Samedi 23 novembre, dans la quartier de Planoise (Besançon), une adolescente de 14 ans a été rouée de coups par deux camarades. Les deux agresseuses ont filmé l'altercation avant de la diffuser. Elles ont été interpellées et déférées devant le juge des enfants. Que risquent-elles ? Manon François, avocate, nous éclaire.
La scène s'est déroulée samedi dernier. Une adolescente avait rendez-vous avec deux copines. Arrivée à proximité du lieu de rendez-vous, elle croise une de ses copines qui l'emmène à proximité de la piscine Lafayette. De là, elle est mise au sol et rouée de coups par ses deux présumées camarades, âgées de 14 ans. Sans défense, les deux agresseuses lui assènent des coups de pieds et de poings d'une violence inouie. Elles ont filmé la scène et l'ont diffusée sur les réseaux sociaux. Avant de partir en la laissant au sol, elles lui ont volé son portable ainsi que sa carte bleue.
Dimanche et lundi, les deux mises en causes ont été interpellées. Sans énoncer le motif de leur acte, elles ont en revanche reconnu l'intégralité des faits lors de leur garde à vue. Elles ont été déférées devant le juge des enfants et placées sous contrôle judiciaire. Elles seront jugées pour "vol avec violences ayant entraîné une ITT inférieure à 8 jours", dans un délai d'un mois, devant le tribunal pour enfants, précise le parquet de Besançon.
Mais alors, que risquent ces deux jeunes femmes ? Contactée par France 3 Franche-Comté, Manon François, avocate pénaliste, nous éclaire.
Des réponses adaptées à leur éducation et à leur réinsertion
Avant de commencer, elle précise que, s'agissant d'un mineur âgé de 14 ans, la personne mise en cause est présumée capable de discernement. "Cet âge établit juridiquement sa responsabilité pénale, ce qui signifie qu’elle peut être tenue responsable des infractions qu’elle commet, souligne Manon François. Le discernement implique qu’elle comprenne la portée de ses actes et leurs conséquences." Elle ajoute que toutefois, au regard de leur minorité, les juridictions sont tenues de privilégier des réponses adaptées à leur éducation et à leur réinsertion.
Que va-t-il se passer dans les prochaines semaines pour les deux mises en cause, placées sous contrôle judiciaire dans l'attente de l'audience sur leur culpabilité ? L'avocate détaille qu'étant mineurs et sans antécédent, les deux mises en cause sont d’abord convoquées à une audience sur la culpabilité "ayant vocation à examiner les faits reprochés et établir la responsabilité pénale des mises en cause". À ce moment-là, si elles sont reconnues coupables, une seconde audience sera consacrée au prononcé de la sanction.
Entre les deux audiences, une période de mise à l'épreuve éducative s'instaure. Durant laquelle elles pourront faire l'objet d'une expertise médicale ou psychologique, une mesure judiciaire d’investigation éducative, une mesure éducative judiciaire provisoire, ou encore un contrôle judiciaire ou une assignation à résidence avec surveillance électronique. "Surtout, une enquête éducative approfondie devra être réalisée pour évaluer la situation sociale et familiale des mineures, leur personnalité, ainsi que leur comportement depuis les faits, précise Manon François. Ces éléments guideront le tribunal dans le choix des sanctions les plus adaptées."
Des mesures éducatives plutôt que coercitives
Mais alors concrètement, quelles peines peuvent encourir les deux adolescentes ? Me François souligne que les sanctions encourues par un mineur âgé de 14 ans sont réparties en deux catégories : les mesures éducatives judiciaires et les peines. "Le prononcé d’une peine est en principe exceptionnel de sorte que les mesures éducatives judiciaires sont, selon la gravité de l’infraction et la personnalité de son auteur, privilégiées", assure l'avocate. Cette mesure éducative judiciaire peut être assortie de modules visant à : favoriser l’insertion du mineur, réparer le dommage subi par la victime, prise en charge médicale et/ou sanitaire du mineur et enfin placer le mineur. "Les mesures éducatives judiciaires sont particulièrement adaptées pour des mineurs sans antécédents judiciaires, car elles favorisent leur responsabilisation et leur réinsertion dans un cadre éducatif", relate Manon François.
L'avocate assure que, malgré le fait que cette infraction soit grave, la durée limitée de l’ITT (1 jour) "reflète une atteinte modérée à l’intégrité physique de la victime". Selon elle, l’absence d’antécédents judiciaires des mises en cause devrait encourager les juridictions à privilégier une réponse proportionnée. "Si le jeune âge des mises en cause est de nature à choquer quant aux faits dénoncés, il doit surtout plaider en faveur d’une mesure adaptée à leur situation respective, dans une logique d’éducation et d’insertion", conclut Me François.