Ouverture d'e-boutiques, lancement de comptes Instagram, ventes exceptionnelles sur Internet : les horlogers suisses qui ont longtemps hésité à vendre en ligne sont soudainement en train de passer à la vitesse supérieure pour entrer de plain-pied dans l'ère du numérique.
A Baselworld, le salon horloger qui se tient chaque année en mars à Bâle, les fabricants de montres suisses ont multiplié les annonces de projets sur la Toile et les réseaux sociaux, à l'instar de Patek Philippe, une des plus grandes références du secteur, qui y a officialisé le lancement de son premier compte Instagram.
Le 18 de chaque mois, cette prestigieuse maison fondée en 1839 proposera aux passionnés d'horlogerie un rendez-vous pour discuter de son actualité et de son savoir-faire, à très précisément 18H39 (heure de Genève), en référence à sa date de création.
"Internet est en train de changer la donne de manière phénoménale", explique David Sadigh, le patron de DLG, un cabinet de conseils en marketing numérique. L'annonce d'une grande maison comme Patek constitue, selon lui, "un signal fort" des changements à l'oeuvre dans l'horlogerie.
Le commerce en ligne ne représente que 3% des ventes des horlogers
Mais d'ici 2022, sa part pourrait grimper aux alentours de 8 à 12%, selon les gammes de prix. Si certaines marques utilisent encore les outils numériques essentiellement pour communiquer avec les collectionneurs, beaucoup sont désormais en train de franchir le pas de la vente en ligne.
L'an passé, Omega, un des grands fabricants de montres de prestige, a créé la surprise en organisant une vente éclair sur Instagram auprès d'une communauté de fans de la marque avant d'annoncer en novembre le lancement de sa première plateforme d'e-commerce pour le marché américain.
A Paris, la marque, connue notamment pour la montre de James Bond, a ouvert une boutique éphémère "virtuelle", dotée d'un écran numérique sur la porte permettant de faire défiler une gamme de bracelets pour personnaliser sa montre et passer commande en quelques clics sur un smartphone.
L'horlogerie de luxe entre dans l'ère numérique
Oris, autre marque suisse, s'apprête elle aussi à lancer une e-boutique, aux États-Unis, mais entend également aller directement à la rencontre de la nouvelle génération d'acheteurs avec une boutique mobile, installée dans une caravane américaine Airsteam, qui sillonnera les festivals pendant l'été.
A Bâle, cette marque française, qui fabrique des montres en Suisse inspirées du monde de l'aviation, a annoncé la mise en vente de trois pièces uniques, à 400.000 euros chacune: l'une sur Mr Porter, un portail de distribution de produits de luxe masculin, la deuxième sur sa propre e-boutique et la dernière dans une boutique traditionnelle.
"Aujourd'hui, il faut créer un cheminement du digital vers le réel, et du réel vers le digital", selon Jean-Christophe Babin, le patron de Bulgari, une des marques du groupe français LVMH, le numéro un mondial du luxe. Loin de remplacer les boutiques traditionnelles, les outils numériques vont plutôt faire évoluer leur rôle, leur fournissant des instruments qui vont aider à créer l'événement et faire venir les clients en magasin.