Les Francs-Comtois connaissent tous ou presque son nom, mais rarement son héritage. Il y a 70 ans, Jean Minjoz était élu maire de Besançon. Ceux qui l'ont connu nous en parle. Reportage.
Il y a 70 ans, Jean Minjoz devenait maire de Besançon. Si beaucoup de Francs-Comtois reconnaissent son nom, en référence au plus gros hôpital de la région, peu connaissent réellement l'histoire de cet homme. Son héritage est bien plus large que le fait d'avoir créé le CHU Minjoz. Il a marqué profondément la vie politique de la cité comtoise, comme nous le raconte Joseph Pinard, historien et ancien député du Doubs. Ce dernier l'a bien connu.
"C'était un orphelin de guerre qui avait le culte de son père. C'était un révolté, à cause de son père tué quand il avait 12 ans", débute-t-il, avant de nous dresser le portrait d'un homme acharné de travail, "au service du peuple, des petites gens". Jean Minjoz (1904-1987) est originaire de Savoie. Il déménage avec ses parents à Besançon alors qu'il est enfant.
Pourtant encore jeune, la direction qu'il souhaite donner à sa vie apparaît clairement. Il marche dans les traces de son père. "Il a voulu être avocat, pro européen, comme son père". Il s'engage dans la résistance après avoir été gravement blessé au front, en 1940. Il est décoré pour sa bravoure. En 1947, il est procureur général de la Haute Cour qui vise à traduire en justice les responsables du gouvernement français du régime de collaboration de Vichy.
Il est le seul avocat à avoir protesté quand il y a eu interdiction de plaider dans les affaires des juifs, de l'ordre de l'occupant.
Joseph Pinard, historien et ancien député du Doubs
"Il a été l'un de ceux qui ont participé au premier congrès international pour l'Europe à La Haye (ndlr, Pays-Bas) en 1948. De cette participation, il a laissé le seul manuscrit qu'on ait de lui", poursuit l'historien. "Ce qui caractérise un socialiste, c'est la bonté et la volonté de dire la vérité", scande l'homme politique derrière le pupitre dans les années 70. Jean Minjoz est ensuite élu maire à la libération, puis député de 1945 à 1958, lors du premier vote survenu après la fin de la guerre. "J'ai vu ce que peut faire un homme droit, probe et de grand travail", dira de lui François Mitterrand.
Hyperactif, il préside la Fédération hospitalière de France, "c'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles son nom a été donné au CHU de Besançon". En 1953, il est élu maire de Besançon. Il restera en place durant 4 mandats. "En 1965 et 1971, il est réélu au premier tour", rappelle Joseph Pinard. Il est nommé Secrétaire d'État chargé du ravitaillement, puis des Affaires sociales, en 1956.
La Citadelle, le Palais des Sports, le CHU, Planoise...
Parmi les choses les plus importantes qu'on peut lui attribuer, il y a l'achat par la Ville de Besançon de la Citadelle Vauban, désormais inscrite au Patrimoine mondial de l'Unesco. "Cet endroit était devenu à l'abandon. Jean Minjoz a dit : 'C'est l'oppidum gaulois, c'est le coeur de la capitale régionale. La ville se doit de l'acheter'". La transaction est réalisée en avril 1958.
On lui doit donc la naissance du CHU Minjoz mais aussi la création du Palais des Sports. Sous sa mandature, durant les 30 glorieuses, la ville passe également le cap des 100 000 habitants. "Son plus gros problème était celui du logement. La décision de créer Planoise a été prise sous les mandats de Minjoz". "La préhistoire de l'intercommunalité", selon les mots de Joseph Pinard, c'est encore lui. Besançon supportait à l'époque toutes les charges liées à l'exploitation du Conservatoire de musique, de l'école des beaux-arts ou encore des pompiers... "Les impôts étaient très élevés et cela engendrait un exode vers la périphérie".
Il était très respecté, y compris de ses adversaires. Il menait une vie spartiate. Il n'allait jamais au restaurant de l'assemblée nationale. Il était vraiment acharné au boulot.
Joseph Pinard, historien et ancien député
Jean Minjoz inaugure également l'une des premières rues piétonnes de France, située rue Bersot. Mais plus que ses constructions, c'est sa personnalité qui aura marqué tous ceux qui l'ont croisé. "Je l'ai beaucoup accompagné lors de l'affaire LIP. J'ai pu vérifier son intégrité, son souci du bien commun. Il en imposait par sa culture juridique et sa disponibilité", se souvient Joseph Pinard. En 1987, son décès bouleverse la région. Plus d'un millier de personnes assistent à son enterrement.