladies cardiovasculaires est donc indispensable.

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