En appel, ce mercredi 6 décembre 2023, la Cour d’Appel de Besançon (Doubs) a donné raison à l’acheteur américain : un expert devra qualifier l’état de l’œuvre et l’authenticité du tableau « Le Saut du Doubs ».
L’histoire commence en 2018, le 10 juin. Un Américain, Franck Rogozienski achète, à la salle des ventes de Besançon un tableau signé Gustave Courbet. Il s’intitule « Le Saut du Doubs ». L’acheteur américain n’est pas présent à Besançon : il est au téléphone pour cette vente. Coût de l’œuvre, vendue par une Bisontine : 50 000 €, auxquels il faut ajouter les 10 002 € de frais de vente.
Une bagarre devant les tribunaux
Juste après acquisition, Franck Rogozienski prête son tableau, pour une exposition, au Musée Jurassien de Délemont, en Suisse, qui juge l’état de l’œuvre « moyen », et ensuite sur le continent américain, le Balboa Art Center, un centre d’expertise à San Diego, la qualifie même de « mauvaise » alors que commissaire-priseur avait assuré à l’acheteur potentiel que l’œuvre n’avait pas subi de restauration et qu’elle était en « très bon état ».
Béatrice Cohen, avocate de l’acheteur américain, affirme : "En connaissant l’état réel du « Saut du Doubs », Franck Rogozienski ne l’aurait pas acheté. "
De plus, autres éléments surgissent : les dimensions du tableau acheté ne sont pas identiques à celles du catalogue, 35,5 cm sur 27 cm, soit 5 mm de différence. Et la signature de Gustave Courbet a été apposée après le vieillissement de la toile, de quoi douter même de l’authenticité du tableau. Pour « rendre service » Gustave Courbet pouvait signer de son nom les tableaux de Cherubino Pata, son ami peintre, moins bien côté que lui.
Ces éléments n’avaient pas été retenus lors d’une première audience en décembre 2022 et la demande d’expertise avait été rejetée, l'avocate de l'acheteur avait fait appel de cette décision.
Le 4 octobre dernier, une nouvelle audience s’était tenue à la Cour d’Appel.
Ce mercredi 6 décembre, elle a rendu ses conclusions : elle ordonne une expertise. Elle a même déjà désigné l’expert qui en est chargé. Il s’agit de Gilles Perrault.
Cet expert devra déterminer, entre autres, l’authenticité de l’œuvre et son état.
Satisfaction et acceptation
Béatrice Cohen, l’avocate de l’acheteur américain, se félicite : " Nous sommes très satisfaits de cette décision. La Cour d'appel a suivi notre argumentation et a relevé les doutes que nous avions soulevés. L’expertise diligentée par Gilles Perrault, expert reconnu dans le monde de l’art, permettra de lever ces doutes."
Denis Leroux est l'avocat de la partie adverse :On pouvait craindre cette décision mais la famille Mantion (les vendeurs) s'y pliera. Je m'interroge : cette œuvre est depuis de nombreuses années aux États-Unis. Dans quel état est-elle ? Quelles sont les conditions de préservation ? Mais l'expertise nous dira si les reproches de l'acheteur sont légitimes ou pas. J'espère que nous saurons alors le fin mot de cette histoire" réagit l'avocat.
En espérant que cette expertise dévoilera quelques-uns des mystères de ce tableau. Pour les personnes concernées par la vente de 2018 bien évidemment mais aussi pour le grand public ! Gustave Courbet n'a pas encore livré tous ses secrets.