Témoignage. "C'est incroyable", née sous X, elle retrouve sa mère biologique après des années de recherche

Publié le Mis à jour le Écrit par Sarah Rebouh

Alors qu'elle cherchait sa mère biologique depuis des années, Marie-Laure, née sous X en 1966 à Besançon, dans le Doubs, a finalement retrouvé sa mère biologique. Elle nous raconte cette rencontre particulièrement émouvante.

En mai 2022, nous vous avions raconté l'histoire de Marie-Laure, une femme née sous X à Besançon, en 1966. Son parcours et son combat pour retrouver ses origines avaient ému de nombreux lecteurs (relire notre article). "J'aimerais pouvoir dire à mes enfants d'où je viens", nous avait-elle confié. Elle était à la recherche de sa mère biologique. Il y a quelques semaines, nous avons reçu des nouvelles de cette Franc-Comtoise de naissance, désormais installée en Bretagne.

"J'ai eu une grande nouvelle. J'ai retrouvé ma mère biologique", nous a-t-elle écrit dans un mail, nous transmettant instantanément un profond sentiment de joie. Marie-Laure a accepté de nous raconter la suite de son histoire et sa rencontre avec sa mère biologique. "Incroyable" est le mot qui est revenu le plus souvent au cours de notre conversation.

C'est grâce au travail bénévole de celle qu'elle a baptisée "ma bonne fée" que la quinquagénaire a enfin pu découvrir qui était sa génitrice. La nouvelle est tombée en février 2023. "Une dame qui s'y connaissait en généalogie a été touchée par mon histoire et m'a aidée bénévolement. Elle a cherché pendant 18 mois. En février, elle m'a dit qu'elle avait une piste sérieuse. Elle m'a dit - Elle s'appelle Louise* -. Je ne me sentais pas bien, je lui ai dit que je la rappellerais dans deux heures. Il fallait que j'encaisse la nouvelle", se remémore Marie-Laure.

"Elle n'en revenait pas"

La "bonne fée" l'encourage à écrire une lettre et s'engage à la porter à sa mère, qui vit toujours dans la région de Besançon. "Je me suis mise à écrire. J'ai refait au moins 15 fois la lettre, car évidemment ce n'est pas facile de trouver les mots. Je lui ai dit que j'étais contente d'avoir son prénom et que je souhaitais, si elle était d'accord, qu'on échange. Et que je ne lui en voulais pas surtout", détaille Marie-Laure.

La nouvelle bouleverse notre interlocutrice, mais également sa mère biologique, sous le choc d'avoir été contactée par sa fille, abandonné 56 ans plus tôt, le 1ᵉʳ octobre 1966 à la Clinique privée des Cigognes à Besançon. "Ça l'a rendue malade pendant trois mois. Elle n'en revenait pas..." ajoute Marie-Laure, qui parle quant à elle "d'une belle histoire qui s'annonce". "C'est comme si j'avais une deuxième vie qui s'ouvrait", ajoute-t-elle.

Tous les 1ᵉʳˢ octobre, c'est mon anniversaire, j'imagine que vous avez eu une pensée pour moi comme j'ai toujours pensé à vous à cette date. 

Marie-Laure, à sa mère biologique

Louise*, âgée d'environ 80 ans, répond par une lettre à sa fille et lui fait parvenir une photo. "Elle m'a dit - pardon, pardon, je ne pouvais pas faire autrement. Tous les 1ᵉʳˢ octobre, je pensais à vous -", nous rapporte Marie-Laure, encore émue. Puis le jour de Pâques, Marie-Laure reçoit un appel puis un message sur son répondeur. Sa génitrice, qui avait son numéro, la contacte directement. Le vouvoiement des débuts devient un tutoiement, marque d'une réelle complicité en construction. Les deux femmes correspondent ensuite plusieurs fois, dans le secret le plus total du côté de Louise, qui ne souhaite absolument pas que sa famille soit au courant. Elle garde ce lourd secret enfoui en elle depuis 1966. Sa mère biologique lui raconte les circonstances de son abandon. C'est après une courte relation sentimentale avec un homme dont elle n'a plus eu de nouvelles qu'elle se rend compte qu'elle est enceinte. "À l'époque, il n'y avait pas les téléphones", analyse Marie-Laure.

"C'est un cadeau du ciel"

Dans la voix de Marie-Laure, on retrouve beaucoup d'empathie et de bienveillance à l'égard de sa génitrice et des choix qu'elle a faits. "Elle n'a jamais rien laissé transparaître devant ses enfants et son mari. Elle est incroyable, d'une force... Moi, je l'admire", nous dit-elle, rappelant qu'elle s'est cachée pendant sa grossesse, ne pouvant "assumer" à une époque où l'avortement n'est pas autorisé (il sera dépénalisé en 1975 grâce à la loi Veil).

"Pour moi, cela a été un vrai soulagement de la retrouver, mais pour elle, c'est difficile. Elle est encore très remuée. Elle n'arrive même pas à y croire parfois. Elle me dit - Ça me rend malade, pourquoi je t'ai fait ça ? -. Je lui dis que c'est un cadeau du ciel et qu'au moins, on a la chance de se connaître". Au fil des conversations, Marie-Laure assemble le puzzle de son histoire et reconnaît en sa mère biologique des traits de son propre caractère.

Quelques mois plus tard, arrive l'été. Marie-Laure rend visite à son frère à Besançon et propose à sa mère une rencontre. Elle répond oui tout de suite. "On s'est vue quatre fois. On avait prévu de se rencontrer les deux, avec ma bonne fée. Quand je l'ai vue, elle était en panique, mais alors moi, je n'étais pas mieux, nous rapporte-t-elle. Je suis arrivée et elle m'a prise dans ses bras. Les larmes ont coulé bien sûr."

Pour moi, c'est l'aboutissement de 56 ans. On est allées en ville, elle m'a prise par le bras. C'est incroyable. C'est très très étrange, j'ai l'impression de la connaître.

Marie-Laure

Marie-Laure envoie des photos à ses enfants et retrouve dans le physique de sa mère biologique des particularités qu'elle porte également. "C'est troublant. Elle est physiquement toute menue comme moi, et le bas du visage aussi, pareil. Elle m'a demandée comment j'avais vécu. J'ai ressenti un truc dans mon corps... Comme si un poids était parti. J'ai retrouvé le sourire". Louise* et sa fille s'appellent toutes les semaines. La Bretonne espère pouvoir un jour rencontrer les enfants de sa mère biologique, mais elle "respecte son choix". "Si on doit vivre cachées, on vivra cachées. C'est notre histoire à toutes les deux".

"Il faut que les enfants -X- s'accrochent"

Par son témoignage, Marie-Laure souhaite transmettre un message d'espoir à tous les enfants qui ne connaissent pas leurs parents biologiques et qui souhaitent recoller les morceaux de leur passé. "Il faut que les enfants -X- s'accrochent. Moi, dans mon dossier, je partais mal. C'était marqué - catégorie trouvée -. L'ouverture des dossiers, les droits des enfants... Il faudrait revoir tout ça. Il faudrait un peu plus de bienveillance. Les décideurs ne vivent pas dans la peau des gens qui vivent torturés toute leur vie", témoigne-t-elle.

En France, chaque année, près de 600 bébés naissent sous X, aussi appelé "sous le secret". De nos jours, une femme qui accouche dans ces conditions peut lever le secret de son identité, à tout moment, au cours de sa vie. Pour les enfants, les choses sont désormais plus encadrées que par le passé. Ils peuvent faire une demande au Conseil national pour l'accès aux origines personnelles (CNAOP) et recevoir des informations, si et seulement si leurs parents biologiques sont d'accord pour que le secret soit levé ou s'ils sont décédés. Pour les autres, il reste l'espoir de rencontrer une "bonne fée", comme celle de Marie-Laure.

*Le prénom a été modifié pour garantir l'anonymat.

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