Une rencontre entre le préfet et des éleveurs avait lieu ce 16 septembre dans le Haut-Doubs après plusieurs attaques imputées aux loups. Ce dernier s'est voulu rassurant face à des éleveurs sous tension. Détails.
"S'il faut aller au tir de prélèvement, nous irons, mais il faut franchir les étapes les unes après les autres" a expliqué Jean-François Colombet, préfet du Doubs, tout en appelant la centaine d'agriculteurs du Haut-Doubs réunis ce vendredi 16 septembre à "faire les choses dans l'ordre".
"Si nous ne franchissons pas les étapes les unes après les autres, dans le cadre de l'état de droit, nous aurons des gens qui vont venir s'opposer au fait que nous cherchions à faire baisser la pression lupine. Et ça je n'en veux pas. Je ne veux pas de Notre Dame des Loups sur ce territoire, sinon ce sera compliqué, croyez-en mon expérience" a-t-il développé, faisant référence à la ZAD (zone à défendre) de Notre-Dame-des-Landes près de Nantes, où des centaines d'opposants à la construction d'un deuxième aéroport s'étaient installés durant plusieurs mois.
Il était face aux éleveurs qui réclament une réponse forte de l'État après l'attaque de cinq génisses cette semaine.
Il y a trop de loups sur ce secteur aujourd'hui, c'est évident.
Jean-François Colombet, préfet du Doubs, le 16 septembre dans le Haut-Doubs
Ces dernières semaines, 11 tirs de défense ont été autorisés dans le Massif du Jura, pour protéger les troupeaux mais aucun n'a pu être mené à bien. "Les opérations qui ont été mises en place n'ont pas permis de voir de loup. Jusqu'à présent, on a pu observer le loup soit hors de portée, soit pas en position d'attaque. Pour le moment, on n'a pas pu effectuer de tirs", explique Aurélia Barteau, Cheffe de service Eau, Risques, Nature et Forêt à la DDT du Doubs.
En France, les tirs pour abattre un loup se font sur dérogation uniquement lorsqu’aucune mesure (chiens de troupeaux, enclos, tirs d’effarouchement) ne fonctionne après une série d’attaques sur un secteur. De part et d'autre de la frontière, le loup reste à l'heure actuelle un animal protégé. Le développement des meutes pourrait marquer un tournant dans la politique de protection des loups et entraîner une évolution de la loi. C'est en tout cas ce que souhaitent les agriculteurs francs-comtois réunis ce vendredi.
"Si on ne régule pas, ce sera invivable pour les paysans"
"Encore une fois, on n'est pas pour exterminer le loup mais on a 17 loups et si on ne régule pas, ce sera invivable pour les paysans. On a 2 200 fermes dans le Doubs, 8 000 troupeaux à protéger, il faudrait 2 chiens par troupeau, donc 16 000 chiens. On a un territoire enclavé, cela ne permet pas forcément d'avoir des chiens patous", réagit Florent Dornier, président de la FDSEA du Doubs. Les agriculteurs demandent à ce que "l'ensemble du secteur de Mouthe soit classé en tir de défense simple ou tir de défense renforcé".
Le préfet détaille au micro de France 3 Franche-Comté sa volonté d'agir et de trouver l'équilibre entre le soutien aux éleveurs francs-comtois et le respect de la loi française qui protège le loup. Il a également annoncé l'arrivée dans le Haut-Doubs, dans les jours, qui viennent de louvetiers spécialisés en provenance de Gap. Cette brigade aura pour mission de former les agriculteurs concernés et d'effectuer des tirs de défense efficaces.
"On tue plus de 100 loups chaque année en France dès lors que la pression sur les élevages est trop intense", rappelle Jean-François Colombet, sans oublier de mentionner qu'un nouveau plan loup doit voir le jour l'an prochain. "C'est le moment de faire connaître les spécificités du Massif du Jura". Et de conclure : "On ne va pas faire un carton sur les loups, c'est hors de question, mais on va faire baisser la pression".
"C'est un prédateur, il a un rôle clé"
Les spécificités du Massif du Jura sont-elles réellement inadaptées à l'application du plan loup national tel qu'il existe de nos jours ? Pour Delphine Durin, chargée de mission à Jura nature environnement, cet argument avancé par les agriculteurs n'est pas nouveau et revient sur chaque territoire depuis de nombreuses années.
"C'est l'argument qu'on donnait dans les Alpes il y a de ça un peu plus de 30 ans. Est-ce que réellement on a fait des diagnostics au niveau des exploitations ? Je ne pense pas que des études permettent d'avancer cet argument. Les exploitations seront protégées différemment mais tant qu'on n'a pas testé des choses, je vois difficilement comment on peut évoquer ça de façon confirmée", développe-t-elle pour France 3 Franche-Comté.
Le loup est-il plus important pour la biodiversité en France qu'il n'est nuisible pour l'élevage ? Pour Delphine Durin, le loup fait partie d'un tout. "Il fait partie de cette biodiversité dont on arrête pas de nous dire qu'il faut la protéger. C'est un prédateur, il a un rôle clé. Ce n'est pas cohérent avec la politique globale et le mot d'ordre qui dit qu'il faut protéger la biodiversité. On doit aussi entendre la parole de ceux qui protègent ces espèces."