"C'est fini de nous prendre pour des bonnes sœurs" : les infirmiers libéraux en grève des nouveaux soins

Depuis le 20 décembre, Convergence infirmière demande aux infirmiers libéraux de refuser de prendre en charge de nouveaux patients pour toute la période des fêtes. Par cette grève des nouveaux soins, le syndicat dénonce entre autres le gel des tarifs des soins et le manque de reconnaissance de la profession.

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C'est une colère amassée au fil des ans, que Sylvie Ciron, infirmière libérale à Gueugnon (Saône-et-Loire), résume en quelques mots : "on est méprisés, fatigués, exaspérés". Une situation "qui ne fait que s'empirer" et qui a poussé le syndicat Convergence infirmière à appeler tous les infirmiers libéraux à refuser la prise en charge de nouveaux patients sur toute la période des fêtes de fin d'année.

Cette grève des nouveaux soins, amorcée mercredi 20 décembre, pourra être reconduite en janvier, précise Convergence infirmière dans un communiqué. Le syndicat demande, entre autres, une réforme des procédures de contrôles anti-fraudes de l'Assurance maladie, une revalorisation des actes courants, ainsi qu'une juste reconnaissance du métier et de sa pénibilité. 

Un tarif des soins qui n'a pas évolué depuis 2012

"On ne peut plus vivre de notre métier, pas en gardant les qualités de soins que l'on promulgue aujourd'hui aux patients", déclare Sylvie Ciron, qui est aussi membre du conseil d'administation de Convergence infirmière. Entre l'inflation, l'augmentation du prix de l'essence et de certains produits comme les gants et les masques qui a "doublé voire triplé depuis la crise du Covid-19", les calculs ne sont pas bons pour le syndicat, qui a observé "une perte de 20 % de chiffres d'affaires sur les cabinets".

Les infirmiers ont bien obtenu une revalorisation de l'indemnité forfaitaire de déplacement, qui n'avait pas évolué depuis 2009. Celle-ci prendra effet au 28 janvier 2024 et sera à hauteur de 25 centimes par patient... Soit 2,75 euros. Le tarif des actes, quant à lui, est gelé depuis 2012. 

Le syndicat pointe du doigt le dysfonctionnement du Bilan de soin infirmiers (BSI), un dispositif de prise en charge des patients à domicile dépendants, qui comprend notamment une facturation des soins au forfait journalier, et non plus une facturation à l'acte. Trois forfaits sont proposés selon l'état de santé du patient (léger, moyen, lourd), dont les tarifs s'élèvent de 13 à 28,70 euros brut. "Et ce, quel que soit le temps que l'on prend ou la grabatisation de notre patient", note Sylvie Ciron. 

Une rémunération insuffisante, déconnectée de la réalité du terrain, selon les syndicats, alors que les infirmiers vont être de plus en plus amenés à réaliser ces actes. "Nous prenons de plus en plus en charge des personnes âgées dépendantes à domicile qui n'ont pas les moyens financiers ou qui refusent d'aller en Ehpad", explique l'infirmière de Gueugnon. Le syndicat demande l'instauration d'un quatrième forfait pour les cas les plus compliqués, ainsi qu'une division des forfaits à la mi-journée plutôt qu'à la journée. 

On a eu trop tendance à nous coller le cliché de cornette, de bonne sœur qui fait tout gratuitement. Ça, c'est fini.

Sylvie Ciron, infirmière et élue du syndicat Convergence infirmière

à France 3 Franche-Comté

Reconnaissance et revalorisation de l'âge de la retraite

Un autre point est soulevé par Convergence infirmière : le renforcement des contrôles anti-fraude qui, conjugué à des procédures administratives complexes, a fait grimper les indus réclamés aux infirmiers par l'Assurance maladie.

Alors, "quand les infirmières font les comptes, elles arrêtent, écœurées", déplore Sylvie Ciron qui, en 39 ans de métier, a vu le moral de ses pairs et les conditions de travail se dégrader. Selon les conclusions d'une enquête menée par Convergence infirmière sur la pénibilité du travail d'infirmier libéral, plus de 75 % des soignants interrogés déclarent "être fatigués, déprimés ou en burn-out" et 65 % ont été contraints de consulter un professionnel de santé en raison de leurs conditions de travail. Et, quand surviennent des violences de la part des patients, "nous sommes seuls, nous ne sommes pas soutenus par les institutions", regrette Sylvie Ciron. Pour rappel : plus de 120 000 infirmiers exercent en libéral en France en 2021, sur un total de 637 000 infirmiers, selon les chiffres de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques.

On nous prend vraiment pour des petites mains. Ça ne peut plus continuer.

Sylvie Ciron, infirmière et élue du syndicat Convergence infirmière

à France 3 France-Comté

Le syndicat veut une prise en compte de cette pénibilité dans le calcul de l'âge du départ en retraite. "On travaille sept jours sur sept sur des plages horaires importantes. Ce n'est pas tenable sur le long terme. Vous me voyez en déambulateur m'occuper de votre père à la maison ?", s'interroge Sylvie Ciron. "Nous voulons une retraite à taux plein dès 62 ans, [il est de 67 ans aujourd'hui], avec un départ possible à 60 sous certaines conditions."

L'infirmière de Gueugnon espère que cette mobilisation pourra amener à une meilleure reconnaissance du métier d'infirmier libéral. "On s'est beaucoup donné, on s'est investi, et on a l'impression que, quoi que l'on dise, quoi que l'on fasse, on nous crache systématiquement à la figure. Nous, ce qu'on demande, c'est de pouvoir exercer notre métier pleinement". 

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