La précarité alimentaire des étudiants s'aggrave, alertent de nombreuses études. Les étudiants de Franche-Comté ne sont pas épargnés. Nous les avons rencontrés, lors de la dernière redistribution de l’association Les Josettes Bisontines, à Besançon.
Comme chaque vendredi de distribution, deux fois par mois, au sein de la faculté des Sciences du Langage, de l’Homme et de la Société de Besançon dans le Doubs, une file se crée en quelques secondes. Il est 14 heures et la distribution de l’association Les Josettes Bisontines commence.
Des dizaines d’étudiants attendent leur tour pour recevoir quelques denrées, alimentaires surtout, mais aussi des produits d’hygiène, des protections périodiques ou encore des vêtements. Ils sont “une soixantaine par redistribution” rapporte Axelle Barbosa, bénévole de l’association. “Les années Covid, cela pouvait se chiffrer en centaines, on n’arrêtait pas”, ajoute-t-elle.
“Quand j’ai payé mon loyer, il me reste 100 euros pour le mois.”
La précarité étudiante “augmente” et “persiste”, alerte une étude de l’association COP1-Solidarités étudiantes rendue publique le 3 octobre. Selon la même étude, la principale cause de la demande d'aide alimentaire réside dans des difficultés financières. “La plupart (67 %) des étudiantes et étudiants bénéficiaires [des distributions de la Cop1] dispose de revenus mensuels inférieur à la moyenne nationale”, qui s’élève elle à 635 euros par mois. Et pour des étudiants aux budgets contraints, l’alimentation devient la première variable d’ajustement afin de parvenir à boucler les fins de mois.
C’est le cas de Daniela*, étudiante en première année de Master de sociologie. Elle vit avec 350 à 400 euros par mois. “Quand j’ai payé mon loyer, il me reste 100 euros pour le mois” raconte-t-elle. “Je ne sais pas si on se rend compte, mais c’est vraiment très très peu” lâche-t-elle dans un petit rire nerveux.
Les étudiants internationaux sont particulièrement vulnérables
80 % des étudiants recourant à l’aide alimentaire en 2021 étaient de nationalité étrangère, selon l’Insee. Arrivée du Sénégal au mois de septembre pour poursuivre ses études en France, Daniela ne dispose pas encore d’aides, ni de sécurité sociale. Sans numéro de sécurité sociale, la jeune femme ne peut donc pas travailler. Dès qu’elle l’aura reçu, Daniela indique qu’elle cherchera un job, “n’importe où, le temps que je peux tenir jusqu’à la fin du mois”. Pour le moment, elle a donc recours à l'aide alimentaire de plusieurs associations, dont Les Josettes : “Même si ce n’est pas pour toute la vie, ça aide à tenir.” glisse-t-elle.
“Il faut qu’il y en ait pour tout le monde.”
Un peu plus loin dans la file, Camille*, est étudiante en deuxième année de Master de sociologie. Elle est venue “parce que c’est compliqué financièrement”. L’étudiante raconte être toujours à découvert, malgré “un petit job étudiant à côté” et “moins de 300 euros de bourse”. Le plus difficile étant de jongler entre études et travail, à la fois pour maintenir son niveau scolaire, mais aussi pour “ne pas trop gagner d’argent, sinon on a moins de bourse”. “Ce qui fait mal, c’est que les bourses prennent en compte le salaire des parents pour des étudiants qui sont parfois indépendants depuis longtemps” poursuit-elle. “Ce n’est pas parce qu’on a des parents qui travaillent qu’ils vont forcément nous aider. Moi, c’est pour ça que je suis là aujourd’hui.”
“Les courses ça coûte cher. Pourtant, je n'achète que le nécessaire, pas d'extras."
Camille*
Sur la table de distribution, les cartons sont rapidement vidés. “Il n’y a quasiment rien aujourd’hui”, semble s'excuser une bénévole.
Dans le sac de Camille, on retrouve un savon solide, une boîte de coulis de tomate et une compote. Elle n’emporte “pas grand-chose”, “il y a d’autres gens qui passent après moi”, se justifie-t-elle, “il faut qu’il y en ait pour tout le monde”. Une solidarité soulignée par Murielle Ruffier, chargée de mission précarité étudiante de l’université de Franche-Comté. Elle ajoute : “Ils pourraient prendre plus, mais ils en laissent pour les autres. C’est vraiment très touchant.”
“Quand on étudie, on ne devrait pas avoir à se préoccuper de comment manger”, regrette Murielle Ruffier. Pourtant, en Franche-Comté, les étudiants sont très nombreux à avoir recours à une forme d’aide alimentaire. Selon une étude parue en juin dernier et dirigée par la Banque alimentaire du Jura, 60 % des Jurassiens bénéficiaires de l’aide alimentaire ont moins de 25 ans (alors qu'ils ne représentent que 27 % de la population du Jura). À Besançon, chaque semaine, entre 120 et 150 étudiants sont bénéficiaires des Restos du Cœur, indique la BAF de Franche-Comté.
* Le prénom des personnes a été changé à leur demande.