VIDEO. "A 93 ans, mon portrait dans un musée !", 7 femmes d'un Ehpad entrent au musée des Beaux-Arts de Besançon

Jusqu’au 2 avril 2022 se tient l’exposition « Portraits de femmes » au Musée des Beaux-arts à Besançon (Doubs). L’occasion de découvrir le vécu de sept femmes : Andrée, Line, Martine, Monique, Renée, Simone, Sylvia.

De dos, on ne voit que son grand manteau camel, ses cheveux nacrés. Au musée des Beaux-Arts, elle observe un panneau composé d’une reproduction d’œuvre, d’un texte et d’une photographie. Une photographie, ou plutôt son portrait. Renée n’en revient toujours pas.

« Jamais je n’aurais pensé qu’à 93 ans, on me trouverait, en tout cas mon portrait, dans un musée ! », elle rit. Et de son rire, surgit une émotion, qu’elle tente de voiler. Elle raconte : « Je suis une habituée du musée. Je fais partie des amies du musée, et je n’avais pas l’honneur de … ». Elle s’arrête, avant de reprendre, d'une voix tremblante : « Merci parce qu’il y a tous les souvenirs qui remontent en même temps ».

« Des personnes âgées isolées, souvent invisibles »

« Portraits de femmes », c’est l’exposition du Musée des Beaux-Arts en lien avec le Centre de long séjour Bellevaux. A l’initiative de Marianne Boiral, artiste photographe, sept résidentes de l’Ehpad ont été les actrices de ces oeuvres. « J’avais envie de travailler avec des personnes âgées, indique-t-elle. Dans nos sociétés, elles sont isolées, souvent invisibles. Avec la crise du covid, elles ont été très touchées. »

Andrée, Line, Martine, Monique, Renée, Simone et Sylvia ont ainsi choisi une toile du musée. Et à travers cette œuvre, elles se sont racontées dans un récit ou parfois une lettre. La photographe a pris le soin de les narrer, à sa manière : un portrait et plusieurs d’heures d’échange. « Ce qui est très important, c’est le processus de création, détaille Marianne Boiral. On n’est pas que dans un résultat final, c’est vraiment la rencontre au long cours sur plusieurs ateliers. Il y a du lien qui se crée entre nous et entre les femmes quand elles se retrouvent lors des temps collectifs. […] C’est le but de ma démarche artistique qui est tournée vers les rencontres, le partage. »

« C’était tout notre bonheur »

La diversité des œuvres choisies par les sept résidentes marquent le visiteur. Tantôt des portraits, tantôt des paysages régionaux. C'est d'ailleurs ce qu'a privilégié Andrée, 88 ans. « Que de souvenirs, que de souvenirs… », sa voix s’éteint dans un souffle. Le dos recourbé, les mains accrochées à son déambulateur, elle relève la tête et tremble face à une peinture. Les yeux rivés vers la toile, embués. « J’ai toujours eu ces souvenirs en tête, ces souvenirs de mon enfance, explique la dame, originaire de Saône-et-Loire. J’ai habité à la campagne. Nous faisions six kilomètres tous les jours pour aller à l’école avec ma sœur, ma petite sœur. »

D’un autre côté, Simone, silencieuse. Elle gardera son âge secret. Son manteau rouge contraste avec sa peinture aux teintes blanches. Les deux se regardent en chien de faïence... Sur la toile, un lévrier. Pourquoi a-t-elle choisi cette œuvre ? « Je ne sais pas ! », répond-t-elle, tout de go. Simone aime le mystère… Elle lance : « Les animaux apportent du bonheur. Ils savent quand vous avez mal ou non. » Cette femme, aux yeux rieurs, explique avoir vécu avec « des petits chiens, des petits épagneuls » qui appartenaient à son mari chasseur. Elle conclut, le sourire aux lèvres : « c’était tout notre bonheur ».

Déambuler entre ces portraits, c'est prendre le risque d'être ému. L'exposition a des airs de rencontres. Celles de sept femmes, sept visages, sept vécus. « Portraits de femmes » jusqu’au 2 avril 2022, au Musée des Beaux-Arts de Besançon.