Ce dimanche 5 mai 2024 est la journée internationale de la sage-femme. Une journée qui célèbre "le plus beau métier du monde" depuis 1992. À Besançon (Doubs), Eugénie Cardot, 18 ans, rêve depuis l'enfance d'enfiler la fameuse blouse rose. Elle sera peut-être l'une des premières à obtenir le titre de docteure en maïeutique.
"Quand je suis entrée en sixième, ma prof' d'arts plastiques m'a demandé si je savais ce que voulait dire mon prénom et elle m'a dit que ça signifiait 'bien née', s'amuse Eugénie Cardot. C'est le destin !" Prédestinée, c'est bien le mot. Car l'étudiante de Besançon rêve depuis toujours de devenir sage-femme. Inscrite en PASS (Parcours d'accès spécifique santé), la première année des études de médecine, elle révise pour ses prochains partiels mais son choix est déjà fait pour la rentrée prochaine.
"Le rose est ma couleur préférée"
"J'ai un bon classement qui me permettrait de choisir médecine ou odontologie mais je vais faire maïeutique comme prévu", insiste la jeune femme âgée de 18 ans qui est un peu l'exception dans la famille. Ses quatre grands-parents étaient médecins, son père l'est aussi. Sa sœur aînée est interne et la cadette également étudiante en médecine. Mais Eugénie, elle, n'a jamais voulu porter la blouse blanche. "Le rose est ma couleur préférée, c'est un peu cliché, mais c'est vrai", plaisante-t-elle.
"J'ai toujours été attirée par les bébés, j'aimerais avoir au moins 5 enfants, assure Eugénie à France 3 Franche-Comté. En troisième, j'ai fait mon stage de découverte chez une sage-femme libérale et ça a confirmé mon envie de faire ce métier. Mais je n'ai jamais vraiment douté. C'est ma voie. J'ai toujours voulu faire ça."
Tu aides les femmes à donner la vie. L'accouchement est un moment éprouvant mais quand tu vois le bonheur après. C'est vraiment le plus beau métier du monde.
Eugénie Cardot, 18 ans.
Un cursus très demandé
Un enthousiasme qui ne surprend pas du tout Marilia Girault, la directrice du département maïeutique de l'UFR Sciences de la santé de l'Université de Franche-Comté. L'école de sages-femmes de Besançon n'existe plus en tant que telle depuis 2019 et la formation a rejoint le giron de l'UFC. Un cursus qui ne propose ici que 27 places chaque année. Très disputées apparemment.
"On n'a pas de problème de vocations, assure Marilia Girault. On a même tous les ans de plus en plus d'étudiants qui demandent des passerelles pour accéder aux études de sage-femme ! C'est une filière de santé qui présente un bon développement."
Un attrait que l'on doit surtout, selon elle, aux sages-femmes de ville, de plus en plus nombreuses, elles aussi. "Les sages-femmes libérales représentaient moins de 3% des diplômées il y a quelques années encore, elles représentent désormais 35% de la profession", souligne Marilia Girault. Avec la possibilité d'exercer une multitude d'activités.
On prend en charge des femmes de tous les âges, de la puberté jusqu'à la ménopause. On fait de la gynécologie de prévention. On accompagne des couples qui deviennent des couples parentaux. Cela va bien au-delà du seul suivi de la grossesse et de l'accouchement.
Marilia Girault, la directrice du département maïeutique de l'UFR Sciences de la santé de l'Université de Franche-Comté.
C'est cette richesse de compétences et cette diversité du métier qui attirent justement Eugénie. "C'est un métier qui change tous les jours, explique-t-elle. Chaque maman est différente, chaque grossesse est différente. Mais il y a aussi toute la sexualité, la contraception. Quand je dis à mes copines que je suis suivie par une sage-femme, elles sont étonnées !"
Une profession qui change
La Journée internationale de la sage-femme est célébrée chaque année le 5 mai. Un rendez-vous imaginé par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) pour rendre hommage aux blouses roses pour leur travail et pour promouvoir la sensibilisation aux soins essentiels qu’elles offrent aux mères et aux nouveau-nés.
Pour Marilia Girault, elle est surtout l'occasion d'évoquer l'évolution considérable du métier ces dernières années. "Notre profession change et la formation s'adapte, insiste celle qui forme de nouvelles praticiennes depuis 14 ans maintenant. C'est un métier qui associe à la fois des savoirs techniques, des responsabilités médicales importantes mais aussi des compétences dans l'accompagnement et le soutien pyscho-émotionnel des femmes."
Les sages-femmes ont une nouvelle identité sociale qui ne se limite plus à l'accouchement. A l'heure où la pornographie est omniprésente, elles sont très engagées aujourd'hui auprès des jeunes sur l'éducation à la vie sexuelle et affective. Très investies aussi sur la justice sociale et les droits des femmes, l'IVG, le dépistage des violences intra-familiales, l'évolution des couples parentaux.
Marilia Girault, la directrice du département maïeutique de l'UFR Sciences de la santé de l'Université de Franche-Comté.
"Ce n'est pas un sous-métier, s'agace Eugénie de son côté. On est parfois mal jugé quand on dit qu'on veut devenir sage-femme, certains choisissent parfois maïeutique par dépit, je trouve ça dommage !"
Docteure en maïeutique
Si tout va bien, Eugénie sera l'une des premières sages-femmes à obtenir le titre de docteure en maïeutique. La loi du 25 janvier 2023 visant à faire évoluer la formation de sage-femme, dite loi Chapelier du nom de l’ancienne députée (Agir) Annie Chapelier qui l’a portée, prévoit en effet un troisième cycle d’études.
Je serai fière de faire partie de cette première promotion de docteures. Ça montre l'évolution autour de ce métier. Les sages-femmes se sont battues pour cette reconnaissance.
Eugénie Cardot, 18 ans.
"Nous étions la seule formation médicale formée en 5 ans, rappelle Marilia Girault. Odontologie, pharmacie, médecine, toutes les autres sont prévues sur 6 ans." Une durée inadaptée à la réalité des études selon l’Association nationale des étudiantes sages-femmes (Anesf), qui dénonçait l’épuisement provoqué par la surcharge de travail. Pour elle, la formation nécessitait "en moyenne 1 100 heures de cours de plus en cinq ans que les dentistes ou les pharmaciens".
Accès facilité à la recherche
"Cette sixième année d'études donne une meilleure perception, une meilleure visibilité du statut médical de la sage-femme", note Marilia Girault. Et un accès facilité à la recherche. Dans les pays anglo-saxons, la "Midwifery" est à l'origine de nombreuses thèses ou études, ce qui n'est pas encore le cas en France. Physiologie de la grossesse, épidémiologie mais aussi éthique ou sciences humaines, les sujets ne manquent pourtant pas selon Marilia Girault. L'enseignante va justement commencer une thèse de doctorat de sociologie en septembre sur la parentalité. "Aujourd'hui, les sages-femmes à l'hôpital sont surtout des cliniciennes et on ne leur dégage pas de temps pour faire de la recherche, reconnaît-elle. Et il faut aussi des postes donc des crédits."
La recherche, Eugénie y pense aussi. "Mais j'aimerais également partir à l'étranger, faire de l'humanitaire, puis m'installer en libéral tout en essayant de faire des gardes en salle de naissance pour faire des accouchements."
De sa future rémunération, la jeune femme, en revanche, n'en parle pas. Pour elle, on l'aura compris, ce n'est pas une question d'argent. Heureusement, car les sages-femmes se battent toujours pour une revalorisation de leurs salaires à l'hôpital ou de leurs actes en libéral. "C'est vrai qu'on ne choisit pas ce métier pour son attrait financier", sourit Marilia Girault.