La Ligue de protection des oiseaux de Bourgogne-Franche-Comté fait le point sur les espèces d’oiseaux présentes dans la région. Son constat est alarmant : en près de 20 ans, plus de 40% des volatiles des milieux agricoles ont disparu. Pour financer plusieurs programmes d’action, la LPO lance un appel aux dons.
Le printemps. Les fleurs qui éclosent. Les arbres qui bourgeonnent. Et les oiseaux qui chantent. Mais ces dernières années, leur chant était moins perçant. Pour cause, en Franche-Comté, les volatiles sont moins nombreux. Selon la LPO, on assiste à « un effondrement de la biodiversité sans précédent dans les milieux agricoles ». L’association a publié ce mois-ci les derniers chiffres du suivi temporel des oiseaux communs (STOC) mené de 2002 à 2022. Les résultats sont sans appel. 83,1% des vanneaux huppés ont disparu dans la région, 60,5% pour les tariers des prés et 18,9% pour les alouettes des champs.
Au total, la LPO affirme qu’en près de 20 ans, 40% des oiseaux des milieux agricoles ont disparu en Bourgogne-Franche-Comté. Une tendance aussi observable en Europe : un quart des effectifs d’oiseaux du continent ont disparu ces 30 dernières années.
La Ligue de protection des oiseaux pointe du doigt plusieurs causes, à commencer par la destruction des habitats naturels. Les haies arrachées, les prairies rasées et le goudron qui grignote toujours un peu plus de place. Autres facteurs : l’intensification des pratiques agricoles et le recours aux pesticides nocifs pour la biodiversité, comme les engrais et les antibiotiques. Les oiseaux, comme les autres espèces animales, ont moins de milieux pour vivre et se nourrir. Les reproductions chutent et avec elles, le nombre de nouveaux effectifs.
Quand je me suis installé, je n’ai jamais cru que des années plus tard, au printemps, j’allais pouvoir compter les nids d’alouette. Aujourd’hui, si j’ai trois couples sur mes 50 hectares, je suis très content…
Gérard Vionnet, berger à Labergement-Sainte-Marie (Doubs)
Un déclin inquiétant, mais pas irrémédiable
C’est d’ailleurs ce qu’a remarqué Gérard Vionnet, berger depuis 35 ans, installé à Labergement-Sainte-Marie dans le Doubs. « C’est incroyable le nombre d’espèces d’oiseaux, de papillons et d’insectes que j’ai vu disparaître. Je pense au grand tétras du massif du Mont d’Or, à la bécassine des marais, à la caille des blés », énumère-t-il. « Quand je me suis installé, je n’ai jamais cru que des années plus tard, au printemps, j’allais pouvoir compter les nids d’alouette. Aujourd’hui, si j’ai trois couples sur mes 50 hectares, je suis très content… »
Cette situation l’inquiète. Voir disparaître la nature, c’est pour lui voir disparaître son outil de travail. « Ma ferme vit avec son territoire. Je veux que ce soit un espace protégé. On a besoin de la nature pour travailler, on se doit de la protéger, renchérit-il. C’est une zone de production de biens de consommation pour les gens mais aussi un lieu de nature où la biodiversité a toute sa place. » Il veille à ce que l’équilibre entre la biodiversité, l’économie et le social soit toujours assuré.
C’est pourquoi il a pris plusieurs engagements, qui vont bien au-delà de ceux qui lui sont imposés en tant qu’agriculteur biologique. Pas d’engrais, pas de produits vétérinaires, et un recours à la mécanisation réduit. « Je n’ai que 3 tracteurs, c’est suffisant. Et je ne fauche jamais avant le 14 juillet. Le problème, c’est que beaucoup de personnes fauchent beaucoup trop tôt ! », déplore Gérard Vionnet.
Des actions simples et efficaces. Grâce à ça, ce berger sexagénaire jouit de prairies particulièrement riches en espèces végétales et animales. En ce début de printemps, lui peut apprécier le chant mélodieux des tariers des prés, des bruants jaunes et des alouettes des champs. Ce n’est pas donné à tout le monde.
Si ce déclin du nombre d’oiseaux présents dans la région inquiète, la situation n’est pas irrémédiable. Selon François Gillet, professeur émérite d’écologie au laboratoire Chrono-environnement de l’université de Franche-Comté, « ces espèces peuvent revenir, à condition que l’on revoie certaines pratiques agricoles intensives et l’usage de pesticides ». L’universitaire, qui travaille depuis plusieurs années sur la relation entre la biodiversité et la gestion des prairies, prend l’exemple du grand tétras, espèce menacée d’extinction dans les Vosges. Il était prévu que des individus soient prélevés dans certaines régions pour être réintroduits dans d'autres, mais « le CSRPN (Conseil scientifique régional du patrimoine naturel) Grand Est a donné un avis défavorable à ce projet, en le justifiant par des conditions d'accueil (habitat, dérangement...) qui ne sont actuellement pas favorables à l'espèce.»
Alors que faire pour pouvoir à nouveau admirer vanneaux huppés et autres alouettes ? « Il faudrait que l’écosystème dont dépendent ces espèces, à savoir les milieux agricoles, soient dans un meilleur état de conservation. Ces oiseaux subissent de plein fouet les changements des pratiques agricoles, notamment l’usage des pesticides », ajoute François Gillet.
L'appel aux dons de la LPO
Pour protéger davantage ces oiseaux, la LPO de Bourgogne-Franche-Comté lance un appel aux dons, jusqu’au mois d’avril, pour financer plusieurs actions de protection :
- Développer les moyens techniques de suivi des espèces menacées (ex : achat de drones et caméras thermiques pour faciliter l'identification et le suivi des nids, achat de balises GPS, matériel optique)
- Développer les moyens humains, matériels et financiers de la LPO BFC pour protéger des nichées au sol dans les cultures pour le vanneau huppé, le busard cendré ou encore le courlis cendré (pose de filet ou piquets autour des nids, suivi de la reproduction jusqu'à l'envol, compensation financière pour l'agriculteur du rendement perdu sur la parcelle protégée)
- Maintenir et mettre en place des aménagements favorables à la biodiversité afin de diversifier les paysages : création de corridors écologiques, installation de nichoirs, création et restauration de murets en pierres sèches et de mares, plantation de vergers, pose de perchoirs à rapaces, plantation de haies, etc.
- Développer des actions d’accompagnement des professionnels de l’agriculture : interventions auprès des structures de formation d’agriculteurs (lycées agricoles), actions de sensibilisation auprès de réseaux d’agriculteurs et vignerons, développement du nombre d’exploitations agricoles que la LPO BFC accompagne chaque année (diagnostic, adaptation des pratiques face aux enjeux : retard de fauche, gestion différée des IAE, aide au déploiement des nouvelles mesures agro-environnementales et climatiques), développement du programme Des Terres et des Ailes, etc.
- Créer des supports de formation et de sensibilisation à destination des agriculteurs
Pour faire un don, deux possibilités :
- en ligne directement sur la page dédiée (paiement sécurisé), en cliquant sur ce lien www.bit.ly/dons_lpobfc
- par courrier : envoyez votre chèque libellé à l'ordre de la LPO BFC (veuillez préciser svp au dos du chèque "Protégeons les oiseaux des milieux agricoles"), à l'adresse : LPO BFC, 3, allée Célestin Freinet, 21240 TALANT