Ce samedi 4 janvier, l'association Salsal et Shamamah de Besançon (Doubs) organisait une célébration culturelle à l'occasion du Nouvel An, pour sensibiliser et mobiliser les Français autour de la condition des femmes et des filles afghanes. Un décret publié le 29 décembre par les talibans leur interdit désormais d'être vues même à travers une fenêtre.
La salle est pleine de chants et de femmes en tenue traditionnelle, rose à la main. Un mélange de couleurs chatoyantes, aussi guilleret que le bruit de leurs bijoux de métal, posés sous le voile et par dessus les robes, qui s'entrechoquent. Partout les discussions sont animées, on se connaît tous, même vaguement. Une parenthèse pour ces femmes afghanes, qui savent que dans leur pays d'origine, un tel rassemblement leur serait interdit.
Ce samedi 4 janvier, l'association culturelle Salsal et Shamamah organisait un Nouvel An franco-afghan à Besançon (Doubs), pour sensibiliser à la condition des femmes et des filles afghanes, tout en offrant une opportunité de célébrer l’unité et la diversité culturelle. Un appel à l'harmonie et à l'adelphité ponctué de musique traditionnelle et d'un repas afghan typique de ce pays d'Asie centrale. La taekwondoïste afghane Zakia Khodadadi, qui a remporté le bronze aux Jeux olympiques de Paris, a d'ailleurs fait le déplacement. Aucune attache ne la relie à Besançon, si ce n'est son militantisme : la jeune femme se bat depuis des années pour le droit des femmes et contre le régime instauré par les talibans en Afghanistan.
Ne pas oublier ses racines
Sur les marches qui montent vers l'entrée de la salle, Farzana prend des photos de sa robe de fêtes. La jeune femme de 21 ans est fière de contribuer à cet instant de partage entre deux pays, deux cultures qui ont forgé la personne qu'elle est aujourd'hui.
Je ne suis pas née en France et quand je suis arrivée ici j’ai dû tout apprendre de cette culture, de cette langue. C'est important de s'intégrer, mais sans oublier ses racines.
Farzana, 21 ans, originaire d'Afghanistan
Avec une pointe d'émotion, mais surtout une grande fierté, Farzana explique que la plupart des personnes présentes à la célébration accordent une grande importance à la culture française. "Beaucoup fêtent le Nouvel An et certains font même Noël parfois, alors qu’on pratique majoritairement l’islam ! C’est important d'apprendre ces coutumes car on se projette sur du long terme en France, on veut construire quelque chose ici."
Arrivée en métropole fin 2013, la jeune femme se souvient des milliers de kilomètres qu'elle a parcourus à pied avec ses parents et ses deux sœurs, traversant des dizaines de pays pour enfin poser ses bagages à Besançon. Ayant eu trois filles, son père ne voulait pas rester dans "un pays fermé", où il aurait dû subvenir seul aux ressources de sa famille, dans un climat violent et un régime oppressant pour les femmes.
Lutter à distance
La quasi-entièreté de la famille de Farzana réside toujours en Afghanistan. En 2021, lorsque les talibans ont récupéré le pouvoir, des membres de sa famille qui travaillaient pour l’État ou pour l’armée, se sont retrouvés en danger, recevant des menaces qui les ont empêchés de fuir. Forcément, Farzana pense à eux, et s'estime chanceuse d'avoir pu trouver refuge en France, où elle se sent libre.
En Afghanistan la liberté d’expression est censurée. Personne n’a le droit de parler, même les hommes, par peur des conséquences.
Farzana
La jeune femme parcourt la salle du regard. Énormément de filles et de femmes sont réunies, parlant, riant, dansant parfois mêmes, habillées dans des vêtements qu'elles ont choisis. Le 29 décembre dernier, le régime des talibans a atteint un nouveau stade dans sa politique de répression et de haine des femmes.
À travers un décret en cinq points, les dirigeants interdisent désormais aux femmes d'être vues à travers une fenêtre. Si elles peuvent être vues par les maisons voisines, les ouvertures de leur habitation doivent être bouchées. Un énième traité austère, punitif, qui fait suite à plusieurs mesures dans la même veine établies ces quatre dernières années, comme l'interdiction d'étudier après l'école primaire, d'avoir un emploi dans des ONG, de chanter, de faire du vélo ou encore d'accéder à plusieurs lieux publics.
"C’est un symbole fort de voir ces femmes réunies aujourd'hui", note Farzana. "Je suis très fière de voir l’athlète Zakia Khodadadi, qui à elle toute seule a porté des messages pour les femmes afghanes aux JO. Et de voir qu'ici, ces femmes ont de la voix, qu'elles peuvent parler, s’exprimer, en toute liberté."
Avec Frédéric Buridant