"Née sous X, catégorie trouvée" à Besançon, le long combat de Marie-Laure pour découvrir son histoire et retrouver ses parents biologiques

Marie-Laure, née sous X à Besançon (Doubs) dans les années 60 se bat depuis plusieurs années pour découvrir ses origines et pour retrouver la trace de sa mère et son père biologiques. Elle nous raconte son histoire hors du commun.

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En France, près de 600 bébés naissent sous X chaque année. Depuis 2014, le 30 mai est la journée mondiale consacrée au droit à connaître ses origines. Ce combat a été initié par un collectif, la Coordination des Actions pour le Droit à la Connaissance des Origines (CADCO) afin que les enfants nés sous X puissent accéder à leur histoire, pour que le puzzle de leur vie retrouve ses pièces manquantes. Pour l'occasion, France 3 Franche-Comté a souhaité vous raconter l'histoire de Marie-Laure, une Bretonne née à Besançon en 1966.

"Née sous X, catégorie trouvée". C'est la mention inscrite sur le dossier de l'Aide Sociale à l'enfance de Marie-Laure dont le prénom donné lors de l'abandon est Sylvie et le nom Colette. Cette dernière a entamé il y a 15 ans des recherches sur ses origines. Mais que signifie cette mention "catégorie trouvée" ? La Bisontine de naissance n'en a aucune idée malgré toutes ces années de recherche. Ce qu'elle sait, c'est qu'elle est née le 1er octobre 1966 à la Clinique privée des Cigognes à Besançon et qu'elle y est restée jusqu'au 24 octobre. "Colmar" est également indiqué sur son dossier, sans qu'elle sache pour quelle raison cette ville d'Alsace est mentionnée.

La petite fille adoptée par un couple de Bretons s'est vite rendue compte, vers 7 ou 8 ans, qu'elle n'était pas issue biologiquement de ses parents. "J’ai su assez vite que j’avais été adoptée. Je ne ressemblais pas à mes parents. J'avais la peau mate, les cheveux bouclés... On m’a souvent traitée de bougnoule. Mais je n’ai jamais eu de souci avec l’adoption" nous explique-t-elle.

J’ai essayé de parler avec ma maman, mais elle était très exclusive. Elle ne me disait rien. Elle me disait qu’on m’avait trouvé.

Marie-Laure, née sous X à Besançon

C'est vers l'adolescence que Marie-Laure a commencé à se poser des questions sur ses origines et à avoir des problèmes de comportements. "À l’adolescence, j’ai un peu vrillé. J’avais le sentiment d’être rejetée. Ben oui... j’avais été abandonnée à la naissance...", analyse la Bretonne. "Je traînais très souvent avec les jeunes des quartiers, avec la communauté algérienne. Vers 14 ans, j'ai eu une période où je refusais de manger du porc, mais sans raison précise ! Mes parents étaient d'ailleurs catholiques" se rappelle-t-elle. À ce moment-là, c'est comme si ses racines refaisaient surface sans qu'elle ne s'y attèle réellement. Plus tard, son parcours avec les hommes a été "un flop", selon ses mots. "J'ai toujours eu peur d'être abandonnée".

Maman de deux filles, à qui elle a tout de suite dit la vérité, Marie-Laure a démarré les longues et difficiles recherches sur son passé il y a maintenant une quinzaine d'années. Des questions plein la tête et dans l'espoir d'obtenir des réponses, elle est même allée voir l'accoucheur de la clinique dans laquelle elle était née à Besançon. "Il m'a envoyée bouler en me disant que j'avais déjà de la chance d'avoir été adoptée" nous confie-t-elle.

En publiant un message sur Facebook, partagé sur le groupe " Je te recherche", elle obtient l'aide précieuse de personnes touchées par son témoignage et est contactée par deux autres femmes, nées sous X dans la même clinique qu'elle. "C'était assez émouvant. On s'est dit qu'on avait été bercées par les mêmes bras".

"Elles m'ont dit qu'il n'y avait pas de doute"

Le dossier donné par la Clinique des Cigognes à Marie-Laure lui apparaît étrange et malheureusement bien vide. "Le Conseil national pour l'accès aux origines personnelles (CNAOP) n’arrive pas à m’expliquer pourquoi" dit-elle. Elle finit par commander un test ADN sur la toile, auprès d'une entreprise américaine, pour tenter de reconstituer son histoire et retrouver des membres de sa famille génétique. "J'ai matché avec plusieurs personnes, mais cela ne donnait pas grand-chose. Et il y a trois mois, j'ai eu un match énorme. J’ai matché avec une femme d’origine algérienne. Ce serait ma cousine" nous dévoile-t-elle. Marie-Laure contacte cette femme et réussit à parler à la sœur de son géniteur, un habitant du Pays de Montbéliard qui a eu une relation extraconjugale avec sa mère, en 1966.

Malheureusement, l'épouse de son père biologique refuse catégoriquement d'en parler à son mari, au grand désespoir de Marie-Laure, qui ne veut brusquer personne et surtout "pas détruire une famille". Cette enfant du secret aimerait juste pouvoir maintenant retrouver la trace de sa mère biologique.

"J’ai envoyé une photo de moi quand j’étais petite, et là, elles m’ont dit qu’il n’y avait pas de doute. Il ne peut pas me renier, il y a trop de traits communs et de ressemblance physique. Je vais avoir 56 ans... Je veux juste savoir" explique-t-elle, tout en nous racontant certaines coïncidences étranges et incroyables. "Il y a plein de choses hallucinantes. J’ai fait un voyage en Algérie en 2014. J’ai été dans un village où je me suis sentie tellement bien ! J’avais l’impression d’être chez moi. J’ai su récemment que toute la famille de mon géniteur était de ce village-là ! En vous le racontant, j'en ai des frissons."

Les recherches de ses origines, un long parcours du combattant

"La loi de conservation des dossiers devraient être valable à vie. Nous, les X, devrions pouvoir avoir accès à nos dossiers sans passer par des mois d'attentes. Nous ne sommes pas assez soutenus et accompagnés dans nos démarches. Un vrai travail devrait être fait à ce niveau. La CNAOP n'est pas non plus très coopérante. Mon dossier est clos, car pas d'élément supplémentaire. Cela m'a fichu le moral à zéro car j'avais attendu plus de 15 mois" détaille Marie-Laure.

Livrée à elle-même pour ses recherches, elle aimerait qu'un véritable accompagnement soit proposé aux personnes nées sous X et "qu’on puisse faire des demandes sans être obligé de faire 50 recommandés".

On ne refera pas l’histoire mais c’est vrai qu’on est des "X", on restera des "X", c’est tout… Je suis une femme "X". Mais l’histoire de la famille c’est quand même important et j’aimerais pouvoir dire à mes enfants d’où je viens.

Marie-Laure, née sous X

Selon l'Adonx, Association pour le droit aux origines des enfants nés sous X, une loi de 1941 autorise les femmes à accoucher dans le secret, ne laissant aucune trace de son passé à l'enfant qui se voit attribué un numéro par les services sociaux et est privé d'identité. "Cette loi a été votée pendant la deuxième guerre mondiale, la majorité des femmes étaient toutes seules, et il arrivait fréquemment que des enfants naissent de relations adultérines". Selon l'association qui milite pour la fin des naissances sous X en France : "Les abandons ont diminué -heureusement- par rapport au début du siècle, mais le problème est que la loi, elle, n'a pas évolué. En effet, la France est le seul pays, avec le Luxembourg, à connaître l'accouchement sous X, qui interdit à tout jamais l'accès à une quelconque filiation biologique."

Cet été, la Bretonne d'adoption Marie-Laure viendra jusqu'en Franche-Comté pour tenter de récolter des informations supplémentaires et peut-être se rapprocher de sa mère, celle qui à l'âge de 22 ans n'a pas pu la garder auprès d'elle. "Quand on abandonne un enfant, on ne le fait pas de gaieté de cœur. Tous les 1ers octobre, je pense à la personne qui m’a mise au monde. Et je me dis qu'elle doit forcément penser à moi."

► À lire aussi : L’accouchement sous le secret, une spécificité française

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